Venise 2009 : Jour 6

Laurent Pécha | 7 septembre 2009
Laurent Pécha | 7 septembre 2009

Lundi en enfer ou comment une australienne vous flingue votre journée.

 

Après avoir pris mon pied hier soir sur le film de Steven Soderbergh (la critique est ici), je suis rentré sagement à l'appartement pour préparer ma double interview avec Christophe Lambert et Claire Denis. Et ce matin, j'arrive prêt à shooter toutes mes questions et bing, the bad news : l'attaché de presse me dit que comme il s'agit d'une interview en groupe international, on devra la faire en anglais. J'attends les journalistes pour voir si cette blague sera bien réelle. Coup de chance, je suis avec un belge, un espagnol francophone, une polonaise qui comprend un peu le français et...une australienne. Damned ! La miss ne pipe pas un mot de la langue de Molière et c'est parti devant un Lambert gêné de devoir s'exprimer en anglais face à un tel auditoire. On s'y fera sauf que l'australienne attaque fort. Elle monopolise la conversation, ne passe pas la parole. Et surtout n'écoute rien des réponses de Cricri. Il évoque son tournage de Greystoke au Cameroun pour souligner qu'il connaissait déjà le pays, l'aussie enchaîne trois minutes après sur the question : «  êtes-vous déjà allé en Afrique ? ». Poli, j'attends mon tour me disant qu'elle va bien laisser la parole aux autres. Tu parles ! Elle coupe presque l'acteur pour être sûr de placer ses questions sans intérêt. A la 23ème minute de l'interview, j'en place enfin une et demande à Lambert de m'expliquer pourquoi Il était une fois dans l'ouest est son film préféré. En fait, pendant qu'il me répond, j'écoute qu'à moitié car je me projette justement dans un western de Leone où je pourrai flinguer ma voisine de droite. Fin de l'interview mais pas fin de mon cauchemar australien.

Nouvelle table ronde avec Claire Denis et nouvelle obligation de parler en anglais malgré encore une fois la présence de 3 francophones sur 5. Heureusement, ma « charmante » collègue australienne est partie flinguer l'ambiance du groupe avec Isabelle Huppert (petite pensée à mon collègue belge qui était encore avec elle). Yessss ! Noonnnnnn ! Une australienne peut en cacher une autre...Et voici un nouveau modèle à notre table avec le même résultat. Là, j'ai de l'expérience et je place ma première question à la 16ème minute. Comme Claire Denis a du mal à s'exprimer en anglais, le mystère sur son White material reste presque entier à la fin d'une interview ratée où la réalisatrice a confirmé son peu d'enclin pour la compétition, révélant que le programmateur de la Mostra lui avait dit qu'elle avait beaucoup de gens contre elle. Dur monde !

 

 

Comme les interviews étaient à l'heure, je fonce dans les rues du Lido pour arriver à temps à la conférence de presse de The Informant, avec Soderbergh et Damon en vedette. Sous les applaudissement, la conférence débute et qui pose la première question dans une assistance de plus de 300 personnes ? Ben oui, vous avez trouvé : mon australienne ! Allez comme il n'y avait pas grand chose à sauver, comme souvent, de cette conférence hormis que Soderbergh a fait l'éloge du mensonge comme art de rester en vie, je file à ma troisième interview de la journée. Une table ronde avec Lee Unkrich et Darla Anderson, respectivement réalisateur et productrice de Toy story 3. Et comme dit notre bon vieux diction, jamais deux sans trois, l'ausssie is back et s'assoie à côté de moi pendant que je suis justement en train d'exorciser ma journée sur mon portable. L'interview débute et qui prend la parole en premier ? Qui ? Plus besoin de vous faire un dessin. C'est donc parti pour une table ronde insipide puisque les deux interviewés n'ont pas le droit de parler du film à part ce que l'on sait déjà : Andy a grandi et va désormais au collège et l'on retrouve tous les jouets présents dans les deux premiers épisodes. Pèle mêle on apprend qu'ils sont dans les temps, encore 8 mois avant de boucler le film. Ils continuent avec la franchise Toy story car elle apporte vraiment des bonnes histoires et parce que Woody et Buzz sont un peu les emblèmes de Pixar. Que sans une bonne histoire, la technique n'est rien. Que le film va prendre en compte le fait qu'ils ont tous vieilli, qu'ils ont tous des enfants, ce qui n'était pas forcement le cas à l'époque de Toy story (Lasseter a désormais 3 de ses enfants à l'université si vous voulez tout savoir). Que leur inspiration vient du fait qu'ils font les films qu'ils iraient voir....Bref, un joli enfoncement de portes ouvertes mais très bien organisé (tout démarre à l'heure et finit à l'heure) qui me permet de filer à ma première projection de la journée, Lebanon, film israélien en compétition de Samuel Maoz.

 

 

Et là, j'oublie vite ma journée en enfer pour me plonger dans un tout autre enfer. Le vrai, celui-là puisque Lebanon nous entraîne au coeur d'un char israélien lors du premier jour de la 1ère guerre du Liban. J'y suis, j'y reste serait-on tenter d'écrire puisque le saisissant parti-pris de Maoz est de ne jamais nous faire quitter ce char. Le cinéaste ne propose que de plans exigus de l'équipage qui va petit à petit perdre toute son innocence et la vision du monde extérieur et des ravages de la guerre n'est visible que par la lunette du tireur du char. Deux options que le réalisateur marie avec une incroyable dextérité. On pense forcement au Das Boot de Wolfgang Petersen, épopée claustrophobique dans un sous-marin allemand mais aussi à La bête de guerre de Kevin Reynolds qui suivait un char soviétique en pleine guerre d'Afghanistan. Sans être aussi définitif que ces deux énormes films, Lebanon atteint son douloureux objectif : nous faire ressentir à quel point la guerre détruit tous ceux qui doivent y participer. Enormes et longues salves d'applaudissements à la fin de la projection et un sérieux candidat à un prix de la mise en scène.

 

Direction maintenant pour les deux derniers films de la journée : L'Elite de Brooklyn et Napoli, Napoli, Napoli d'Antoine Fuqua avec son quatuor de stars, Ethan Hawke, Richard Gere, Don Cheadle et Wesley Snipes et d'Abel Ferrara. A demain matin pour mon avis.

Et comme j'ai eu un peu d'aide de Paris, je vous renvoie à la critique de Thomas Messias sur le dernier Jacques Rivette, 36 vues du Pic Saint Loup.

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