La grève des scénaristes est finie mais ça change quoi ? Salaires, IA, streaming... on fait le point

Cinq mois après le début de la grève, scénaristes et studios ont trouvé un terrain d'entente. On vous décrypte les aboutissants de cet accord historique.

Les scénaristes d'Hollywood ont (enfin) gagné. En grève depuis le 2 mai 2023, les scénaristes luttaient pour obtenir de meilleures conditions de travail, sérieusement mises en danger par l'arrivée en trombe de l'intelligence artificielle et des salaires parfois ridicules. En juillet, la grève des scénaristes a ensuite été accompagnée d'une grève des acteurs qui a provoqué un immense chaos dans l'industrie hollywoodienne, complètement chamboulée au cours des derniers mois. Chez Warner, on parle de 500 millions de pertes malgré le succès de Barbie.

La grève a officiellement pris fin à 00h01 ce 27 septembre aux États-Unis (heure de Los Angeles et donc 9h01 en France). Elle signe le début d'une nouvelle ère (en tout cas, on espère) pour les scénaristes hollywoodiens, qui vont avoir plus de pouvoir qu'avant, un salaire plus élevé et plus de contrôle sur l'intelligence artificielle. La Writer Guild of America (WGA), syndicat qui les représente, parle d'un "accord historique". Mais concrètement, qu'est-ce que ça change ? On décortique tout ça.

Voilà ce que ça donne de ne pas payer de scénaristes

on streame l'accord

L'un des principaux points de rupture entre la WGA et l'Alliance of Motion Picture and Television Producers (AMPTP, représentant des studios) concernaient le streaming. Pour résumer, les scénaristes n'étaient pas mieux rémunérés si leur œuvre fonctionnait bien ou très bien. 500 000 vues ou 25 millions : aucune différence pour les scénaristes qui ne touchaient aucun bonus sur les gains générés par le nombre de visionnages. Ce nouvel accord a donc apporté plusieurs gros changements sur ce point :

• Premièrement, la WGA aura (enfin) le droit de connaître les statistiques de visionnages de chaque programme d'une plateforme. Jusqu'ici, elles n'étaient pas systématiquement communiquées, car liées par un accord de confidentialité. 
• Ensuite, les scénaristes obtiendront un bonus sur la base du nombre de visionnages sur une plateforme. Cela correspond au système mis en place par Netflix (et repris par Disney+) cette année. Depuis peu, les plateformes partagent le nombre de vues de leur programme sur ses 91 premiers jours, sur le principe d'EVC, c'est-à-dire le nombre total d’heures visionnées aux États-Unis divisées par la durée des programmes. Désormais, si un programme est vu par au moins 20% des abonnés américains d'une plateforme pendant les 90 premiers jours de diffusion, les scénaristes obtiendront un bonus de 50% sur leur paye.
• Les résidus (bonus lié au nombre exact de vues d'une œuvre) seront désormais divisés par rapport à leur popularité à l’étranger. Ce nouveau système augmentera les revenus liés aux résidus de 76% (à l'heure actuelle).

C'est un immense pas en avant pour les scénaristes, qui voient leurs salaires grandement augmentés et leur travail bien plus reconnu. Désormais, plus un programme sera vu, plus les scénaristes seront rémunérés. C'est donc totalement logique, et il était temps que le système change. Mais cette victoire n'est pas la seule.

Plus jamais ça

IA plus de problème

Le deuxième point de désaccord majeur concernait l'intelligence artificielle, qui a pris du galon ces derniers mois. Carrément utilisée par Marvel pour créer le générique de l'ignoble Secret Invasion, l'IA n'attendait plus que de participer à l'écriture de scénarios. Ce qui arrivera un jour, et qui terrifie les scénaristes (à juste titre). Heureusement, ils ont réussi à réguler le problème avec cet accord.

• L'intelligence artificielle ne peut pas être utilisée pour écrire ou réécrire un travail littéraire. Ce qui est écrit par une IA ne peut pas être considéré comme la source d'un projet, et ne peut donc pas mener à la division du salaire d'un scénariste : une IA ne peut pas prendre de salaire ou réduire celui d'un écrivain.
• Un scénariste a le droit d'utiliser l’IA lorsqu'il écrit, si l’entreprise y consent et à condition qu’il respecte les politiques de l’entreprise. Mais l’entreprise ne peut pas exiger que le rédacteur utilise un logiciel d’IA (par exemple, ChatGPT) lors de l'écriture d'un scénario. 
• L'entreprise doit divulguer à l’auteur si des documents qui lui ont été fournis ont été générés par une IA.
• La WGA se réserve le droit d’affirmer que l’exploitation du matériel des auteurs pour entraîner l’IA à écrire est interdite.

Ne nous faites pas croire que cette chose n'a pas été écrite par une IA

En plus de ces points majeurs, les salaires minimum ont pour la plupart été augmentés de 5% dès maintenant, et augmenteront à nouveau de 4% en février 2024 et de 3,5% en février 2025. L'assurance maladie est elle aussi concernée par cet accord et permettra une meilleure prise en charge (ce qui était un point crucial pour les scénaristes). Ce premier pas est une immense victoire pour les scénaristes et Hollywood. Les acteurs et actrices sont toujours en grève, mais nous pouvons désormais espérer une victoire de leur côté également.

Selon des informations similaires relayées dans plusieurs médias américains, un accord pourrait être trouvé d'ici la mi-octobre au sujet des comédiens et comédiennes. Affaire à suivre...