Bigbug : la comédie robotique de Jean-Pierre Jeunet se crashe sur Netflix

Mathieu Lapon | 23 février 2022 - MAJ : 23/02/2022 15:49
Mathieu Lapon | 23 février 2022 - MAJ : 23/02/2022 15:49

Bigbug, la comédie de robots de Jean-Pierre Jeunet, est un four d'audiences sur Netflix.

Après dix ans d'absence dans les salles de cinéma, Bigbug est le grand retour de Jean-Pierre Jeunet, mais en streaming. Le rendez-vous était donc pris, mais finalement, à la rédaction, on a été gêné plus qu'autre chose (notre critique de BigBug), et il semblerait que la critique (presse comme spectateur) réceptionne de façon très mitigée cette nouvelle proposition du réalisateur français.

Mais au moins, Jeunet pouvait se vanter de toucher une large audience grâce à la greffe de son film sur Netflix. Une manœuvre qui avait tout pour porter ses fruits, surtout quand on voit l'universalité du sujet du film (la lobotomisation des esprits par la technologie). Mais dans les faits, la comédie Bigbug est un petit bide d'audiences.

 

BigBug : photo, Elsa Zylberstein, Stéphane De Groodt"Comment on fait si on sait plus compter ?"

 

BIGCRASH NETFLIX

L'information nous vient du site Top 10 Netflix. Alors oui, on pourrait se dire qu'il s'agit du paradoxe ultime : un raté figurant sur le top 10 de la semaine ? C'est pourtant le cas. Mis en ligne le 11 février 2022 sur la plateforme, le film ne cumulait pour sa première semaine que 4 millions d'heures de visionnage. Un chiffre qui paraît impressionnant, mais qui ne place Bigbug que comme septième de la semaine, loin derrière les 34 millions d'À travers ma fenêtre (sortie le 4 février), les 18 millions de The Privilege (sortie le 9 février) ou les 10 millions d'Into the Wind (sortie le 10 février).

Pour sa deuxième semaine, il fait le double d'heures de visionnage que la première (8 millions) et se place troisième du top 10, derrière À travers ma fenêtre (13 millions) et Love Tactics (17 millions). En bref, il décolle à peine, dans une semaine assez désertique au niveau des audiences (ne serait-ce que rapport à la semaine dernière, mais aussi par rapport aux semaines à blockbusters). On pourra difficilement parler de "second souffle" pour Jeunet.

 

BigBug : photoGrognon-o-Tron 2000

 

jeunet rit jaune ?

Impossible de comparer directement les chiffres de cet échec avec le box-office du reste de sa filmographie, qui n'a jamais compté de sortie en streaming. Toutefois, on peut constater une évolution dans l'intérêt toujours plus décroissant du public, au fil des ans. Après Delicatessen et La Cité des enfants perdus, ses deux premiers longs-métrages co-réalisés avec Marc Caro, Jeunet s'est fait remarquer par 20th Century Fox afin de mener Alien, la résurrection.

Le célèbre film de SF, malgré un score domestique faible (47 millions contre 82 millions pour le premier Alien), a été un succès économique global à 161 millions de dollars. Dans la lignée d'Alien 3 (159 millions), la saga est sauve et notre bon français n'a pas enrayé le portefeuille de la franchise. De quoi éviter une carrière mort-née et même de décoller un peu. Car, en parallèle du développement d'Alien 4, Jeunet développait son premier gros film bien à lui, sans co-réalisateur ni étiquette blockbusteresque : Le Fabuleux Destin d'Amélie Poulain.

 

 

La comédie romantique s'est avérée être un triomphe, car pour un budget de seulement 12 millions d'euros, le film a rapporté 174 millions de dollars au box-office mondial et a fait 8,6 millions d'entrées en France. Un colosse sur la scène nationale et internationale, qui ne va pourtant pas servir des masses à la suite de sa carrière. Dès le film suivant, Un long dimanche des fiançailles (46 millions d'euros de budget), les revenus baissent à 76 millions de dollars et 4,4 millions d'entrées françaises.

Un score plus qu'honorable à l'échelle nationale, mais beaucoup plus terne au niveau des recettes. Après quoi, l'intérêt ne fera que baisser, avec des films sortant à peine à l'international, ne se rentabilisant pas, et dont les entrées sont moyennes, pour ne pas dire faiblardes. C'est le cas de Micmacs à tire-larigot (1,2 million d'entrées) et de L'Extravagant Voyage du jeune et prodigieux T. S. Spivet (677 000 entrées).

 

Le Fabuleux Destin d'Amélie Poulain : photoLointaine époque

 

Ce décroissement, il a amené le réalisateur dans l'incapacité de trouver des producteurs et distributeurs pour lancer Bigbug. Comme il l'a expliqué à l'Agence France-Presse, il a "frôlé la dépression à l'idée de ne pas pouvoir tourner" le film. C'est finalement grâce à Netflix que Jeunet a eu les ressources nécessaires pour concrétiser son projet, et il a avoué en être ravi et pro-streaming pour ça :

"Dès qu'un film sort, on a les yeux rivés sur le nombre d'entrées. Quand on vous dit, il y a 200 spectateurs, c'est une catastrophe. Là, il y a un demi-milliard de spectateurs potentiels puisque Netflix a environ 220 millions d'abonnés. Si 1% de ce public regarde le film, ça fait beaucoup de monde."

Mais le succès n'aura pas été totalement au rendez-vous, malgré tout. Est-ce que cela pourrait inciter Netflix à ne pas rempiler pour un autre film avec le célèbre réalisateur ? Est-ce que c'est une nouvelle carte de sa carrière qui a été grillée ? Possiblement, même si le marché du streaming a un système de rendement très flou, qui permet de relativiser les échecs et les succès. On n'est donc jamais à l'abri de surprises.

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commentaires
ALEXVAL
26/02/2022 à 07:56

Bien triste de voir combien la critique s'acharne sur Jeunet. Pour moi, Bigbug est déjà culte, je l'ai vu deux fois et pourrais bien le voir une troisième fois ce week-end. Merci Jeunet, formidable travail!

patvaux
25/02/2022 à 10:12

Film original qui se regarde avec plaisir, pour y voir une critique de la société

Zarkoff
25/02/2022 à 00:44

Je suis très bon public, mais là je dois dire que j'ai trouvé ça vraiment pas bon.
Et c'était pas bien joué en plus (le type avec le faux accent marseillais surtout).
Dommage, mais bon je salue l'essaie de faire un peu d'Antcipation à la française.

GTB
24/02/2022 à 16:37

@Simon Riaux - Rédaction> Ça dépend de ce qu'on entend par "financer". Netflix délèguent très souvent la production à des boites de prod dont c'est le métier. Ici, Netflix n'ont pas acheté/acquis ultérieurement les droits d'un film déjà fait. Selon les dires de Jeunet en interview, Netflix l'ont contacté pour faire un film avec lui. Il leur a dit qu'il avait Bigbug dans ses cartons depuis un moment sans trouver preneur et il leur a envoyé le script. Netflix ont trouvé ça original et on dit ok pour le faire. Ils ne sont donc pas à la production à proprement parlé, mais c'est bien par leur aval et leur offre d'achat que le film s'est fait. Encore une fois, d'après les explications de Jeunet sur comment cela s'est passé.

Bon, maintenant on sait pourquoi le film était resté dans les cartons :). Je vais pas dire qu'il aurait dû y rester par respect de la création; mais il avait clairement besoin d'être cadré et maturer d'avantage.

Filou
24/02/2022 à 15:23

Quelle déception ! Juste un film tout pourri...

SebSeb
24/02/2022 à 14:23

12 millions d'heures en 2 semaines, ça donne au plus environ 6 millions de fois le film vu dans sa totalité, soit à environ 6€ en moyenne la place de ciné, 36 millions de recettes. Et encore, si on considère qu'il n'a été vu que par 1 personne à chaque fois (ça pourrait être 1,3 à 1,5 sans souci, soit 50 millions en équivalent). Même s'il va maximiser ses vues dans les premières semaines, c'est loin d'être dégueu, ou un crash. Et ça m'étonnerait qu'il ai eu un budget de 25 ou 40 millions pour le tourner.

Aurel35
24/02/2022 à 13:51

Normal, c'est de la merde..

Simon Riaux
24/02/2022 à 13:39

@Doorstof

Attention, BigBug, probablement le pire long-métrage accueilli par la plateforme, n'est pas "financé" par Netflix, mais bien acheté et distribué.

C'est la société Eskwad, tout ce qu'il y a de plus hexagonale, qui a produit le film.

Doorstof
24/02/2022 à 13:37

Dommage, car c'est un véritable bijoux. Une pépite parmi les daubes de chez Netflix, mais je leur pardonne car ils ont été les seuls à finance Bigbug.

Rolbi
24/02/2022 à 12:51

Je trouve l’univers de JPJ extraordinaire, mais là ? Les personnages sont trop caricaturaux, l’acteur avec son accent marseillais m’a perturbé, j’adore cet accent, mais là il m’a semblé artificiel, l’histoire ressemble plus à un 8 clos théâtrale avec un scénario sur l’enfermement et la domination robotique un peu bateau, du coup on se rabat sur les dialogues, mais là aussi l’écriture n’est pas extraordinaire, donc au final on reste sur sa faim, ne sachant pas sinon a aimé, détesté. La promesse était là ( lumière, décors, musique , ambiance ) et on attends le feu d’artifice, la folie Jenet, le décalage, l’humour un peu noir … mais en vain, il n’arrive jamais et il faut se contenter des pétards du voisin….

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