Cannes 2021 : le fou Titane remporte la Palme d'or dans une cérémonie historique et dingue

Alexandre Janowiak | 17 juillet 2021 - MAJ : 18/07/2021 11:19
Alexandre Janowiak | 17 juillet 2021 - MAJ : 18/07/2021 11:19

Le Festival de Cannes 2021 est terminé et la Palme d'or a été attribuée à Titane de Julia Ducournau dans une cérémonie complètement dingue.

Dès la révélation des membres du jury, le palmarès promettait d'être éclectique vu les différences de sensibilité évidente entre les neufs personnalités menés par le président Spike Lee. On pouvait donc s'attendre à un palmarès s'éloignant des propositions classique pour récompenser à la fois un cinéma engagé (la conférence du jury en début de festival était clair à ce sujet) tout en encourageant un cinéma plus moderne, proposant un regard différent en innovant visuellement.

Sur les 24 films présentés en compétition, plusieurs se détachaient comme favori du côté des bookmakers pour empocher la Palme d'or : Drive my car de Ryūsuke HamaguchiUn héros de Asghar FarhadiMemoria de Apichatpong Weerasethakul ou encore Julie (en 12 chapitres) de Joachim Trier. Et si les quatre films ont été récompensés, c'est finalement Titane de Julia Ducournau qui a reçu la Palme d'or des mains du jury.

 

photo, Agathe RousselleTitane Palme d'or, une révolution

 

Le suspense a rapidement été détruit après la bourde monumentale de Spike Lee, qui a annoncé le film recevant la Palme d'or au début de la remise des prix du bout de son micro, coupé in extremis par une Mélanie Laurent vaillante mais pas assez rapide. Toutefois, tout le monde a fait comme si de rien n'était et Doria Tillier a tenu la baraque avec un sang froid assez remarquable (en plus de quelques punchlines savoureuses sur son ex-compagnon Nicolas Bedos) pour remettre un peu de l'ordre dans ce bordel, en vain.

Entre les entrées ratées, les explications des délibérations foireuses... tout était chaotique. Spike Lee a même faili refaire la même erreur avant l'entrée de Sharon Stone, arrêté cette fois par les "non" du public et un Tahar Rahim devenu conseiller de luxe pour traduire les demandes de Doria Tillier au réalisateur de Do the Right Thing. Bref, chacun connaissait la conclusion de ce palmarès avant même son commencement, mais la cérémonie n'en fût que plus étrange, drôle, bordélique et donc mémorable.

Un chaos durant lequel Titane a donc reçu la Palme d'or, Julia Ducournau devenant la deuxième femme à recevoir la récompense après Jane Campion pour La Leçon de piano en 1993, mais la première femme à recevoir cette récompense ultime seule (puisque le palmarès de 1993 comptait une Palme d'or ex-aequo entre Campion et Adieu ma concubine de Kaige Chen). Une Palme révolutionnaire pour le festival de Cannes et le cinéma tant Titane est une oeuvre unique, bousculant les frontières du genre (notre critique).

 

Photo Amir JadidiUn héros repart avec un Grand Prix

 

Pour le reste du palmarès, l'excellent Caleb Landry Jones, vu dans Get Out, a été récompensé très justement pour son rôle de marginal dans le glacial Nitram de Justin Kurzel. Chez les femmes, c'est l'incroyable Renate Reinsve, héroïne moderne du sublime Julie (en 12 chapitres) du Norvégien Joachim Trier.

Le prix du jury a été remis conjointement à l'Israélien Nadav Lapid pour Le Genou d'Ahed et le Thaïlandais Apichatpong Weerasethakul pour MemoriaLe prix de la mise en scène a été attribué à Annette de Leos Carax (notre critique) quand celui du scénario a été remis au chouchou de la critique : Drive my car de Ryūsuke Hamaguchi. Enfin, le jury a fait une exception en attribuant un autre prix égalité avec le Grand Prix remis aux excellentes Un héros de l'Iranien Asghar Farhadi et Compartiment N°6 du Finlandais Juho Kuosmanen.

Durant la cérémonie, le réalisateur italien Marco Bellocchio (Le TraîtreAutour du désir) a également reçu une Palme d'or d'honneur pour l'ensemble de sa carrière.

 

Photo Seidi HaarlaCompartiment N°6, en chemin pour le palmarès

 

Le récapitulatif du palmarès de cette 74e édition :

Palme d'or : Titane de Julia Ducournau

Grand PrixUn héros de Asghar Farhadi et Compartiment N°6 de Juho Kuosmanen

Prix du Jury ex-aequo : Le Genou d'Ahed de Nadav Lapid et Memoria de Apichatpong Weerasethakul

Prix d'interprétation féminine : Renate Reinsve pour Julie (en 12 chapitres)

Prix d'interprétation masculine : Caleb Landry Jones pour Nitram

Prix du scénario : Ryūsuke Hamaguchi pour Drive my car

Prix de la mise en scène : Leos Carax pour Annette

Caméra d'or : Murina de Antoneta Alamat Kušijanović

Palme d'or du court-métrage : Tous les corbeaux du monde de Tang Yi

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commentaires
Kyle Reese
19/07/2021 à 00:53

En tout cas comme l’a dit’JR ca fait plaisir d’échanger ici et de vous lire. Et je me dis que ma culture et ma curiosité ciné sont sommes toute assez limités par rapport à certains ici.
Mais c’est pas grave. Et je me demandais quel était le dernier chef d’oeuvre que j’avais pu voir … c’est évidement hyper subjectif, le premier qui me vient en tête c’est Mother de Darren Aronofsky, énorme claque inattendue. Et puis Apocalypto (re-claque) découvert sur le tard grâce au site et ses habitués qui m’ont fait dépasser mes préjugés sur Gibson réalisateur. (Doit y en avoir d’autre mais ces 2 là sont des évidences ). J’ai l’impression peut être fausse que notre époque produit moins de potentiel chef-d’oeuvre, ou film classique en devenir. (Il faut quelques années de recul pour les certifier). Pour revenir à Cannes sur 20 ans, je n’ai vu que 5 palmes d’or dont 4 qui m’ont vraiment marqué, Parasite, la vie d’Adèle, Éléphant et Le pianiste. J’ai eu plus de mal avec Tree of life. Les autres palmes ne m’ont pas intéressé plus que cela, sur ma liste il me reste Deepan à découvrir et j’hésite encore pour The Square.
Pour ce qui est du “entre nous” du cinéma, bah c’est comme tout milieu restreint fermé Il y a plein d’entre nous dans des tas de domaine, c’est comme ça. J’imagine que le cinema ailleurs est aussi comme ça à différents niveaux. Après on peut penser qu’il y a eu des meilleurs périodes que d’autres avec personnalités marquantes (des producteurs par ex) L’investissement des TV dans la production ciné (je ne parle pas de C+) a pas mal changé la donne et peut expliquer une baisse de qualité de la production et une aversion du risque Il est loin le temps des premiers productions TF1/Bouygues aux grandes ambitions.

KULEM
18/07/2021 à 20:15

@JR
Tres sincerement je suis péssimiste sur l avenir , on ne peut plus critiquer sans etre taxé de reac , fachiste et j en passe

bref on verra bien

BigOne
18/07/2021 à 17:07

Quand j'entends Femis, mes poils s'hérissent.

tenia54
18/07/2021 à 15:39

Beaucoup ne parle que de Parasite comme étant la seule Palme d'Or récente marquante, et c'est une vision intriguante des choses tant, par définition, on a aucun recul dans le temps sur l'effet du temps sur le film, mais que cela tend à oublier l'immense Une affaire de famille qui date pourtant d'à peine l'année d'avant.

Pour le reste, comme JR, je crois qu'il est difficile de comparer 2 époques alors qu'on est en plein dans l'une (avec tous les biais de récence que ça implique) et que le temps et notre mémoire a déformé l'autre (avec là aussi tout ce que ça implique). Le fait est qu'outre le copinage qui a effectivement toujours existé, le cinéma "d'antan" pondait lui aussi son lot de films médiocres et oubliables (et qui ont été depuis oubliés) au milieu desquels surnageaient quelques réussites. C'est la même chose aujourd'hui, à ceci près que les films oubliables sont encore sous nos yeux et cachent, par leur nombre, les films meilleurs et qui mériteraient justement qu'on se penche sur eux pour en dire le bien qu'ils méritent plutôt que de gaspiller notre énergie sur les mauvais films (qui méritent d'être conspués, hein, mais pas l'énergie qu'on y met).

JR
18/07/2021 à 15:15

@K

Au risque de vous décevoir...ce cinéma de copinage et de tête d'affiche existe depuis.............toujours (allez, on peut pousser jusqu'à Emile Couzinet histoire d'être chauvin). On a un sentiment de "c'était mieux avant" par esprit de nostalgie (il y eut un débat intéressant à ce sujet il y a quelques jours en commentaire avec Miglou).
Prenez les filmos de De Funes, Fernendel ou autre, pour m'en être refait avec des cycles canalsat....ça a (mal) vieilli....et peut-être que ça l'était déjà (pas terrible) au moment de sa sorti.

Par contre, j'ai longtemps partagé votre aversion, par déception (on a eu de grands polars noirs, des films de genre, etc), mais ces films existent encore...ils manquent juste de visibilité... et c'est là que ce site est vraiment riche, parce que certains y ont vitrine (j'ai été hypnotisé par Les fauves juste à titre d'exemple), mais il faut chiner aussi... J'ai adoré Edmond, véritable déclaration d'amour au verbe avec un vrai moment (la fin) de cinéma, le cinéma de Guillaume Nicloux, qui ne fait pas de couverture mais qui est pourtant passionnant...

Alors après, oui, on a perdu toute hargne....Kassovitz, Kounen, même Dupontel s'est aseptisé (sans doute par fatigue), c'est là, peut-être qu'entre votre argumentaire, époque/infleuenceur/TV etc...C'est aussi là qu'il est possible d'écrire un bon film qui parle de ça (à l'inverse du B. Dumont)

KULEM
18/07/2021 à 15:03

@JR

Avec grand plaisir Jr la base c est l échange
On ne parle que de cinéma
J avoue avoir une vision très acerbe du cinéma français , que je ne peux plus voir en peinture
Je suis juste nostalgique du grand cinéma français , qui n avait à rougir devant personne
Je pense notamment aux comédies d « antan »
Sérieusement , la comédie française d aujourd hui , tu veux vraiment qu on en parle ?
Y a quelques acteurs privilégiés ( j en reviens au copinage)qui se partagent tous les rôles , médiocres dans 90% des cas et qui se prennent pour des megastars , alors que la qualite de leur filmographie est proche du néant ….

JR
18/07/2021 à 14:40

@K

Non,je préfère crever (ce que je m'évertue à faire) que de voir ces tocards faire des films.

Quand je dis ça, pour y être allé plusieurs fois, on bloque sur la sélection cannoise (enfin, une partie seulement) quand sur place, tu as: la quinzaine des réalisateurs, un certain regard, Cannes Classique, l'ACID, l'AFCAE, le marché du film.... J'en passe... On débat sur la partie visible de l'iceberg... Ça n'a aucun sens.

Alors après, effectivement, les meilleurs films sont sortis sans un "label Cannes", oui (sans pouvoir affirmer qu'ils n'ont d'une manière ou d'une autre transités par là)...
Mais... Et... A... Près?
Elle a remporté un film qui divisera ? Comme tant d'autres avant... Vous n'aimez pas sa personne, sachez qu'elle ne vous aime pas non plus.

Je suis curieux de sa filmo (bien plus que de sa personne), chacun ses thèmes de prédilection, reprochera t on a Cronenberg le traitement du corps ? À Aronofsky de la bible ? À Tarantino les pieds (pardon, j'ai pas pu m'en empêcher)?
À la limite, je préfère un film qui provoque une émotion même négative, un prix qui sucite débat, que cent films vides qui s'oublient dès le générique (coucou Black Widow).
Et bien que nous échangions de manière passionnée (comme les rédacteurs, comme nombre d'habitués), c'est stimulant, donc merci d'en prendre le temps.

Internaute
18/07/2021 à 14:37

@fuck

" juste un peu mieux éclairé qu'une comédie franchouillarde avec Clavier. "

Comment perdre toute crédibilité en 11 mots.

Bon bref de toute façon que ce soit ce commentaire là ou d'autres sur Ecranlarge on est habitué aux frustrés qui se plaignent qu'un film soit célébré juste car EUX ne l'ont pas aimés.

KULEM
18/07/2021 à 14:20

@JR
Brassage de cinéma du monde ? Tu plaisantes ? C est ce que je suis en train De t expliquer ,
Dès centaines de films meilleurs que la plupart des palmes de ces 20 dernières années sont sortis sans avoir eu la chance d être concerné par ce brassage .
Je veux pas t offenser , on ne fait que discuter , mais c est un discours dogmatique que tu as la .
Le dernier de ces 5 dernières années qui en valaient la peine est parasite qui était une surprise qui plus est
Tu trouves pas que c est ridicule proportionnellement ?
Je n ai rien contre le festival , au contraire , c est un magnifique moment , mais quand je vois la montée des marches début des années 90 et celle d aujourd hui , je me dis qu il a sans doute pris le plus mauvais virage possible
Et si tu me dis que c est mieux de voir des personnes de la télé réalité , les Camélia Jordania et consort monter les marches plutôt que des Stallone , jeff bridges , jim carrey , je te dirais que tu es de mauvaise foi ou que ton dogme l emporte sur ta raison …

JR
18/07/2021 à 13:57

On en reparlera sans doute, elle tient ce discours (à double lecture d'ailleurs) depuis la promo de Grave.
Je ne suis pas fan de ce type de position... Mais elle a raison sur un point, la liste des réalisatrices est courte...

Alors après, que le cinéma interroge le genre... So what? C'est le reflet de notre époque, comme Pialat, Passolini et autres interrogeaient la leur.
Ne tombons pas dans un discours OK Boomer,observons,discutons...c'est juste mille fois plus productif que de cracher dans la soupe.
Et pourquoi pas, produisons nous aussi ?

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