Titanic : comment le film culte a frôlé le désastre pendant le tournage

Antoine Desrues | 30 novembre 2020 - MAJ : 09/03/2021 15:58
Antoine Desrues | 30 novembre 2020 - MAJ : 09/03/2021 15:58

Certains affirment que l’art s'exprime par la douleur. C’est en tout cas ce que pense James Cameron, et ce qu’a expérimenté l’ensemble de l’équipe de Titanic.  

Par sa lourde logistique, et ses forts moyens techniques et humains, le cinéma est un art difficile à appréhender. De Apocalypse Now à Sorcerer en passant par Aguirre, la colère de Dieu, de nombreux chefs-d'œuvre se sont réalisés dans la douleur, au point même que leurs difficultés sont désormais ancrées dans leur ADN et leur génie.  

James Cameron fait partie des cinéastes habitués à ce genre d’expériences. Toujours porté par une ambition démesurée et la quête d’un renouveau technologique, l’auteur de Terminator est reconnu en tant que chef de guerre intransigeant, se battant pour conserver coûte que coûte sa vision sur ses fresques épiques. C’est pourquoi Titanic, l’un des plus grands succès de l’histoire du cinéma, est un film aussi passionnant à décortiquer que sa fabrication. Car à l’instar de la catastrophe qu’il dépeint, on est loin d’un rythme de croisière. Retour sur ce tournage chaotique.

 

photoQuand le navire prend l'eau... (on peut faire beaucoup de blagues comme ça)

 

Si Steven Spielberg a prévenu de nombreux réalisateurs de ne pas tourner sur (et dans) l’eau suite aux moult complications du tournage des Dents de la mer, James Cameron a aimé relever le défi à plusieurs occasions. Malgré la production déjà chaotique d’Abyss, sa passion pour les fonds marins l'a poussé à lancer le projet d’un “Roméo et Juliette” sur le Titanic, nécessitant la construction d’une maquette à taille réelle du paquebot, ainsi que de nombreux bassins pour les séquences du naufrage.  

Mais très vite, le tournage est passé de 138 jours à 160. Cameron est régulièrement vu avec un mégaphone, à crier sur son équipe pour le moindre détail qui ne correspond pas à sa vision. À force de passer du temps dans de l’eau froide, de nombreux techniciens sont alors tombés malades, à commencer par Kate Winslet. L’interprète de Rose n’en est pas restée à ce seul désagrément puisqu’elle s’est également fracturé un os du coude pendant une scène. Excédée par le comportement du cinéaste, elle a expliqué, à la sortie du film : “Je tournerais à nouveau avec James Cameron uniquement pour une énorme somme d’argent”. On suppose donc que Winslet a touché un sacré pactole pour avoir rejoint les suites d’Avatar !

 

photo, James Cameron"Ca sent le roussi par ici !"

 

En réalité, l’actrice est revenue entre temps sur le perfectionnisme du cinéaste, qu’elle aborde désormais avec plus de recul. Bill Paxton, ami de Cameron depuis le premier Terminator, a partagé une défense similaire : Il y avait beaucoup de personnes mécontentes sur le plateau. Jim n’a pas le temps de gagner les cœurs et les esprits”.  

Et il ne faisait pas si bien dire puisqu’un soir de tournage, une personne inconnue (sans doute un figurant) a décidé de s’exprimer contre le comportement de Cameron en empoisonnant la soupe prévue pour l’équipe avec du PCP, un puissant psychotrope qui a amené plus de 50 personnes à l’hôpital.  

À mesure que la folie des grandeurs de Cameron a progressé, l’ambiance du tournage s'est déclinée. Les bruits de couloirs ont affirmé que le long-métrage était en train de devenir le plus cher de l’histoire du cinéma. Et en effet, Titanic a atteint un budget final de 200 millions de dollars (un record pour l’époque), par rapport aux 110 alloués par la 20th Century Fox à l’origine.

À l'époque, le studio est persuadé de financer à perte le projet, au point de tenter tout et n’importe quoi pour garder la face. Lorsque la durée de plus de 3 heures est remise en question, à cause du nombre limité de séances que cela permet, Cameron s’est permis une riche exclamation : “Vous voulez remonter mon film ? Il faudra me virer ! Vous voulez me virer ? Il faudra me tuer !” Pour calmer les ardeurs de la Fox, le cinéaste a proposé de refuser ses royalties, geste que le studio a finalement rejeté, ne croyant de toute façon pas au succès du long-métrage.  

 

Photo TitanicC'est pour ce genre de scène que la douleur paye !

 

Enfin, le retard accumulé par le film ne lui a pas permis de sortir pendant l’été 1997, période habituellement fructueuse pour les blockbusters. La complexité des effets spéciaux numériques a obligé Cameron à repousser l’exploitation aux fêtes de Noël. Au vu de tous ces mauvais signes, la presse n’a pas hésité à qualifier le long-métrage de bide assuré (une erreur qui sera d’ailleurs commise une nouvelle fois sur Avatar près d’une décennie plus tard).

Autant dire que les Nostradamus du dimanche s’en sont bien mordu les doigts, surtout dès que les premières projections, très positives, ont débuté un bouche-à-oreille qui a marqué à tout jamais l’histoire du cinéma.

 

photoUn film qui a c(r)oulé sous l'argent

 

La suite est plus célèbre : le 19 décembre 1997, Titanic est dévoilé sur les écrans américains et il devient instantanément un phénomène inespéré, récoltant un total de 1,2 milliard de dollars de l’époque (soit 2,5 milliards en prenant en compte l’inflation). Il faudra attendre 2009 pour que ce record soit de nouveau dépassé par James Cameron lui-même avec ses grands aliens bleus, puis Avengers Endgame en 2019.

Au-delà d’être l’un des films les plus populaires du septième art, il demeure la preuve absolue que l’industrie du cinéma est une industrie du prototype, où il est impossible de prévoir ce qui assurera ou non un succès. C’est d’ailleurs pour cette raison que les multiples articles accusant déjà l’obsolescence des suites d’Avatar pourraient bien nous faire rire à la sortie des films... 

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commentaires
Baloo
16/01/2021 à 18:00

Très beau, très grand film, très réaliste. Avec en bonus une très belle et bonne histoire d'amour et une musique qui m'ont profondément ému. Du reste toute l'histoire du Titanic m'a ému. J'ai eu l'impression de retourner en arrière et de vivre réellement le naufrage. J'en ai eu le souffle coupé de la première à la dernière seconde, Merci à tous les acteurs, à l'équipe technique et à James Cameron.

Gaspard
01/12/2020 à 14:50

Un des derniers grands classiques de l'histoire d'Hollywood, avec une histoire simple mais un contexte ample, un récit au souffle romanesque inégalé, dans lequel la sophistication se glisse dans les soucis du détail et de la reconstitution. On a encore l'impression d'assister au naufrage en direct, c'est absolument bluffant. Et le plan de la dernière photo que vous avez intégré dans votre article me colle des frissons à chaque fois que je revois le film, lorsque le corps du Titanic s'enfonce à vue d'oeil dans ce plan large... Un très très grand film tout simplement, le chef d'oeuvre de Cameron. Et puis Kate Winslet, plus belle que jamais!