Mostra de Venise : la présidente du jury justifie la décision d’accepter Polanski dans la compétition

Par Déborah Lechner
29 août 2019
MAJ : 31 août 2019
16 commentaires
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Lucretia Martel, la présidente du jury, a défendu la participation du film de Roman Polanski, alors que le festival est déjà sous le feu de la critique. 

Le plus vieux festival de cinéma en activité a encore du mal à se mettre à la page. Reconnue à travers le monde entier, la 76e édition de la Mostra de Venise faisait pourtant polémique avant même sa cérémonie d’ouverture, ce jeudi soir. En plus de la faible représentation des femmes (2 réalisatrices pour 21 films en compétition), le directeur artistique de la Mostra, Alberto Barbera, a accepté la participation du dernier film de Roman PolanskiJ’accusesur l’affaire Dreyfus. 

Après la condamnation du réalisateur pour le viol d’une adolescente de 13 ans en 1978 en Californie, le cinéaste a effectué une courte peine de prison, avant de fuir en Europe, craignant un changement de politique du procureur instruisant son dossier. Depuis, sa prolifique carrière a été émaillée de nombreuses polémiques, plus ou moins importantes, qui se sont néanmoins multipliées ses dernières années, jusqu’à culminer avec la récente rétrospective de la cinémathèque ainsi que les honneurs que voulaient lui faire les César du cinéma Français.

Dans son sillage, le mouvement #MeToo a sans surprise remis en lumière le viol commis par Polanski, ce qui a entraîné son expulsion de l’Académie des Oscars en mai 2018.  Ce qui n’a pas empêché Barbera de défendre sa présence à Venise, ce que The Hollywood Reporter avait déjà qualifié de « provocation intentionnelle« . Le célèbre média américain n’est pas le seul, et la Mostra a dû faire face à un feu de critique parfois délirant, d’autant plus importantes que la très forte présence du cinéma américain à Venise n’est pas pour rien dans la survie et l’attractivité de l’institution.

 

Photo Jean Dujardin, Louis Garrel Jean Dujardin et Louis Garrel dans J’accuse de Roman Polanski

 

A l’heure où une partie de l’industrie cinématographique veut laisser plus de place aux femmes et en mettant plus avant les violences dont elles ont été et sont encore victimes, la Mostra a donné l’impression, notamment à la presse anglo-saxonne, volontiers moralisatrice et puritaine, de nager à contre-courant. La réalisatrice, scénariste et productrice argentine, Lucrecia Martel (Zama, La Femme sans tête) qui préside l’édition de 2019 a elle tenu à défendre ce choix lors de la conférence de presse d’ouverture de la Mostra, tout en le nuançant : 

« Je n’ai pas l’intention d’honorer l’homme, mais je pense qu’il est juste que son film soit ici à ce festival […] C’est difficile pour moi de juger un homme qui commet un crime de cette ampleur et qui est ensuite condamné et la victime qui se considère satisfaite de l’indemnisation. C’est difficile de définir la bonne approche a adopter avec les personnes qui ont commis certains actes et qui ont été jugées pour cela. Je pense que ces questions font partie du débat de notre époque. Nous devons entamer un dialogue avec lui [ndlr : Polanski] et c’est le meilleur endroit possible pour avoir ce type de discussion. »

 

Photo Le PianisteRoman Polanski sur le tournage du Pianiste aux côtés d’Adrien Brody

 

La présidente a tout de même déclaré qu’elle ne participerait pas au dîner de gala dédié au film plus tard dans la semaine. Roman Polanski ne sera quant à lui même pas présent au Lido de Venise sachant qu’il risquerait une extradition s’il met un pied en dehors de France. Après sa condamnation, le réalisateur a fui les Etats-Unis et il ne compte pas reproduire les mêmes erreurs qu’en 2009 où il s’était rendu à Zurich pour recevoir un prix et s’était fait arrêter sous le coup d’un traité d’entraide judiciaire et pénal signé avec les Etats-Unis. 

Ce sera donc sa femme, Emmanuelle Seigner et l’acteur Jean Dujardin, tous deux à l’affiche de J’accuse qui représenteront le réalisateur lors du festival qui vient de débuter avec The Truth About Catherine de Hirokazu Kore-eda, également en compétition et s’achèvera le 7 septembre prochain. 

 

Photo Jean DujardinJean Dujardin dans le dernier film de Roman Polanski

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The Riddler

Chacun est libre de penser ce qu’il veut de l’homme. Il n’en reste pas moins un grand cinéaste.

Baneath88

La pensée de Lucrecia Martel me semble parfaite. Jamais dans la bienpensance ou dans la complaisance.
Difficile de juger l’homme aujourd’hui, à l’aune de ce à quoi a débouché l’affaire (débutée en 1977).
Difficile pour autant de lui dérouler le tapis rouge.
Par contre, lui donner l’occasion de montrer son travail lors de manifestations culturelles me semble tout à fait normal.

zumbi

Je ne comprends pas comment en France on continue encenser des types tel que Polanski ou Woody Allen

Simon Riaux

@zumbi

Il n’y a pas grand monde pour encenser l’un ou l’autre.

Par contre mettre en parallèle un individu condamné pour viol, et un autre innocenté deux fois c’est un peu compliqué non ?

Ggggrrrrrrr

@Zumbi
1/ Polanski et Allen Ils font parti d’une communoté qui a beaucoup souffert.
2/ le film de Polanski traite de l’affaire Dreyffus (qui fait parti de la même communauté qui a beaucoup souffert).