Keanu Reeves (Au bout de la nuit)

Jean-Noël Nicolau | 23 juin 2008
Jean-Noël Nicolau | 23 juin 2008

Dans Au bout de la nuit, Keanu Reeves interprète Tom Ludlow, un flic de Los Angeles aux méthodes particulièrement expéditives. Il obtient des résultats remarquables, donc son supérieur, le capitaine Wander (Forest Whitaker), ferme les yeux sur les méthodes employées. Jusqu'au jour où la belle mécanique dérape. Keanu Reeves évoque son personnage torturé et le message ambigu du film.

 

 


 

 

Qu'est-ce qui vous a séduit dans l'histoire et votre personnage ?

J'ai apprécié Tom Ludlow. J'ai aimé sa complexité. J'ai aimé sa violence. Pour un acteur c'est un effort intéressant d'incarner quelqu'un d'aussi opposé à sa personnalité. Cela m'a donc attiré.

 

Qu'y a-t-il de fascinant à interpréter un être aussi violent ?

D'abord, nous devons rappeler que la violence du film n'est pas réelle. Ce qui est passionnant c'est que la violence dans le contexte du métier de policier est lié au contrôle de soi et à l'exercice du pouvoir ; que ce soit pour dominer, pour obtenir ce que l'on veut ou en réagissant par émotion pure. Mais en même temps cette violence ne résout rien et Ludlow est pris dans un cercle vicieux. J'étais interpelé par la brutalité qui l'entoure en permanence. Il peut être considéré comme quelqu'un qui tue au nom de la loi ou quelqu'un qui fait justice lui-même. C'est un prix très fort à payer et j'étais intéressé par la manière dont cela allait se dérouler et ce que cela allait lui coûter en temps qu'être humain.

 

C'est un personnage triste et tragique, il a perdu sa femme mais il ne parle pas beaucoup d'elle.

Vous pouvez deviner qu'il a souffert à la manière dont il réagit face aux morts dans le film, mais aussi à la façon dont il se lie avec ses partenaires de la police. Le deuil est deviné dans sa manière de communiquer avec les gens qui lui sont proches. C'est une confrérie et ils sont là avec lui. Il transfère une partie de son deuil auprès d'eux. Quand il est avec eux, il est avec sa femme, d'une certaine façon.

 

 


 

 

C'est un type très solitaire qui ne sait pas comment se comporter avec autrui.

Vous avez raison. Il ne sait pas. Cela fait partie de son histoire. Quand vous le voyez à la fête que donne les autres flics, qui sont tous en train de s'éclater, lui il ne s'amuse pas du tout. C'est un handicapé social, alors que dans son job il est parfait.

 

Quelle est la différence entre ce film et les autres films de flics ?

David Ayer a conçu une histoire avec différents points de vue, qui sont tous respectés. Il y a des événements perçus selon mon personnage, celui de Forest Whitaker, celui de Hugh Laurie, celui de Chris Evans. Tous les flics peuvent exister, sans que personne ne les juge ou ne les guide dans une direction particulière. Certes, il leur arrive certaines choses. Chaque personnage a son destin, mais je crois que David Ayer laisse la complexité au cœur de tous les personnages. Il n'y a pas un juste milieu rassurant, comme dans des films comme Serpico et LA Confidential. Il y a souvent des archétypes dans les films lorsqu'il faut faire un choix entre « eux ou nous », mais dans Au bout de la nuit il y a des zones ni blanches, ni noires, plutôt grises.

 

Quel genre d'homme est Ludlow ?

Pour moi, il est d'une complexité intéressante, il est plein de contradictions. Il est à la fois cynique et innocent. Il respecte l'éthique et les lois, et pourtant il les transgresse. Il a une grande conscience de la vie et de la mort et pourtant il tue. C'est lui le fer de lance, mais il souffre dans son boulot. Par exemple, il est malade lorsqu'il se réveille le matin.

 

 


 

 

Que raconte le film selon vous ?

Il propose de nombreux points de vue et il pose beaucoup de questions. Mais l'un des points essentiels qu'il souligne est que la police, ou toute organisation qui détient du pouvoir, si elle n'est pas encadrée, peut être corrompue.

 

Croyez-vous que la violence puisse être une réponse envers les criminels ? Que pensez-vous des gens qui possèdent des armes chez eux ?

Je crois que la violence est parfois une solution très pragmatique, mais je ne pense pas que ce soit la méthode idéale. Avoir une arme ne me gêne pas. Mais je pourrais retourner la question. Pourquoi les gens ont-ils besoin d'avoir des armes chez eux ? Je ne suis pas contre la possession d'armes, mais cela entraîne des conséquences complexes. Ce n'est pas la solution la plus sage. Personnellement je ne possède pas d'arme.

 

 


 

 

Comment êtes-vous arrivé sur Au bout de la nuit ?

J'ai travaillé sur le scénario avant l'arrivé de David Ayer sur le projet. Après nous avons retouché le script et les dialogues.

 

Comment était-ce de donner la réplique à Forest Whitaker ?

Il est assez impressionnant. C'est un acteur remarquable qui possède une technique extraordinaire. Quand vous jouez avec lui, tout semble très réel.

 

Est-ce que ce film vous a donné une meilleure compréhension du travail de la police ?

Oui, tout à fait. Je me sens plus proche des policiers. J'ai une idée plus claire de ce que peut ressentir un homme ou une femme en uniforme.

 

 


 

 

Comment choisissez-vous vos rôles ?

Je m'implique totalement dans chacun de mes films. En début de carrière, vous n'avez pas la possibilité de choisir. Vous auditionnez pour tous les rôles. Il m'arrive encore de passer des auditions. Cela ne me dérange pas. J'aime rencontrer les metteurs en scène. C'est important de savoir si le courant va passer avec eux. Pour choisir un rôle, je dois me sentir proche du personnage et de l'histoire. C'est mon critère principal.

 

Quel est votre rôle favori ?

Actuellement je dirais Little Buddha. C'était formidable de travailler avec Bertolucci et d'incarner un personnage que je n'aurais jamais imaginé pouvoir devenir.

 

Etes-vous toujours passionné par le métier d'acteur ?

Ce n'est plus la même chose que lorsque j'ai débuté, mais c'est encore amusant. J'aime toujours cela, la curiosité ne m'a pas quitté, il y a toujours du changement.

 

 


 

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