Catherine Marchal (MR 73)

Laurent Pécha | 13 mars 2008
Laurent Pécha | 13 mars 2008

Après Olivier Marchal (voir son interview vidéo en cliquant ici), place à sa femme, Catherine. Une habituée des plateaux des films de son mari puisque la comédienne était déjà de la partie sur Gangsters et 36, quai des Orfèvres. Sauf que cette fois-ci, la dame a pris du galon et se retrouve avec l’un des deux rôles féminins de MR 73. Rencontre fleuve avec une actrice, une femme et une mère qui a des choses à dire et qui les dit sacrément bien.  

 

 

 

Comment s'est passée votre collaboration avec Olivier Marchal, votre mari, sur ses trois films, Gangster, 36 quai des Orfèvres et MR 73 ?
Il y a eu des démarches vraiment différentes sur les trois films. Pour Gangster, Olivier m'avait écrit le rôle de la commissaire mais les producteurs ont refusé que je le joue. Finalement, ce n'est pas plus mal parce que, sinon, je n'aurais peut-être pas fait la commissaire de MR 73. C'était un mal pour un bien. Le rôle d'avocat est arrivé. C'est un petit rôle, il n'y a pas grand chose à dire dessus. Pour 36, quai des orfèvres, il avait écrit pour moi le rôle que joue Valéria Golino parce qu'il me voit toujours dans le rôle de la mère de famille qui reste à la maison et qui soutient son mari. La mauvaise expérience de Gangster, où la production avait préféré prendre quelqu'un de plus connu, a fait qu'on n'a pas voulu recommencer à se battre avec les producteurs pour 36 quai des Orfèvres. Alors j'ai dit à Olivier, qui n'avait toujours pas plus de liberté sur son deuxième film, de ne même pas leur parler de moi. Je me suis dit que pour le rôle principal, ils voudraient encore un nom connu donc on a oublié la probabilité que je joue dedans. Par contre, à la lecture du scénario, j'ai bien aimé le petit rôle de la flic. A l'époque, le rôle était plus important et il y avait des scènes avec des dialogues beaucoup plus percutants qui ont été enlevés du scénario au cours des différents stades de réécriture. J'ai dit à Olivier que ce rôle me plaisait, à cause du franc-parler du personnage, et il m'a ri au nez. Il m'a dit : « ça ne va pas, tu ne vas pas jouer un flic ! Tu n'en es pas capable, tu vas être ridicule ! ». Ca le faisait beaucoup rire que j'avais envie de faire ça ! Et puis, finalement, après quatre mois de préparation du film, on a fait quand même des essais et il y a quelque chose qui est né en lui, une idée que je lui ai donné. Je me suis battue pour les essais. Je me suis beaucoup entraînée pour le convaincre parce que je savais que ça n'était pas gagné. J'ai fait deux mois d'entraînement intensif avec les armes, avec les cascadeurs.

 

 

 

Vous vous êtes blessée sur le tournage, en plus ! 
On s'est blessé sur le film avec les cascadeurs. Je me suis cassée le pouce. On a été à fond dans l'action. Le résultat de 36 a été au-dessus de ce qu'attendait Olivier, qui avait imaginé cette femme-flic plus masculine. Il était ravi donc j'étais fière. Pour MR 73, il a écrit le rôle spécialement pour moi, en pensant à moi dès le départ.

 

Et on l'a moins embêté pour le casting de MR 73 grâce au succès de 36, quai des Orfèvres ?
Il a fait ce qu'il voulait avec moi et avec ses potes qu'il a mis dans le film. Il a choisi les acteurs qu'il a voulus. Même Daniel Auteuil. Il ne l'a pas choisi parce que c'est Daniel Auteuil.

 

 

 

Il nous a avoué que sur son prochain film, il avait déjà carte blanche tout en étant très conscient de la chance qu'il a.
Le succès est quelque chose de magique, c'est un sésame formidable pour la liberté artistique. C'est comme ça qu'il faut le prendre, ne pas avoir la grosse tête et se dire qu'on est génial.

 

Ca m'a beaucoup étonné quand Olivier Marchal a dit que sur 36 quai des Orfèvres, il fallait convaincre et sur MR 73, il ne fallait pas décevoir. MR 73 est pourtant loin d'être un 36 numéro deux ?
MR 73
est un film gonflé, risqué. C'est un film qui ne va pas forcément attirer que de l'enthousiasme parce que c'est noir. Il y a des gens qui n'ont peut-être pas envie d'aller aussi loin dans l'émotion, par pudeur. C'est un film dont on sort bouleversé. Avec le recul, je me dis que c'est beau aussi de ressentir ça au cinéma. Le cinéma où l’on ne ressent rien, il y en a marre.

 

En tant que femme d'Olivier Marchal, comment vous placez-vous par rapport à ses propos lorsqu'il dit : « je fais l'amour au cinéma. Mes angoisses s'évaporent dès que je suis sur un plateau de tournage » ? On a l'impression qu'il a toujours besoin de tourner et que quand il est chez lui, il angoisse à mort...
Oui c'est vrai. Il est plus à l'aise dans la fiction et dans l'univers imaginaire que dans la vraie vie, oui, c'est une certitude. Ce n’est pas le même homme sur un plateau de tournage que dans la vie. Il est comme un poisson dans l'eau sur un tournage. Il ne gère plus le quotidien du tout et il est entièrement pris en main. En plus, il fait ce qu'il aime à 100 % toute la journée, c'est un vrai bonheur.

 

 

 

Quels âges ont vos filles ?
On en a trois, de 14, 10, et 3 ans.

 

Et quand vous êtes tous les deux sur les plateaux, ce n'est pas trop difficile à gérer ?
Il y a une présence qui leur manque, c'est sûr mais je fais aussi beaucoup d'aller-retour. C'est vrai que c'est un peu compliqué quand on part tous les deux. Mais bon, elles savent qu'on a un métier comme ça et elles sont fières de nous.

 

La plus grande a-t-elle vu le film ?
Non, elle ne l'a pas vu. Elle a 14 ans mais elle n'est pas encore assez mature. Je trouve qu'il faut faire attention à ce que l'on montre aux enfants. C'est un âge où théoriquement on peut voir ce genre de films mais ça dépend des enfants. Elles n'ont même pas vu 36 parce qu'à l’époque, elles étaient trop petites. Par contre, elles ont vu Gangster.


D'un autre côté, ce genre de film ne parle pas forcément aux enfants.
Non, il y aurait trop de questions. C'est un choc pour les enfants quand même ce que montre Olivier dans ses films.

 

On a du mal justement à imaginer qu’Olivier puisse réaliser un film sur la police qui ne soit pas un drame.
Effectivement. Je pense qu'il a cette vision noire de la police. Ce n'est pas forcément la réalité, c'est une réalité, qui lui appartient. C'est ce qui lui reste de son passage à la police, ses fantasmes, en quelque sorte. C'est passé par la moulinette de son cerveau. Quand on parle d'un même évènement que plusieurs personnes ont vécu ensemble, chacun a sa version. Lui, c'est sa propre version de son passé de flic.

 

 

Et qui efface le début de son expérience où il était content d'être flic, où il n'avait pas une vision aussi sombre de la profession.
Il s'est imaginé plein de choses, et puis quand il a vu la réalité, il s'est rendu compte qu'on n’était pas au cinéma du tout. C'était moins glamour que ce qu'il avait imaginé.

 

 

Comment s’est passée votre entente avec Daniel Auteuil, notamment pour la scène d'amour ?
C'est bizarre. Daniel, c'est un acteur qui s'est intégré dans la petite famille qu'a constituée Olivier tout au long de ses tournages. C'est lui qui s'est adapté à nous, et pas l’inverse. Il s'est intégré par son humilité, son professionnalisme. Quand il arrive sur un plateau de tournage, il est un acteur comme les autres, ce n'est pas Daniel Auteuil. C'est comme s'il n'avait jamais rien fait auparavant. Il remet tout à plat, tout à zéro. Il est inquiet. Il y a même des moments où l’on a su qu'il avait peur de ne pas être à la hauteur des autres. C'est pour ça qu'il y a une telle sincérité dans le film. Tout le monde était au même niveau. Il n'y avait pas de star sur MR 73.

 

 

 

Un mot sur la scène d’amour. Une situation pour le moins particulière ?
On l'a tourné un mois après la fin du tournage parce qu'Olivier avait l'impression que cette scène manquait au montage pour la compréhension de l'histoire. On s'est mis en équipe réduite, et on s'est tous retrouvé dans une chambre d'hôtel à Paris. On a rigolé comme des fous parce qu'il y a vraiment une belle amitié entre Daniel Auteuil et Olivier. Et j'ai une très bonne complicité avec Daniel parce qu'on a vraiment passé des moments délicieux dans les scènes qu'on a ensemble dans le film. C'était donc formidable de tourner cette scène à la fin, tout à la fin. Olivier nous a donné quelques indications de ce qu'il voulait voir à l'image et puis il nous a  laissé faire. On sentait à des moments qu'il laissait tourner la caméra. Tout le monde rigolait, c'était très bon enfant. Il n'y avait pas de jugement, on a fait ça comme un jeu.

 

 

Les personnages que vous interprétez sont de plus en plus noirs, jusqu'où allez-vous aller dans le prochain film d'Olivier ?
Je ne serai pas forcément dans son prochain film. Ca n'est pas calculé à l'avance. Olivier est inspiré par les personnes qui vivent autour de lui. Il a besoin de mettre des têtes sur les personnages qu'il écrit. Ces têtes là, elles viennent parce qu'elles sont autour de lui. Je trouve qu'on manque de familles de cinéma aujourd'hui. On ne fait plus que des coups marketing, on met tel et tel acteur sur un tournage même s'ils ne vont pas ensemble et ne s'entendent pas du tout, mais on se dit, ce n'est pas grave, on fait un coup, ça va cartonner ! Et puis ça donne des ambiances pourries sur les plateaux parce que les acteurs ne s'aiment pas entre eux. C'est ça le cinéma d'aujourd'hui. Il n'y a plus de vraie famille. Parce que nous, entre nous, il n'y a pas de concurrence, on s'entend bien. Moi, je suis heureuse quand on parle des autres. Ca me fait chier quand on oublie parfois de citer un de nos potes dans la distribution. Dans les films d’Olivier, il y a une vraie attention portée aux petits personnages, même s'ils jouent un vétérinaire. 

 

 

 

Est-ce que vous n'avez pas un peu peur que le film marche moins bien que 36 ?
On est très stressé et à la fois très soutenu par la presse et par les gens dans les provinces. De toute façon, c'est un film moins ambitieux financièrement que 36 donc il y a moins de pression. On n'a pas l'objectif de faire mieux que 36 au niveau des entrées. On espère juste que ça ne fasse pas un flop total parce que ce serait triste tout simplement, mais on est très fier du film. Et puis, c'est le genre de film qui peut très bien marcher sur la longueur.

 

Vous pensez qu'Olivier Marchal va continuer dans l'univers du polar ?
C'est possible oui, il a tellement de choses à dire. Parfois, il aimerait passer à autre chose mais je pense qu'il a encore trop de choses à exprimer dans cet univers.


Comment avez-vous vécu la discorde qu'a eue Olivier Marchal avec TF1 sur la série Flics dans laquelle vous jouez ?
J'ai été engagée sur la série avant qu'il y ait toutes les histoires entre Olivier et TF1, enfin surtout avec Takis Candilis (NDR/ directeur des fictions sur la chaîne qui, depuis, a démissionné de son poste). J'étais très emmerdée parce que la première version des épisodes de la série amenait un nouveau genre à la télévision. Je ne suis pas arrivée sur la série par Olivier. Je suis arrivée par TF1, avec qui je travaille beaucoup et qui a fait la relation avec 36 quai des Orfèvres. Je suis comédienne, mon travail c'est de jouer donc j'étais très heureuse, surtout que les scénarios étaient vraiment de qualité. Après, comme d'habitude, les ambitions de départ sont passées à la moulinette et TF1 a pris peur.


Vu de l'extérieur, ça paraît évident que la série noire telle que la voyait Olivier Marchal ne pouvait pas convenir à TF1.
Oui bien sûr c'était évident mais Olivier est un idéaliste. Il a eu envie de révolutionner la télévision et il s'est dit que c'était le bon moment après le succès de 36, quai des Orfèvres. Il pensait qu'il aurait assez de pouvoir pour changer les choses. Il a cru pouvoir le faire mais il s'est trompé, c'est évident. Maintenant, c'est fini, il ne recommencera plus l’expérience.


Sauf peut-être sur Canal plus.
Oui, pour Canal plus. Mais Flics a failli être acheté par Canal plus, c'était à deux doigts et ça ne s'est pas fait. Moi, à un moment donné, j'étais en porte-à-faux parce que je me demandais si je devais rester sur la série ou pas mais, malgré les modifications du scénario, malgré le casting qui n'est forcément celui qu'il aurait fallu, les quatre épisodes que j'ai tournés reste au-dessus du lot de ce qu'on peut voir à TF1. Moi, je n'en ai pas honte. Nicolas Cuche, le réalisateur, a fait un excellent boulot. Mon personnage est resté tel quel, il n'a pas beaucoup bougé au cours des différentes réécritures. Je l'ai défendu à fond. Et la série, je n'en ai pas honte du tout, je suis contente d'être restée dans l'histoire. Maintenant, Olivier a été blessé humainement, en tant qu'artiste, et, une fois qu'il est blessé, il ne faut plus lui en parler, c'est comme ça. A un moment donné je lui ai dit : « si ça doit te faire de la peine, je ne ferais pas la série, je m'en vais ». Il m'a dit : « Pas du tout. Ton personnage est super. Tu vas être formidable dedans. Au contraire, si toi tu ne le fais pas, ils vont choisir qui ? Ca va être une catastrophe! ». Donc il m'a dit « vas-y » et c'est ce que j'ai fait. Maintenant, il ne revendiquera pas la série. Moi, je la revendique en tant qu'actrice. C'est deux choses différentes.

 

Le plus souvent avec les acteurs, c'est qu'ils ne sont qu'un maillon du film. Ils ont une vision du rôle mais n'ont pas beaucoup d'influence sur le résultat final.
C'est vrai on n'est que des pions et des marionnettes quelque part.

 

Olivier Marchal ne voyait pas Frédéric Diefenthal dans le rôle principal de Flics, à cause de son âge.
C'est vrai. Yvan Attal a été envisagé pour le projet. Olivier aurait aimé travailler avec lui. Mais Frédéric Diefenthal est un acteur formidable et Olivier n'est pas anti-Diefenthal. Il dit juste que pour lui, il n'est pas le personnage mais ça n'est pas de sa faute. Il n'est pas responsable d'avoir été choisi pour ce rôle et il aurait eu tort de le refuser. Il y a eu ce conflit entre Olivier Marchal et Takis Candilis mais pour tout le reste, il n'y a pas de conflit.

 

Qu'est ce que vous avez actuellement dans votre lecteur DVD ?
Alors...si je dois répondre sincèrement, en ce moment, il y a un dessin animé je crois. Bernard et Bianca. C'est vachement bien Bernard et Bianca ! Il y a aussi Les 101 Dalmatiens qui sort, je vais me précipiter pour l'acheter ! Sinon, qu'est ce que je regarde en ce moment...J'ai oublié le titre. Un film en noir et blanc très étonnant. Ce sont des combats entre hommes avec des flingues. Ils jouent à la roulette russe.

 

 

 

 

13 Tzamenti ?
Oui c'est ça, c'est le dernier film que j'ai vu. Au départ, je trouvais ça très chiant et puis, petit à petit, je me suis laissée convaincre et après j'étais accrochée au fauteuil. Ce n'est pas forcément mon cinéma mais ça m'a marqué en tout cas.

 
Comme Olivier Marchal, vous êtes cinéphile ?

Olivier c'est terrible. Il est très ancré dans le polar et pas vraiment ouvert à d'autres genres.

 

Il n'est pas encore allé voir Bienvenue chez les Ch'tis ?
Bienvenue chez les Ch'tis
, c'est très respectable. Moi j'adore la comédie. Je trouve ça formidable qu'il y ait des films comme ça. Maintenant au niveau du traitement de l'image, je préfère aller au cinéma pour voir des films DE cinéma. Sans dire que le film est bien ou pas bien, ce genre de film, j'adore les voir à le télé ou en DVD. MR 73 par exemple, c'est vraiment un film conçu pour le cinéma, pour le grand écran. Je vois encore le cinéma comme un spectacle, au niveau de l'image. Il y a certaines comédies qui sont très bien faites mais le grand écran ne leur apporte rien. C'est le seul reproche que je leur fait. J'ai vu Juno récemment, c'est léché, bien filmé. C'est agréable à regarder. Olivier c'est moi qui l'attire vers les Woody Allen, Eternal Sunshine of the spotless mind, Little miss sunshine , une comédie super réjouissante. Sans moi, il ne voit pas tout ça. Lui, à part Michael Mann...Mais c'est lui qui m'a initié à ce cinéma. Il y a eu un échange.

 

 

 

 

Autoportrait par Catherine Marchal
Propos recueillis par Laurent Pécha 
Mise en forme par Maud Desmet
Un grand merci à Catherine Marchal pour sa disponibilité et gentillesse
Remerciements à Leslie Ricci

 

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