Catherine Marchal (MR 73)
Après Olivier Marchal (voir son interview vidéo en cliquant ici), place à sa femme, Catherine. Une habituée des plateaux des films de son mari puisque la comédienne était déjà de la partie sur Gangsters et 36, quai des Orfèvres. Sauf que cette fois-ci, la dame a pris du galon et se retrouve avec l’un des deux rôles féminins de MR 73. Rencontre fleuve avec une actrice, une femme et une mère qui a des choses à dire et qui les dit sacrément bien.
Comment
s'est passée votre collaboration avec Olivier Marchal, votre mari, sur ses trois
films, Gangster, 36 quai des Orfèvres et MR 73 ?
Il
y a eu des démarches vraiment différentes sur les trois films. Pour Gangster, Olivier m'avait
écrit le rôle de la commissaire mais les producteurs ont refusé que je le joue.
Finalement, ce n'est pas plus mal parce que, sinon, je n'aurais peut-être pas
fait la commissaire de MR 73. C'était un mal pour un bien. Le
rôle d'avocat est arrivé. C'est un petit rôle, il n'y a pas grand chose à dire
dessus. Pour 36, quai des orfèvres, il avait
écrit pour moi le rôle que joue Valéria Golino parce qu'il me voit toujours
dans le rôle de la mère de famille qui reste à la maison et qui soutient son
mari. La mauvaise expérience de Gangster, où la production avait
préféré prendre quelqu'un de plus connu, a fait qu'on n'a pas voulu recommencer
à se battre avec les producteurs pour 36 quai des Orfèvres. Alors
j'ai dit à Olivier, qui n'avait toujours pas plus de liberté sur son deuxième
film, de ne même pas leur parler de moi. Je me suis dit que pour le rôle
principal, ils voudraient encore un nom connu donc on a oublié la probabilité
que je joue dedans. Par contre, à la lecture du scénario, j'ai bien aimé le
petit rôle de la flic. A l'époque, le rôle était plus important et il y avait
des scènes avec des dialogues beaucoup plus percutants qui ont été enlevés du
scénario au cours des différents stades de réécriture. J'ai dit à Olivier que
ce rôle me plaisait, à cause du franc-parler du personnage, et il m'a ri au
nez. Il m'a dit : « ça ne va pas, tu ne vas pas jouer un flic ! Tu n'en es
pas capable, tu vas être ridicule ! ». Ca le faisait beaucoup rire que
j'avais envie de faire ça ! Et puis, finalement, après quatre mois de
préparation du film, on a fait quand même des essais et il y a quelque chose
qui est né en lui, une idée que je lui ai donné. Je me suis battue pour les
essais. Je me suis beaucoup entraînée pour le convaincre parce que je savais
que ça n'était pas gagné. J'ai fait deux mois d'entraînement intensif avec les
armes, avec les cascadeurs.
Vous
vous êtes blessée sur le tournage, en plus !
On
s'est blessé sur le film avec les cascadeurs. Je me suis cassée le pouce. On a
été à fond dans l'action. Le résultat de 36 a été au-dessus de ce
qu'attendait Olivier, qui avait imaginé cette femme-flic plus masculine. Il
était ravi donc j'étais fière. Pour MR 73, il a écrit le rôle
spécialement pour moi, en pensant à moi dès le départ.
Et
on l'a moins embêté pour le casting de MR 73 grâce au succès de 36,
quai des Orfèvres ?
Il
a fait ce qu'il voulait avec moi et avec ses potes qu'il a mis dans le film. Il
a choisi les acteurs qu'il a voulus. Même Daniel Auteuil. Il ne l'a pas choisi
parce que c'est Daniel Auteuil.
Il
nous a avoué que sur son prochain film, il avait déjà carte blanche tout en
étant très conscient de la chance qu'il a.
Le
succès est quelque chose de magique, c'est un sésame formidable pour la liberté
artistique. C'est comme ça qu'il faut le prendre, ne pas avoir la grosse tête et
se dire qu'on est génial.
Ca
m'a beaucoup étonné quand Olivier Marchal a dit que sur 36 quai des Orfèvres,
il fallait convaincre et sur MR 73, il ne fallait pas décevoir. MR 73
est pourtant loin d'être un 36 numéro deux ?
MR 73 est un film gonflé, risqué. C'est un
film qui ne va pas forcément attirer que de l'enthousiasme parce que c'est noir.
Il y a des gens qui n'ont peut-être pas envie d'aller aussi loin dans
l'émotion, par pudeur. C'est un film dont on sort bouleversé. Avec le recul,
je me dis que c'est beau aussi de ressentir ça au cinéma. Le cinéma où l’on ne
ressent rien, il y en a marre.
En
tant que femme d'Olivier Marchal, comment vous placez-vous par rapport à ses
propos lorsqu'il dit : « je fais l'amour au cinéma. Mes angoisses
s'évaporent dès que je suis sur un plateau de tournage » ? On a
l'impression qu'il a toujours besoin de tourner et que quand il est chez lui,
il angoisse à mort...
Oui
c'est vrai. Il est plus à l'aise dans la fiction et dans l'univers imaginaire
que dans la vraie vie, oui, c'est une certitude. Ce n’est pas le même homme sur
un plateau de tournage que dans la vie. Il est comme un poisson dans l'eau sur
un tournage. Il ne gère plus le quotidien du tout et il est entièrement pris en
main. En plus, il fait ce qu'il aime à 100 % toute la journée, c'est un vrai
bonheur.
Quels
âges ont vos filles ?
On
en a trois, de 14, 10, et 3 ans.
Et
quand vous êtes tous les deux sur les plateaux, ce n'est pas trop difficile à
gérer ?
Il
y a une présence qui leur manque, c'est sûr mais je fais aussi beaucoup
d'aller-retour. C'est vrai que c'est un peu compliqué quand on part tous les
deux. Mais bon, elles savent qu'on a un métier comme ça et elles sont fières de
nous.
La
plus grande a-t-elle vu le film ?
Non,
elle ne l'a pas vu. Elle a 14 ans mais elle n'est pas encore assez mature. Je
trouve qu'il faut faire attention à ce que l'on montre aux enfants. C'est un
âge où théoriquement on peut voir ce genre de films mais ça dépend des enfants.
Elles n'ont même pas vu 36 parce qu'à l’époque, elles étaient
trop petites. Par contre, elles ont vu Gangster.
D'un
autre côté, ce genre de film ne parle pas forcément aux enfants.
Non,
il y aurait trop de questions. C'est un choc pour les enfants quand même ce que
montre Olivier dans ses films.
On
a du mal justement à imaginer qu’Olivier puisse réaliser un film sur la police
qui ne soit pas un drame.
Effectivement.
Je pense qu'il a cette vision noire de la police. Ce n'est pas forcément la
réalité, c'est une réalité, qui lui appartient. C'est ce qui lui reste de son
passage à la police, ses fantasmes, en quelque sorte. C'est passé par la
moulinette de son cerveau. Quand on parle d'un même évènement que plusieurs
personnes ont vécu ensemble, chacun a sa version. Lui, c'est sa propre version
de son passé de flic.
Et
qui efface le début de son expérience où il était content d'être flic, où il
n'avait pas une vision aussi sombre de la profession.
Il
s'est imaginé plein de choses, et puis quand il a vu la réalité, il s'est
rendu compte qu'on n’était pas au cinéma du tout. C'était moins glamour que ce
qu'il avait imaginé.
Comment
s’est passée votre entente avec Daniel Auteuil, notamment pour la scène
d'amour ?
C'est
bizarre. Daniel, c'est un acteur qui s'est intégré dans la petite famille qu'a
constituée Olivier tout au long de ses tournages. C'est lui qui s'est adapté à
nous, et pas l’inverse. Il s'est intégré par son humilité, son
professionnalisme. Quand il arrive sur un plateau de tournage, il est un acteur
comme les autres, ce n'est pas Daniel Auteuil. C'est comme s'il n'avait jamais
rien fait auparavant. Il remet tout à plat, tout à zéro. Il est inquiet. Il y a
même des moments où l’on a su qu'il avait peur de ne pas être à la hauteur des
autres. C'est pour ça qu'il y a une telle sincérité dans le film. Tout le monde
était au même niveau. Il n'y avait pas de star sur MR 73.
Un mot sur la
scène d’amour. Une situation pour le moins particulière ?
On
l'a tourné un mois après la fin du tournage parce qu'Olivier avait l'impression
que cette scène manquait au montage pour la compréhension de l'histoire. On
s'est mis en équipe réduite, et on s'est tous retrouvé dans une chambre d'hôtel
à Paris. On a rigolé comme des fous parce qu'il y a vraiment une belle amitié
entre Daniel Auteuil et Olivier. Et j'ai une très bonne complicité avec Daniel
parce qu'on a vraiment passé des moments délicieux dans les scènes qu'on a
ensemble dans le film. C'était donc formidable de tourner cette scène à la fin,
tout à la fin. Olivier nous a donné quelques indications de ce qu'il voulait
voir à l'image et puis il nous a laissé
faire. On sentait à des moments qu'il laissait tourner la caméra. Tout le monde
rigolait, c'était très bon enfant. Il n'y avait pas de jugement, on a fait ça comme
un jeu.
Les
personnages que vous interprétez sont de plus en plus noirs, jusqu'où
allez-vous aller dans le prochain film d'Olivier ?
Je
ne serai pas forcément dans son prochain film. Ca n'est pas calculé à
l'avance. Olivier est inspiré par les personnes qui vivent autour de lui. Il a
besoin de mettre des têtes sur les personnages qu'il écrit. Ces têtes là, elles
viennent parce qu'elles sont autour de lui. Je trouve qu'on manque de familles
de cinéma aujourd'hui. On ne fait plus que des coups marketing, on met tel et
tel acteur sur un tournage même s'ils ne vont pas ensemble et ne s'entendent
pas du tout, mais on se dit, ce n'est pas grave, on fait un coup, ça va
cartonner ! Et puis ça donne des ambiances pourries sur les plateaux parce que
les acteurs ne s'aiment pas entre eux. C'est ça le cinéma d'aujourd'hui. Il n'y
a plus de vraie famille. Parce que nous, entre nous, il n'y a pas de
concurrence, on s'entend bien. Moi, je suis heureuse quand on parle des autres.
Ca me fait chier quand on oublie parfois de citer un de nos potes dans la distribution.
Dans les films d’Olivier, il y a une vraie attention portée aux petits
personnages, même s'ils jouent un vétérinaire.
Est-ce
que vous n'avez pas un peu peur que le film marche moins bien que 36 ?
On
est très stressé et à la fois très soutenu par la presse et par les gens dans
les provinces. De toute façon, c'est un film moins ambitieux financièrement que
36 donc il y a moins de pression. On n'a pas l'objectif de faire
mieux que 36 au niveau des entrées. On espère juste que ça ne
fasse pas un flop total parce que ce serait triste tout simplement, mais on est
très fier du film. Et puis, c'est le genre de film qui peut très bien marcher
sur la longueur.
Vous
pensez qu'Olivier Marchal va continuer dans l'univers du polar ?
C'est
possible oui, il a tellement de choses à dire. Parfois, il aimerait passer à
autre chose mais je pense qu'il a encore trop de choses à exprimer dans cet
univers.
Comment
avez-vous vécu la discorde qu'a eue Olivier Marchal avec TF1 sur la série Flics
dans laquelle vous jouez ?
J'ai
été engagée sur la série avant qu'il y ait toutes les histoires entre Olivier
et TF1, enfin surtout avec Takis Candilis (NDR/ directeur des fictions sur la
chaîne qui, depuis, a démissionné de son poste). J'étais très emmerdée parce que
la première version des épisodes de la série amenait un nouveau genre à la
télévision. Je ne suis pas arrivée sur la série par Olivier. Je suis arrivée
par TF1, avec qui je travaille beaucoup et qui a fait la relation avec 36
quai des Orfèvres. Je suis comédienne, mon travail c'est de jouer donc
j'étais très heureuse, surtout que les scénarios étaient vraiment de qualité.
Après, comme d'habitude, les ambitions de départ sont passées à la moulinette
et TF1 a pris peur.
Vu
de l'extérieur, ça paraît évident que la série noire telle que la voyait
Olivier Marchal ne pouvait pas convenir à TF1.
Oui
bien sûr c'était évident mais Olivier est un idéaliste. Il a eu envie de
révolutionner la télévision et il s'est dit que c'était le bon moment après le
succès de 36, quai des Orfèvres. Il pensait qu'il aurait assez de pouvoir
pour changer les choses. Il a cru pouvoir le faire mais il s'est trompé, c'est
évident. Maintenant, c'est fini, il ne recommencera plus l’expérience.
Sauf
peut-être sur Canal plus.
Oui,
pour Canal plus. Mais Flics a failli être acheté par Canal plus,
c'était à deux doigts et ça ne s'est pas fait. Moi, à un moment donné, j'étais
en porte-à-faux parce que je me demandais si je devais rester sur la série ou
pas mais, malgré les modifications du scénario, malgré le casting qui n'est
forcément celui qu'il aurait fallu, les quatre épisodes que j'ai tournés reste
au-dessus du lot de ce qu'on peut voir à TF1. Moi, je n'en ai pas honte. Nicolas
Cuche, le réalisateur, a fait un excellent boulot. Mon personnage est resté tel
quel, il n'a pas beaucoup bougé au cours des différentes réécritures. Je l'ai
défendu à fond. Et la série, je n'en ai pas honte du tout, je suis contente
d'être restée dans l'histoire. Maintenant, Olivier a été blessé humainement, en
tant qu'artiste, et, une fois qu'il est blessé, il ne faut plus lui en parler,
c'est comme ça. A un moment donné je lui ai dit : « si ça doit te faire de
la peine, je ne ferais pas la série, je m'en vais ». Il m'a dit :
« Pas du tout. Ton personnage est super. Tu vas être formidable dedans. Au
contraire, si toi tu ne le fais pas, ils vont choisir qui ? Ca va être une
catastrophe! ». Donc il m'a dit « vas-y » et c'est ce que j'ai
fait. Maintenant, il ne revendiquera pas la série. Moi, je la revendique en
tant qu'actrice. C'est deux choses différentes.
Le
plus souvent avec les acteurs, c'est qu'ils ne sont qu'un maillon du film. Ils
ont une vision du rôle mais n'ont pas beaucoup d'influence sur le résultat
final.
C'est
vrai on n'est que des pions et des marionnettes quelque part.
Olivier
Marchal ne voyait pas Frédéric Diefenthal dans le rôle principal de Flics, à cause de son âge.
C'est
vrai. Yvan Attal a été envisagé pour le projet. Olivier aurait aimé travailler
avec lui. Mais Frédéric Diefenthal est un acteur formidable et Olivier n'est
pas anti-Diefenthal. Il dit juste que pour lui, il n'est pas le personnage mais
ça n'est pas de sa faute. Il n'est pas responsable d'avoir été choisi pour ce
rôle et il aurait eu tort de le refuser. Il y a eu ce conflit entre Olivier
Marchal et Takis Candilis mais pour tout le reste, il n'y a pas de conflit.
Qu'est
ce que vous avez actuellement dans votre lecteur DVD ?
Alors...si
je dois répondre sincèrement, en ce moment, il y a un dessin animé je crois. Bernard
et Bianca. C'est vachement bien Bernard et Bianca ! Il y
a aussi Les 101 Dalmatiens qui sort, je vais me précipiter pour
l'acheter ! Sinon, qu'est ce que je regarde en ce moment...J'ai oublié le
titre. Un film en noir et blanc très étonnant. Ce sont des combats entre hommes
avec des flingues. Ils jouent à la roulette russe.
13 Tzamenti ?
Oui
c'est ça, c'est le dernier film que j'ai vu. Au départ, je trouvais ça très
chiant et puis, petit à petit, je me suis laissée convaincre et après j'étais
accrochée au fauteuil. Ce n'est pas forcément mon cinéma mais ça m'a marqué en
tout cas.
Comme
Olivier Marchal, vous êtes cinéphile ?
Olivier
c'est terrible. Il est très ancré dans le polar et pas vraiment ouvert à
d'autres genres.
Il
n'est pas encore allé voir Bienvenue chez les Ch'tis ?
Bienvenue chez les Ch'tis, c'est très
respectable. Moi j'adore la comédie. Je trouve ça formidable qu'il y ait des
films comme ça. Maintenant au niveau du traitement de l'image, je préfère aller
au cinéma pour voir des films DE cinéma. Sans dire que le film est bien ou pas
bien, ce genre de film, j'adore les voir à le télé ou en DVD. MR 73
par exemple, c'est vraiment un film conçu pour le cinéma, pour le grand écran.
Je vois encore le cinéma comme un spectacle, au niveau de l'image. Il y a
certaines comédies qui sont très bien faites mais le grand écran ne leur
apporte rien. C'est le seul reproche que je leur fait. J'ai vu Juno
récemment, c'est léché, bien filmé. C'est agréable à regarder. Olivier c'est
moi qui l'attire vers les Woody Allen, Eternal Sunshine of the spotless
mind, Little miss sunshine , une comédie super
réjouissante. Sans moi, il ne voit pas tout ça. Lui, à part Michael Mann...Mais
c'est lui qui m'a initié à ce cinéma. Il y a eu un échange.
Autoportrait par Catherine
Marchal
Propos recueillis par Laurent
Pécha
Mise en forme par Maud Desmet
Un grand merci à Catherine
Marchal pour sa disponibilité et gentillesse
Remerciements à Leslie Ricci