Frank Oz (Joyeuses funérailles)

Jean-Noël Nicolau | 18 septembre 2007
Jean-Noël Nicolau | 18 septembre 2007

A l’occasion de la présentation de Joyeuses funérailles, sans doute la comédie la plus réussie de sa carrière, le réalisateur Frank Oz s’est entretenu avec nous lors du dernier festival de Deauville. A la fois sérieux et malicieux, souvent brillant, Frank Oz permet à la discussion de dériver sur des sujets bien éloignés de la légèreté savoureuse de Death at a funeral.

 

Pourquoi avez-vous choisi de revenir avec un petit budget et sans star ?

Je n’ai fait que des gros films dans ma carrière. The Dark Crystal coûterait facilement 200 millions de dollars à faire aujourd’hui, par exemple. J’ai l’habitude de diriger des budgets importants. C’est agréable, vous obtenez des acteurs talentueux. Mais mon dernier film, Et l’homme créa la femme, est le seul film qui n’a pas fonctionné pour moi. C’est parce que je n’ai pas suivi mon instinct, mes jugements. Le film était devenu si onéreux, avec toutes ses stars, que je me suis dit : maintenant il faut que je demande des avis autour de moi, que j’écoute les autres. Et ce fut mon erreur. Je n’aurais pas dû, c’est ma faute, totalement. Et après cela j’ai perdu confiance. Je suis reparti donner des cours. Et j’ai voulu revenir avec quelque chose de plus petit, de plus humble. Mais surtout avec un film dont j’aurais le contrôle total. Avec Joyeuses funérailles, du début à la fin, tout est ma décision. C’est le film que je voulais faire. Si les gens pensent que c’est de la merde, au moins c’est la mienne (rires). Je ne voulais plus de concessions et revenir à une certaine pureté : une histoire, des personnages et des acteurs, c’est tout. Je n’avais pas beaucoup d’argent, mais c’était mon choix.

 


 

Est-ce que vous avez suivi strictement le scénario ou est-ce qu’il y avait beaucoup d’improvisation sur le tournage ?

Sur tous les films que j’ai faits, à part The Dark Crystal et La Petite boutique des horreurs, je demande au scénariste d’être avec moi sur le plateau tous les jours. Je sais que ce qui fonctionne sur le papier peut ne pas marcher du tout au moment du tournage. Parfois c’est impeccable, et parfois on cherche quelque chose de nouveau. Certes, je prends toutes les décisions, mais j’ai besoin que les gens m’aident. En clair, si des scènes ne fonctionnent pas, oui j’improvise. Et parfois, même si cela fonctionne, j’improvise aussi. C’est toujours un « work in progress ».

 

Est-ce que vous pensez que les comédies d’humour noir, sur la mort en particulier, ne peuvent être vraiment réussies qu’en Angleterre ?

Non je ne crois pas. Dans le cas de Joyeuses funérailles c’est parce que l’histoire se déroulait là-bas, mais je ne pense pas que ce soit vraiment nécessaire. Vous n’avez pas des comédies de ce genre en France ?

 

Si, mais pas aussi osées et maîtrisées.

Comme je suis américain, je ne sais pas faire de films anglais, ou français, ou africains, je m’adapte. Je ne sais pas ce qu’est un film anglais.

 


 

Joyeuses funérailles contient des scènes très crues, parfois de mauvais goût (mais toujours très drôles). Est-ce que vous avez eu peur à certains moments d’aller trop loin ?

Non, mais le script allait trop loin, je l’ai remanié à ce niveau. Je n’aime pas la vulgarité, ce qui est dégoûtant. On peut aller très loin, si l’on reste honnête dans sa démarche. Bien sûr l’essentiel c’est que les gens rient.

 

Que pensez-vous des comédies adultes à Hollywood, par exemple celles des frères Farrelly ?

Oh, il me tarde de voir leur nouveau film (Les Femmes de ses rêves). Je trouve que ce qu’ils font est formidable. En fait c’est leur manière de tourner les choses qui me plaît. Je ne suis pas forcément fan des scénarios, mais cela reste drôle. De même on peut être assez vite lassé par l’accumulation de gros mots, cela fonctionne tant que c’est amusant.

 

Comment s’est déroulé le casting de Joyeuses funérailles ? Alan Tudyk en particulier est extraordinaire.

Alan fut le dernier que j’ai engagé, mais je le voulais absolument. Je ne connaissais pratiquement aucun des comédiens. J’ai passé un mois et demi à Londres, assis dans une pièce, à auditionner des douzaines d’acteurs. Et ce fut une expérience fantastique parce que j’ai vu passer des comédiens remarquables.

 


 

Avec le même sujet que Joyeuses funérailles, pourriez-vous faire un drame ou une véritable tragédie ?

Oui, absolument. C’est un peu sur le fil du rasoir, parce que ce film, à l’identique, pourrait tout aussi bien être dramatique. Hier soir j’ai vu le dernier Sidney Lumet, 7h58, j’ai trouvé cela extraordinaire, tellement shakespearien, et quelque part cela pourrait être une comédie.

 

Vous pensez que l’on peut rire de tout ? Par exemple est-ce que vous pourriez faire une comédie sur la guerre en Irak ?

Tout à fait. Après tout, il y a eu de très grandes comédies sur la seconde Guerre Mondiale.  On peut faire cela parce que l’armée est toujours un excellent sujet de dérision. Cela dépend de comment vous le faites et de quand vous le faites. Vous ne pouvez pas faire de blagues sur 9/11 aujourd’hui, mais dans 50 ans certainement. Par exemple, vous ne pouviez pas rire de l’assassinat de Lincoln à l’époque, mais à présent il y a des tonnes de blagues sur le sujet. Mais il y a des limites pour moi, je ne pense pas que l’on puisse rire des enfants maltraités par exemple.

 

La guerre en Irak est un thème tellement présent dans le cinéma américain en ce moment, croyez-vous que les réalisateurs doivent s’engager politiquement ?

Non. Je ne suis pas engagé. Si je veux dire quelque chose, comme avec In & out, je préfère le faire par le biais du divertissement.

 

Brian De Palma était à Deauville et nous disait que les journalistes aux Etats-Unis ne font plus leur travail et que c’est aux réalisateurs de prendre leur place, qu’en pensez-vous ?

Hum, je ne sais pas. (longue pause) Je suis d’accord sur le fait que les médias américains ne sont pas objectifs et que l’information s’effondre. Mais il y a deux choses très différentes. Les films font prendre conscience mais ce ne sont pas des reportages. Il y a les films de fiction et les documentaires, je ne suis pas d’accord sur le fait que la fiction doit prendre la place de l’information.

 

Pour finir sur une note plus légère : avez-vous entendu parler d’une suite à The Dark Crystal ? Faites-vous partie du projet ?

Oh ! The Dark Crystal, cela ne me rajeunit pas. Un grand film. Mais cela n’a jamais été vraiment mon film, c’était plutôt celui de Jim (Henson). Il m’a demandé de coréaliser, mais c’était surtout sa vision. Je l’ai juste aidé pour la mise en scène. Je n’arrête pas d’entendre parler d’une suite, mais je ne sais absolument rien à ce sujet. C’est fou. Peut-être dans une version animée, avec une très bonne histoire, mais je ne sais vraiment rien du tout.

 

 

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