Masterclass Goro Miyazaki (Les contes de Terremer)

Flavien Bellevue | 2 avril 2007
Flavien Bellevue | 2 avril 2007

De passage à Paris lors de l'avant-première de son premier film, Les contes de Terremer, Goro Miyazaki livre les secrets de son film et de ses débuts de réalisateur. S'il paraît peu loquace parfois, le jeune réalisateur ne manque pas commenter l'état de l'animation japonaise et d'en dire plus sur sa relation avec son père et le studio Ghibli. Attention, cet entretien contient certains éléments de l'histoire que certains préfèreront découvrir en salles.


 

 

Lorsque Mr Toshio Suzuki vous a présenté le projet, votre père (Hayao) a été réticent à cette idée car c'est un projet qu'il nourrissait depuis de longues années. A partir de quel moment, vous avez convaincu votre père que vous étiez la bonne personne ?
Je trouve ça très naturel que mon père ait été contre l'idée que je réalise le film. Du point de vue du professionnel qu'il est, il est anormal qu'un tel débutant réalise un film d'animation sans aucune expérience.

 

Est-ce que cette parenté a été un frein dans votre travail sachant qu'au final on le comparerait avec celui de votre père ?
Non parce que j'avais vraiment envie de faire ce film.

 

Qu'est-ce qui vous a fait prendre conscience que vous aviez les capacités pour faire le film ?
Même si je n'avais pas d'expérience, j'avais déjà beaucoup d'images dans la tête.

 

Aviez vous fait des tests avant de vous lancer dans la réalisation ?
Je n'étais pas certain d'être capable de faire un film lorsque Mr Suzuki m'a invité à faire Les contes de Terremer.

 

Est-ce qu'avant de réaliser vous aviez une maîtrise de la technique ou vous avez dû apprendre au fur à mesure de la réalisation du film ?
J'avais lu un magazine qui s'appelle « Animage » qui a été crée par Mr Suzuki du studio Ghibli et qui m'a donné les bases. En ce qui concerne les détails du travail d'animateur, je l'ai appris au fur à mesure de la fabrication du film.

 

Vous l'avez appris très vite puisque l'animation du film s'est faite en huit mois et demi. Etait-ce stimulant pour vous ou était-ce une pression ?
C'était plutôt stimulant et cela m'a aidé à me concentrer sur mon travail.

 

Avec votre expérience d'architecte, avez vous juste fait la mise en scène du film ou avez vous participez graphiquement au film ?
J'ai dessiné tous les story-boards dans un premier temps puis pour convaincre l'équipe, je dessinais petit à petit en travaillant.

 

C'était une manière pour acquérir du respect et de l'autorité auprès d'eux ?
Je pense que les animateurs du studio Ghibli m'ont accepté lorsqu'ils ont vu que je savais dessiner.

 

Comment avez vous concrètement travaillé sur le story-board vu que vous n'étiez pas habitué à cela auparavant ?
Lorsque la moitié du scénario fut terminée, je suis allé voir Mr Suzuki qui m'a demandé des images que j'ai dessinées moi-même. Je suis retourné le voir et il m'a dit que je devrais m'inspirer des story-boards des films de mon père et de ceux d'Isao Takahata. Tout de suite après, je suis allé prendre les différents story-boards des films du studio et j'ai continué comme ça.

 


Est-ce que le fait d'avoir un « character design » proche de celui des films du studio Ghibli et plus particulièrement ceux de votre père, vous permet de ne pas décevoir les fans et par là de ne pas briser la tradition graphique du studio ?
J'aime le « character design » des films de mon père, c'est d'ailleurs la première raison pour laquelle j'ai employé ce style pour le film. Vu mon manque d'expérience, il aurait été trop risqué de créer un « character design » radicalement en marge avec ce qu'a déjà fait le studio.

 

C'est quelque chose que vous envisagez par la suite et d'ailleurs souhaitez vous être définitivement réalisateur ?
Si je continue en tant que réalisateur, je prendrai ce risque un jour.

 

Avez vous déjà une idée ?
Oui mais c'est encore flou.

 

Vous dites que le personnage de l'épervier, dans le film, a fini par trouver sa part d'ombre en lui et que cela a trouvé un écho en vous. Est-ce que c'est ce lien avec ce personnage important de l'histoire qui vous a décidé à faire ce film ?
Vous avez raison ; je pense que si ça n'avait pas été Les contes de Terremer, je n'aurais jamais accepté de passer à la réalisation.

 

Votre part d'ombre, vous l'avez trouvée et à quel moment ?
A fur et à mesure, en travaillant.

 

Est-ce que le fait que votre père ait eu longtemps ce projet en tête, fait que c'est une histoire familiale qu'il fallait mettre à terme ?
Cela me fait du bien de pouvoir réaliser un film que mon père avait tant voulu faire.

 

C'est une sorte de pied de nez. Mr Suzuki a dit lors de l'ouverture du musée Ghibli qu'il avait assisté à des joutes entre votre père et vous et que vous arriviez à prendre le dessus sur lui. Quelle est la nature de votre relation professionnelle avec lui ?
En ce qui concerne le travail, je ne parle jamais avec mon père. Quand il a été décidé que j'étais le réalisateur de Les contes de Terremer, il est venu me voir pour me dire si je savais ce que je faisais, ce à quoi j'ai répondu oui et nous n'en avons pas reparlé

 

 

 


Dans le film, il y a une scène de parricide, est-ce qu'on peut y voir une image de vous envers votre père ?
Je crois qu'il a déjà un certain âge donc je n'ai pas ce désir (rires)

 

Le personnage d'Arren n'accepte pas la vie qu'il mène, est-ce qu'il représente le jeune japonais d'aujourd'hui ?
Tout à fait Arren est un personnage très symbolique pour moi ; il représente cette tension et cette émotion qu'il y a dans la jeunesse japonaise d'aujourd'hui.

 

Sous ses aspects féminins, le personnage d'Aranéide est un homme, pourquoi cette ambiguïté ?
Un des thèmes du film est l'équilibre entre le corps et l'âme et le personnage d'Aranéide ne pense qu'aux connaissances. Ce déséquilibre fait qu'il y a cette ambiguïté physique chez lui.

 

Votre film est plus noir que les films de votre père, est-ce que vous aviez besoin de dégager toute cette noirceur pour pouvoir faire des choses plus lumineuses par la suite ?
Dans chaque être humain, il y a deux facettes qu'on ne peut supprimer et c'était important pour moi de bien représenter ces deux côtés.

 

Que ce soit dans le fond et dans la forme, vous allez toujours vers l'épuration, pourquoi ce parti pris ?
J'ai choisi cela parce que les films d'animation d'aujourd'hui ont trop d'informations dans une seule image. Lorsqu'il y a trop d'informations, nous passons à côté de l'essentiel du message qu'on veut donner.

 

 

Le style européen a-t-il inspiré le style graphique du film ?
Lorsque j'ai lu Les contes de Terremer, je me suis aperçu que le monde décrit est occidental donc c'est pour cela que j'ai pris des références picturales occidentales pour le style du film.

 

Est-ce que passer d'architecte à réalisateur de film d'animation est pour vous une continuité ou une façon de suivre les traces de votre père ?
C'est une continuité car je n'aurais jamais pu faire ce film si je n'avais pas eu cette expérience d'architecte.

 

Dans le film, la signification des noms des personnages est souvent évoquée mais le public francophone ne comprend pas tous les noms, pouvez vous nous en dire plus ?
Moi non plus, je ne sais pas (rires). Tout cela vient de l'œuvre originale.

 

Pouvez vous nous expliquer le texte sur le côté de l'affiche ?
C'est une phrase venant de l'œuvre originale et qui dit que jadis, les hommes et les dragons étaient un, les dragons ont gardé leur liberté tandis que la volonté des hommes à tout posséder leur a fait perdre la liberté.

 

Il y a-t-il un manque d'animateurs de talent au Japon ?
Pour ce film toutes les animations ont été faites au studio Ghibli mais il est vrai qu'aujourd'hui peu de studios d'animation au Japon font entièrement leur film chez eux. Il y a 3 000 animateurs au Japon et seulement 20 d'entre eux sont les plus talentueux. Ces 20 animateurs font ce qu'est l'animation japonaise aujourd'hui.

 

Ils sont d'ailleurs chez vous.
Pas forcément (rires)…peut-être.

 

Votre nom est souvent cité pour succéder à la direction du studio Ghibli, est-ce que vous êtes prêt à assumer cette fonction ?
La succession est un problème du studio. Mr Takahata a 70 ans et mon père 66 ans et tous deux ont encore cette volonté très forte de créer donc je ne sais pas encore s'ils ont besoin d'un successeur.

 

 

 


Retranscription Flavien Bellevue.

 

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