Pierre Salvadori (Hors de prix)

Didier Verdurand | 13 décembre 2007
Didier Verdurand | 13 décembre 2007

Le meilleur divertissement des fêtes de Noël, celui qui ne vous fera pas regretter d'avoir quitté le cocon ? Ne cherchez pas trop loin et misez sur Hors de prix, le nouveau film de Pierre Salvadori, l'un des rares « auteurs » français qui met son énorme talent de scénariste / dialoguiste au service d'une noble cause, le rire. Avant d'aller faire un tour chez Drucker, il nous a reçu chez lui, en toute décontraction.

 

Avec le recul, as-tu une affection particulière pour Après vous ?
Oui, on est toujours trop sévère avec un film immédiatement après sa sortie car on le relie trop à son succès public potentiel. Le regard est trop entaché d'un aspect commercial. Par exemple, on se préoccupe plus de savoir si le montage est lisible que juste. Le film a marché et trois ans après, j'ai pu le revoir normalement. Là, on regarde le résultat en lui-même et dans le cas présent, ça allait parfaitement comme pour Les Apprentis. En revanche, dans Comme elle respire, j'ai du mal à voir certaines parties. Pareil pour Cible émouvante, j'ai bien l'impression d'être devant un premier film.

 

Où en est le remake d'Après vous ?
Je crois que c'était Billy Crystal qui était sur le coup. Il y a eu un an de négociations mais c'est maintenant signé. Je n'ai aucun droit de regard donc je suis un peu dégagé par rapport à tout ça. Si Billy Crystal s'en occupe, je regarderai bien sûr le projet d'un bon œil, mais cela ne va pas plus loin. Éventuellement, c'est juste comme si j'avais vendu un scénario.


   

 

Passons à ton dernier film. C'était un fantasme d'avoir deux comédiens hors de prix ?
Non, non, pas du tout. Je vais vous dire, je ne suis pas convaincu que des acteurs puissent faire des entrées sur leur nom. Dans Olé !, Gad était avec Depardieu et ils n'ont fait que 600 000 entrées. Audrey a eu le Da Vinci Code, certes, mais on ne peut pas dire que ce soit elle seule qui ait fait le succès du film. De même Les Poupées russes et son prédécesseur étaient avant tout un ensemble. Il est très difficile de dire à quel point un comédien est déterminant dans le succès d'un film, à quelques exceptions près. En France, il y a Bacri, Luchini à une époque, Catherine Frot. Là, on peut dire qu'ils ont un million sous le pied mais c'est rarissime. Le cas d'Audrey est particulier, puisqu'à part le Da Vinci Code, elle se construit une carrière à partir de choix assez personnels dans le cinéma d'auteur. Les gens savent qu'elle accepte un film si elle sait que le réalisateur va en faire quelque chose, ce qui crée une relation de confiance entre les spectateurs et elle. C'est assez différent de la relation plus fusionnelle qu'entretient Gad avec son public. On prend un acteur en particulier parce qu'il correspond au rôle et parce qu'il attirera l'attention sur le film, mais on peut rarement le considérer comme un gage de succès.

 

Tu connaissais tes interprètes avant le tournage ? On sait que tu as écrit leurs rôles en pensant à eux…
Non, je ne les avais pas encore rencontré personnellement. J'ai choisi Audrey parce qu'elle était la seule à pouvoir sauver son rôle. Son personnage est parfois si dur ou si froid qu'il fallait un peu d'ironie, de fantaisie et de compassion dans le jeu d'actrice pour que le spectateur puisse l'accepter. Pour l'avoir vu dans certains films, je savais qu'elle aurait un jeu d'actrice très affiné et qu'elle saurait être surprenante dans certaines situations. Dans l'une des scènes finales où elle est tiraillée entre la jalousie et le besoin d'argent, sa capacité de rupture est vraiment étonnante. En ce qui concerne Gad, j'étais allé le voir à l'Olympia sur le conseil de mon scénariste et j'ai tout de suite remarqué qu'il a un vrai corps burlesque. J'ai aussi pensé qu'il pouvait passer d'un rôle effacé en un véritable prince élégant et ironique grâce à la transformation amoureuse que subit son personnage.

 


 

Le côté sexy d'Audrey Tautou est quelque chose d'assez nouveau…
Disons qu'elle a plutôt l'habitude de jouer des rôles asexués, mais en la regardant je me suis bien rendu compte qu'en l'habillant dans des robes appropriées, elle pourrait dégager tout ça. À partir du moment où une actrice est douée, on sent qu'elle a un potentiel physique et c'est d'autant plus intéressant s'il n'a pas été utilisé.

 

Da Vinci Code ne lui avait pas laissé de tics de jeu ? Il n'y a eu que quatre jours entre les deux tournages.
Je crois que les gens ne savent pas encore à quel point Audrey est une bonne comédienne. Certains ont une technique extraordinaire, d'autres comme Guillaume Depardieu ont une grande fragilité. Dans une comédie comme celle-ci, il fallait les deux. D'abord la maîtrise dans le traitement des ruptures de ton, ensuite un autre niveau de jeu lorsque la vie commence à remplir les personnages. Je n'étais pas du tout inquiet quant à la capacité d'Audrey à assumer tout ça. La seule chose, c'est qu'elle a parfois une tonalité un peu trop enfantine, mais en travaillant ça passe très vite. Par contre, c'est vrai que Da Vinci Code l'avait vraiment fatiguée.

 

Pas de caprices de stars ?
Il y a des gens qui ne sont pas des stars qui m'ont fait plus chier que certaines d'entre elles… Après, à un certain degré de notoriété, tu sens qu'ils sont pris dans un mouvement où leur vie doit être bien plus organisée que la notre. Pour autant, je n'ai pas eu ce genre de problèmes avec eux. Audrey est quelqu'un de très amusant, avec qui on peut même se prendre une bonne cuite… Autant dans l'organisation du travail, elle ne cédera pas sur certaines choses, autant elle est d'une grande simplicité dans la vie. Certains acteurs qui ont eu leurs premiers rôles avec moi n'hésitaient pas à crier sur les assistants ou exiger l'impossible. Là, j'ai arrêté la collaboration avec eux… Gad a l'habitude du stand-up, et se sent peut-être moins à l'aise sur un plateau, mais on sent bien qu'il est à deux doigts de faire des choses formidables.

 


 

Tu avais vu La Doublure ?
Ni La Doublure, ni Da Vinci Code. Impossible, imaginez que deux minutes de jeu d'acteurs me déplaisent vraiment dans ces films (On l'imagine facilement, en effet ! Ndlr.)… À partir du moment où j'ai choisi mes acteurs, je ne regarde plus rien. Enfin, là, j'étais certain de mon choix.

 

Tu reprends une fois de plus la mécanique du duo comme ce fut déjà le cas pour Les Apprentis ou encore Après vous
Le duo s'impose, d'autant plus dans une comédie. Le film choral m'intéresse moins. Je trouve que c'est une forme plus propice à la série ou à la saga, que l'on peut plus traiter à la télévision. Enfin, un long-métrage peut me faire mentir ; à l'époque j'avais apprécié Les Copains d'abord de Lawrence Kasdan. Ce n'est pas pareil chez Paul Thomas Anderson dont Magnolia avait ce côté dément qui se rapproche de l'opéra. Même avec deux personnages, j'ai déjà l'impression de trop survoler les rôles. Il m'a fallu un an pour écrire le scénario, avant de le proposer à Gad et Audrey.

 


 

Il paraît d'ailleurs qu'ils ont eu peur de ne pas aimer et de ne pas savoir quoi te dire !
Oui, ils me l'ont raconté. C'est formidable d'avoir un script écrit pour soi, mais ensuite si l'on n'aime pas le résultat et qu'on se rappelle que le type a mis un an pour le rédiger... Cela dit, penser à quelqu'un au moment de l'écriture du scénario est assez inspirant. On a l'image de l'acteur en tête et on peut broder dessus. Au fond, je suis sûr qu'ils ne pouvaient pas dire non. Je sais que les acteurs courent après les personnages. Ils savent que je soigne les rôles et que je sais les mettre en situation. Avec Daniel Auteuil, j'ai l'impression d'avoir découvert l'un des plus grands comédiens qui soit. C'est même plus que ça, il arrive à être dans le poétique, à faire des choses démentes. C'est comme Cary Grant, il n'est pas juste en soi mais juste dans la folie. C'est ça qui m'intéresse, lorsqu'on se trouve deux crans au-dessus du réalisme mais pourtant en pleine vérité. J'ai cherché à travailler là-dessus avec Gad et Audrey.

 

La scène où Gad est à découvert et appelle son banquier rappelle t-elle une expérience vécue ?
Non, d'ailleurs on a failli la couper. Avec la monteuse, on s'est finalement dit que c'est une scène essentielle dans un film qui parle d'argent, de possédants qui s'achètent des corps jeunes, de luxe et de clinquant, avec au milieu, des gens qui ne savent même plus où celui-ci se trouve. On voulait un peu se moquer de ces banquiers qui sont parfois des épiciers première catégorie… Quelque part, tout le monde a vécu ça. Même chose pour le plan où l'on voit la carte bleue d'Audrey déchirée en deux par son amant qui la congédie. On voulait qu'il y ait cette image du type qui coupe littéralement la carte bleue.

 

Le titre est dans cet ordre d'idée
Oui, il s'est imposé de lui-même, contrairement à Après vous qui était un mauvais titre. Dans ce dernier cas, on avait travaillé pendant tout le tournage sous le nom Fleur de peau. Le distributeur n'aimait pas et je me suis retrouvé à chercher un titre au dernier moment, ce qui est la pire des situations. On est pressé de tout côté parce qu'il faut quelque chose à mettre dans la bande-annonce ou sur l'affiche… Heureusement, c'est la seule fois que j'ai galéré à ce point. Ne pas trouver un titre, c'est ne pas connaître le sujet de son film.

 

 

Propos recueillis par Laurent Pécha et Didier Verdurand, retranscrits par Julien Dury.


Autoportraits ci-dessous de Pierre Salvadori.


Lisez la critique de Hors de prix en vous rendant à à cette adresse.

 

 


 

 

 
Newsletter Ecranlarge
Recevez chaque jour les news, critiques et dossiers essentiels d'Écran Large.
Vous aimerez aussi
commentaires
Aucun commentaire.