Aaron Eckhart (Thank you for smoking)

Stéphane Argentin | 13 septembre 2006
Stéphane Argentin | 13 septembre 2006

En seulement 14 ans de carrière, Aaron Eckhart compte déjà à son actif plus d'une vingtaine de rôles dans des registres très variés : la comédie, le drame, le thriller, la SF… Dernier exemple en date de cet éclectisme, le comédien était présent pour deux longs-métrages au dernier Festival du Cinéma Américain de Deauville : la comédie acide Thank you for smoking et le thriller noir Le Dahlia noir. Mais avant que ne débute cette rencontre tardive (il est alors presque 18h en ce jeudi 7 septembre 2006), Aaron demande de quoi se rassasier et grignoter un peu dans un français quasi-impeccable…

 

NB : Des questions de cet entretien abordent un point clé du Dahlia noir que certains (ceux n'ayant pas lu le roman de James Ellroy notamment) préfèreront peut-être découvrir par eux-mêmes lors du visionnage du long-métrage. Les questions concernées sont situées entre les deux photos d'Aaron Eckhart issues du film de Brian De Palma.

 

 

Comment se fait-il que vous parliez aussi bien français ?
(En français dans le texte) : J'ai vécu en France pendant 2 ans, à Aix-en-Provence, Montpellier, Toulon. C'était il y a 18 ans. Quand j'en ai l'occasion, j'essaye de me rappeler la grammaire, la conjugaison….

 

Votre français est vraiment très bon. Pour en revenir à Thank you for smoking, commençons par une question sans grande originalité : êtes-vous un fumeur ?
Je l'étais mais j'ai décidé d'arrêter il y a quatre ans.

 

Comme ça, du jour au lendemain ?
J'aime tellement le sport que je n'en pouvais plus, je crachais mes poumons en permanence. J'ai donc décidé de suivre des séances d'hypnothérapie pour arrêter à la fois l'alcool et le tabac. Vous fumez ?

 

Non, j'ai essayé étant ado mais tout comme vous, j'ai toujours pratiqué le sport et les deux ne sont pas vraiment compatibles ?
Même chose pour moi. Mais personne ne fume dans le film (rires).

 


 

Aviez-vous entendu parler du livre auparavant ?
Non, je ne l'ai lu qu'après avoir reçu le script et je l'ai adoré tout comme j'ai adoré l'adaptation qu'en a faite Jason (Reitman, le scénariste – réalisateur, NDR) en rendant mon personnage plus énergique, charmeur, charismatique et appréciable aux yeux du public. Pour ce que j'en sais, Christopher Buckley (l'auteur du roman, NDR) est très fier du film.

 

Vous étiez l'un des tous premiers à accepter de tourner dans le film ?
J'étais le premier. Ensuite, Bill Macy (le surnom de William H. Macy, NDR), Katie Holmes et tous les autres ont donné leur accord.

 

Vous avez donc servi d'étincelle en quelque sorte ?
Je crois avant tout qu'ils ont donné leur accord en raison de la qualité du script. Mais mon accord n'a sans doute pas fait de mal (rires).

 

Vous évoquiez les changements opérés par Jason Reitman. Le roman était-il aussi cynique que le film à la base ?
Absolument. Nick Naylor (le personnage qu'interprète Aaron Eckhart, NDR) était juste un peu plus sombre et négatif, et Jason lui a simplement apporté un petit surplus d'énergie.

 


 

Le lobbying est une pratique que l'on ne trouve qu'aux États-Unis ?
Pas seulement. Partout où il y a des affaires à traiter, il y aura toujours des personnes pour en discuter. Par exemple dans l'Union Européenne, les industriels du textile craignent l'arrivée des produits chinois et ils ont donc mandaté des portes paroles pour aller débattre des taxes à appliquer sur les imports chinois au sommet de Bruxelles. Le lobbying est donc présent sur l'ensemble de la planète. La seule différence, c'est qu'aux États-Unis cette pratique est devenue un véritable sport.

 

Feriez-vous un bon lobbyiste ?
Non. Je suis acteur. Un lobbyiste doit savoir vendre un produit, c'est avant tout un commercial. Cet aspect ne m'intéresse absolument pas.

 

Si vous deviez malgré tout choisir parmi l'un des trois groupes de lobbys présents dans le film : les armes à feu, l'alcool ou le tabac, lequel choisiriez-vous ?
Je choisirais l'alcool. Mais comme je ne bois plus non plus. Si je devais être un lobbyiste, je choisirais… (long silence). Je ne sais pas.

 

C'est une pratique que vous n'aimez pas ?
Non car je ne suis pas là pour vendre un film. Je ne suis pas là pour tenter de vous convaincre d'écrire un article favorable à propos du film. Je suis là simplement pour en parler.

 

Vous dites être proche du personnage de Nick Naylor qui est à la fois un grand orateur et un charmeur. Est-ce votre cas ?
Nick est plus vif et meilleur orateur que je ne le suis. En tant qu'acteur, vous devez réciter un script qu'on vous a remis. Et si le script est intelligent, vous paraissez intelligent. Mais en ce qui me concerne, en présence d'une femme, je pense pouvoir me débrouiller (rires).

 


 

J'ai entendu parler d'une scène de sexe qui aurait été retirée du film (cf. news) ?
La scène en question est celle où je ramène Katie Holmes chez moi et celle-ci a été en partie coupée lors de la présentation du film au festival de Sundance. Certains ont alors crû que la coupe était due aux pressions d'une personne extérieure au projet, comme un boyfriend. Mais je ne crois pas que cette histoire soit vraie.

 

Le film a mis des années avant de finalement voir le jour. Est-ce parce que ce genre de projet peut mettre la carrière d'un acteur en danger ?
(Pensif) Meuh, c'est une question intéressante. Je crois plutôt que ce genre de rôle peut être bénéfique pour une carrière et je ne comprends pas pourquoi nombre d'acteurs de renom ont refusé. Dès que j'ai lu le script, j'ai aussitôt voulu faire partie du projet. Il faudrait vraiment être stupide pour refuser d'interpréter un tel personnage.

 

En regardant votre carrière, il n'y a qu'un seul réalisateur qui apparaisse à plusieurs reprises : Neil LaBute. Pourquoi cela ?
Nous sommes allés à l'école ensemble. Notre relation à la base est donc personnelle avant d'être professionnelle. De plus, c'est lui qui a amorcé nos carrières à tous les deux avec En compagnie des hommes. Travailler avec Neil, c'est comme travailler avec un ami de longue date. Nos chemins ne se sont pas croisés depuis un bout de temps car nous étions tous deux très occupés. Mais nous avons déjà fait quatre films ensemble et nous parlons à présent d'en faire un cinquième.

 

La seconde particularité de votre carrière vient des cinéastes prestigieux avec lesquels vous avez travaillés : Oliver Stone, Steven Soderbergh, Ron Howard, John Woo… Est-ce un élément auquel vous prêtez particulièrement attention ?
Absolument. Il y a aussi eu Sean Penn qui a réalisé The Pledge et je viens de finir un film avec Scott Hicks. Tous de grands réalisateurs, expérimentés et qui savent comment raconter une histoire. Mais j'aime également travailler avec des metteurs en scène débutants car ils ont du mordant, ils doivent faire leurs preuves, s'embarquer dans des projets plus « dangereux » tel que celui-ci. Lorsque sort le film, ils sont aussitôt jugés comme de bons ou de mauvais cinéastes. Thank you for smoking fait assurément partie de la première catégorie.

 


 

Vous avez également tourné avec Brian De Palma dans Le Dahlia noir. Et je crois savoir que vous avez repris le rôle prévu à l'origine pour Mark Wahlberg.
Exact. J'avais oublié cette histoire. Ce genre de revirement n'a rien d'inhabituel. Je ne sais pour quelle raison Mark a dû abandonner le projet mais tout ce que je me rappelle, c'est d'avoir été contacté très tardivement pour rencontrer Brian qui m'a demandé si je voulais faire le film et j'ai dit « oui ». Et le lendemain je débarquais en Bulgarie pour débuter le tournage (rires).

 

Vous n'avez donc pas eu beaucoup de temps pour vous préparer, notamment pour vous entraîner à boxer ?
J'ai eu suffisamment de temps une fois sur place et puis j'avais déjà pratiqué la boxe de par le passé. En fait, je tournais Thank you for smoking lorsque j'ai été contacté. Comme je n'avais rien d'autre de prévu cet été là et que je voulais travailler avec Brian, je me suis dit : « allons-y » (rires).

 

Ce n'est pas trop difficile d'accepter un rôle sachant que l'on va mourir au milieu du film ?
Ce n'est pas ce qu'il y a de mieux (rires). Je ne le recommanderais pas trop souvent. Dans Les Disparues, je mourais dès le départ. Quitte à mourir, autant que ce soit à la fin. Aujourd'hui, si on me proposait un script dans lequel je doive à nouveau mourir, je ne crois pas que j'accepterais.

 

Mourir devant la caméra d'un esthète tel que Brian De Palma, c'est pourtant quelque chose de très prestigieux ?
La mort est belle mais elle n'apporte rien de bon à votre carrière (rires).

 


 

Vous avez différents films en préparation : Bill, No Reservations ?
Bill est une comédie indépendante, une première réalisation là encore. No reservations dans lequel je joue avec Catherine Zeta-Jones est prévu pour sortir au début de l'année prochaine. J'ai aussi joué dans un autre petit film, Conversation(s) avec une femme, qui je crois est déjà sorti en France. Et dès mon retour aux États-Unis, je commence un nouveau tournage.

 

S'agit-il du fameux projet d'Alan Ball ?
Oui.

 

Alan Ball étant le créateur de la mythique série Six feet under, ce film est très attendu.
C'est également le scénariste d'American beauty. Le tournage débute le 21 septembre. J'y retrouverais Maria Bello. Tony Collette est également au générique mais la plupart des rôles seront interprétés par des comédiens inconnus d'origine iranienne. Tout ce que je peux vous dire à l'heure actuelle, c'est que vous entendrez parler de ce film. Il n'y a pas l'ombre d'un doute là-dessus (rires).

 


Propos recueillis au cours 32ème Festival du Cinéma Américain de Deauville.
Autoportrait de Aaron Eckhart.

 

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