Conférence de presse Vin Diesel

Julien Foussereau | 13 septembre 2006
Julien Foussereau | 13 septembre 2006

Deauville, mercredi 6 septembre. Une chaleur étouffante règne sur la station balnéaire normande accueillant depuis 31 ans le festival du film américain. Dans le barnum à conférence jouxtant le C.I.D., une centaine de journalistes attendent l'arrivée de la star Vin Diesel pour promouvoir son contre-emploi réussi dans Jugez-moi coupable de Sydney Lumet. Une demi-heure plus tard, Vin apparaît, boule à zero, T-Shirt à manches courtes laissant poindre d'impressionnants biceps, lunettes de soleil voyantes : on se croirait presque revenu vingt ans en arrière, à l'époque où les rois du box-office étaient bodybuildés et s'appelaient Stallone, Schwarzenegger et Willis. Pourtant, l'homme affiche un respect pour son public assez rare et met un point d'honneur à faire le tour des barrières de sécurité pour signer des autographes ou serrer des mains. On peut rire de certaines entrées dans sa filmo, mais Diesel inspire une sympathie qui se confirmera quelques heures plus tard, à l'avant première du film au C.I.D. Au fait, le scénariste T.J. Mancini accompagnait la star. Mais pour l'heure place aux questions !

 

 

Comment vous êtes-vous préparé pour ce rôle ? Avez-vous rencontré Jackie Dee DiNorscio ?
J'ai commencé à travailler sur le personnage de Jackie Dee DiNorscio un an avant le tournage. J'ai effectué des recherches et visionné des cassettes vidéo de DiNorscio. J'ai appris aussi à prendre son accent du New Jersey. Je viens de New York et, bien que les deux régions soient proches géographiquement parlant, le parlé diffère sensiblement. Et, au fur et à mesure que je me rapprochais de la date de tournage, je passais pas mal de temps au téléphone avec DiNorscio, lui lisant des scènes entières du scénario pour savoir si j'étais crédible. Puis, le premier jour de tournage, DiNorscio est arrivé sur le plateau. Je le voyais pour la première fois… Et tout ce que j'avais appris en un an sur son phrasé, sa manière de bouger, jusqu'à l'embonpoint que j'avais pris volontairement ne valait plus tripette. Un élément décisif m'est alors apparu au cours de cet entretien, un élément qui me permettrait d'interpréter DiNorscio de la façon la plus réaliste : l'envie de DiNorscio d'être reconnu comme quelqu'un d'honorable. C'est un homme qui avait un grand sens de l'honneur, pour qui le plus important était le code d'honneur à l'égard de sa famille.

 

T.J. Mancini, quelle a été la difficulté pour adapter cette très longue histoire (le procès a duré près de 22 mois, NDR) ?
J'ai grandi dans un quartier italien dans le New Jersey qui était proche géographiquement et dans l'esprit de celui de DiNorscio. J'ai suivi l'affaire de très près dans les journaux car elle me fascinait de par ma proximité socioculturelle. Lorsque DiNorscio était en prison, il y a eu une série de documentaires sur la chaîne télévisée HBO qui parlaient en général de trahison, de crime et celui consacré à DiNorscio m'avait marqué parce qu'il s'agissait d'une histoire de loyauté, de respect. DiNorscio était un dur au grand cœur, Vin Diesel aussi. Il était donc idéal pour ce rôle. J'ai passé plusieurs coups de téléphone à DiNorscio qui était encore en prison.

 

Vin Diesel : Je me permets de préciser un point. Le fait que DiNorscio était encore en prison t'a compliqué la tâche, T.J. Parce que tes coups de fil ne duraient jamais plus de 10, 15 ou 30 minutes. Mais, en plus, vos conversations étaient enregistrées par le F.B.I.

 

T.J. Mancini : Oui c'est vrai. Ce n'est qu'une fois DiNorscio libéré que le vrai travail de collaboration eut lieu. Là, il m'a raconté toute l'histoire. Certaines parties figurent dans le film, d'autres resteront confidentielles. Un travail de synthèse qui a pris sept années de ma vie.

 

Avez-vous apprécié l'humour de ce film (avant le Lumet, vous avez fait Baby-Sittor) ?
Je tiens à rappeler que j'ai essentiellement fait Baby-Sittor pour mon neveu et ma nièce qui étaient beaucoup trop jeunes pour regarder mes autres films. Maintenant, à propos de Jugez-moi coupable, l'histoire était censé avoir un ton comique dès le départ. Pourtant, avant le tournage, j'appelais tout le temps Sydney Lumet en lui disant que mon personnage devait être drôle, un genre de comédien extravagant, outrancier qui devait faire rire la salle toutes les trois secondes. Sydney me rétorquait : « Contente-toi d'en faire un personnage sincère et vrai. Tout ce qui va découler de ce personnage et de cette situation pour le moins étrange d'un inculpé choisissant de se défendre lui-même (au plus gros procès anti-mafia jamais organisé aux USA, NDR) va faire rire les spectateurs. J'ai cru à Sydney Lumet, j'ai suivi cette indication et ce fut si lourd émotionnellement que j'en ai oublié d'être drôle. La volonté comique est sortie de ma tête et elle est revenue sur l'écran.

 

Qu'est ce que cela vous a apporté un changement de look aussi radical (les cheveux notamment) ?
J'ai été très confus en apprenant que Sydney pensait à moi pour son prochain film et je lui ai demandé pourquoi il voulait que je sois Jackie Dee Norschio : je ne lui ressemblais pas du tout ! Il m'a répondu : « Ecoute, je peux te mettre entre les mains des meilleurs maquilleurs de Hollywood. Crois moi, tu vas ressembler à Jackie Dee DiNorscio ! » Bien sûr, je ne savais pas que cela nécessiterait deux heures de maquillage quotidien !

 

Quelles sont vos impressions sur Sydney Lumet ? Avez-vous vu beaucoup de ses films ? Quel est votre film de Lumet préféré ?
J'ai grandi à New York où j'ai commencé à jouer dès l'âge de sept ans. Et quand on est un acteur à New York, on est naturellement fasciné par Sydney Lumet, le réalisateur avec lequel vous rêvez de travailler. J'ai réalisé deux courts-métrages, Stray et Multifacial (J'ai d'ailleurs présenté le second à Cannes et la première critique que l'on a écrit sur moi était française !) et j'avais lu le livre de Sydney Making Movies. C'est dire l'influence qu'il a eue sur moi ! Un acteur cherche la reconnaissance, qu'elle soit sous forme de récompense ou de sollicitation. Savoir que Sydney Lumet voulait travailler avec moi était formidable. C'est un honneur pour moi de savoir qu'il m'a fait confiance après avoir travaillé avec des légendes comme Marlon Brando et Al Pacino.

 

Sydney Lumet est connu pour être un réalisateur qui fait très peu de prises. Quels sont les avantages et les inconvénients d'une telle méthode selon vous ?
En effet, Sydney travaille très vite. Du point de vue de l'acteur débutant dans le système Lumet, on a l'impression que tout va très vite, trop vite. J'ai presque eu envie de lui dire de mettre le holà. Mais, après un très court laps de temps, vous réalisez que toutes les répétitions, un processus important chez Lumet, vous prépare à jouer comme si vous alliez monter sur une scène de théâtre et que, en gros, la première interprétation doit être la bonne. Je n'avais jamais travaillé avec un réalisateur qui me demandait dix pages de monologue en une prise et qui me disait : « C'est bon, c'est dans la boîte ! » Ceci dit, je n'avais jamais travaillé avec un réalisateur qui investissait autant de temps et d'argent dans les répétitions. Sydney me demandait de passer au maquillage pour de simples répétitions. Je lui répondais que je n'avais pas besoin de perdre deux heures pour de simples répétitions. Et Sydney rétorquait : « Tu n'en as pas besoin, je suis d'accord. Mais tous les acteurs qui vont jouer autour de toi, si ! Je ne veux qu'ils voient Dee Norschio, pas Vin Diesel. » Sydney est très old school et place sa relation réalisateur-acteur au dessus de tout et cela facilite la confiance. En fait, Sydney travaille tellement vite que le tournage, programmé pour 30 jours, n'en a duré que 28, ce qui est assez rare ! Il ne faut pas oublier non plus que c'est un monsieur de plus de 80 ans qui galope comme un jeune premier de 18 ans.

 

T.J. Mancini : Mais un jeune premier de 18 ans n'a pas cette connaissance du jeu d'acteur, du cinéma !

 

Vin Diesel : Oui, c'est vrai que l'on peut expérimenter avec un homme comme Sydney. Il a un style qui lui est propre. Ses fims ont toujours été très appréciés en Europe. Il est connu ici comme le maître des drames de prétoires. Douze hommes en colère a été bien plus vu ici qu'aux Etats-Unis. Donc, pour revenir à la méthode Lumet, on a l'impression que tout va trop vite. Puis, on le laisse nous emmener où il le souhaite parce que croire en Sydney, c'est croire en soi-même. Il transmet une immense confiance en soi. C'est pourquoi mon expérience sur Jugez moi coupable fut formidable.

 

Propos recueillis par Julien Foussereau.

Tout savoir sur Jugez-moi coupable

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22/08/2015 à 09:07

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