Masterclass Tobe Hooper

Michael Zayan | 3 mai 2006
Michael Zayan | 3 mai 2006

C'est à la Fnac Digital du boulevard Saint Germain, que le Maître de l'horreur, Tobe Hooper, est venu s'exprimer sur sa carrière à l'occasion de la sortie, le 3 mai 2006, de son dernier cauchemar sobrement intitulé Tobe Hooper's Mortuary, soit le mortuaire de Tobe Hooper ... Parlant très peu de son dernier film, c'est surtout une rétrospective de sa carrière qu'il a livré. Abordant entre autre son évident intérêt pour le cinéma d'horreur, il s'est exprimé sur son attirance fortement prononcée pour la comédie pure. Le réalisateur de Massacre à la tronçonneuse en a aussi profité pour faire taire une rumeur quasi-ancestrale, selon laquelle Steven Spielberg aurait co-réalisé Poltergeist. Non non et non, la réponse aura eu le mérite d'être claire (voir news Tobe Hopper met fin à la rumeur).

 


Qu'est ce qui vous a attiré vers le cinéma en général, et le cinéma d'horreur en particulier ?
J'ai littéralement grandi dans le cinéma car mes parents m'y emmenaient dès mon plus jeune âge. Je voyais des films tous les jours, parfois trois dans la même journée, et ce jusqu'à l'âge de vingt-cinq ans. J'ai appris à m'exprimer à travers l'image, grâce à cet apprentissage au cinéma.

 

Juste avant votre premier grand succès, Massacre à la tronçonneuse, vous avez réalisé un film qui est très peu connu : Eggshells, pouvez-vous nous en parler un petit peu ?
Ce film se déroulait dans une maison d'une communauté hippie. Il s'agissait d'un emblème de la contre culture américaine des années 1960. L'action prenait place après la Guerre du Vietnam. Une mystérieuse présence sévissait dans cette maison, quelque chose d'autre que cette contre culture. C'était une manière de réintégrer cette dernière dans un mode de vie beaucoup plus normal … Pas si normal que ça.

Massacre à la tronçonneuse, au delà d'être un simple film d'horreur, traite avant tout de la société. Vous avez un regard très pessimiste sur la société du moment, et surtout au lendemain de la guerre du Vietnam. C'est quelque chose qui semble vous avoir beaucoup marqué au cours de votre carrière.
Je faisais pleinement partie de cette contre culture. Je me sentais hippie. J'ai participé à un grand nombre de manifestations, notamment contre la guerre du Vietnam. Je me souviens parfaitement d'une manifestation à Memphis. C'était au lendemain de l'assassinat de Martin Luther King, et je me rappelle encore aujourd'hui de forces de police lançant des gaz lacrymogènes contre les manifestants. Je faisais partie de cette contre culture et je m'en sens toujours très proche.

Le film d'horreur peut-il avoir comme vocation une certaine critique de la société et de la politique ?
Le film d'horreur se prête parfaitement à une écriture métaphorique, à des allégories. Elles permettent d'aborder des thèmes difficiles à aborder dans le cinéma. Ce n'est pas l'intrigue qui m'intéresse dans le cinéma d'horreur, c'est une forme de rébellion contre ce qui ne va pas dans le monde. L'horreur, en tant que telle, on la trouve dans notre société. Elle fournit une toile de fond dans laquelle je puise pour mes films. Le cinéma d'horreur impose peu de restrictions dans les thèmes abordés, puisque de toute manière Hollywood ne comprend pas très bien cette seconde lecture dans mes films.

Pour en revenir à Massacre à la tronçonneuse, le film a été réalisé avec un très petit budget. Est-ce que ça a été dure de monter ce projet à l'époque ?
J'aimerais bien que tous mes films soient aussi simples à financer. Il ne m'a fallu que quatre semaines pour réunir les fonds. Des hommes politiques texans ont même financé mon film.

Dans vos films, la famille tient une place importante, qu'il s'agisse de Massacre à la tronçonneuse ou Mortuary, avec les deux scènes du dîner familiale. Que représente pour vous ces dîners ?
Dans ma propre expérience, ces dîners réunissaient des gens qui avaient des problèmes, qui se vouaient une haine farouche. Certains des conflits familiaux, auxquels j'ai assisté dans ma vie, se déroulaient autour du repas, alors même que ces moments devraient plutôt être synonymes de fêtes. Parfois on en venait à se jeter des assiettes à travers la pièce. J'ai grandi dans ce contexte, j'étais très maigre à l'époque car je n'arrivais pas à manger dans ce milieu chaotique.
Je me souviens d'une anecdote assez drôle. Ma mère avait cinq sœurs, l'une d'elles venaient de s'acheter une nouvelle voiture. L'une de mes tantes avait baptisé cette voiture "fille de pute". Elles ne se sont plus jamais adressées la parole après cet incident.

Avez-vous déjà été tenté d'aborder un autre genre que le film d'horreur, même s'il y a des éléments de comédie dans la plupart de vos films ?
Oui, j'aurais aimé, mais ça a justement été l'une des plus grandes difficultés de ma carrière. Après le succès de Massacre à la tronçonneuse, je ne recevais que des scénarios de films d'horreur. Je n'ai jamais réussi à réaliser de pures comédies, comme les premiers films de Stanley Kubrick par exemple. C'est comme ça que les choses se sont passées, c'est la vie !

Ceci explique donc le ton souvent très ironique de comédie noire présent dans la plupart de vos films ?
Au tout début de ma carrière, j'ai tourné dix minutes de comédie authentique. Le résultat ne m'a pas enthousiasmé. La présence d'humour noir s'appuie toujours sur des situations qui découlent du film. Je ne peux pas m'empêcher de faire surgir cet humour ironique. Pour moi le dessin animé Tom et Jerry représente l'humour idéal, comme quand un personnage se fait complètement écraser la tête, et que dans la scène suivante il est totalement rétabli de ses blessures.

Vous avez quelque part réalisé votre rêve avec Mortuary, puisque dans la première demi-heure, avant que le film ne sombre dans l'horreur, nous sommes en présence d'une véritable comédie, avec des personnages très drôles et complètement décalés.
Mortuary m'a offert une situation dramatique qui m'a permis d'introduire de nombreuses situations de pure comédie. J'en suis d'ailleurs très content. Je me suis beaucoup amusé avec tous ces personnages, tout en glissant petit à petit dans le cauchemar. J'aime les gags où les personnages se vomissent les uns sur les autres (c'est ainsi que le virus se propage d'un personnage à l'autre dans Mortuary NDLR).

Pour en revenir au début de votre carrière, il y a quelque chose de très marquant .C'est la manière dont vous humanisez les tueurs. Est-ce pour vous un moyen d'impliquer encore plus émotionnellement le spectateur dans les scènes de terreur qui suivront ?
Le public peut s'identifier au personnage si ce dernier a une véritable épaisseur. Le personnage de Leatherface est un monstre, un tueur, mais j'ai voulu en faire un jeune homme très perturbé. Son frère aîné se couvrait de peau humaine. Il est donc en permanence angoissé par l'idée que son frère le surprenne. Juste après les trois premiers meurtres, il est totalement paniqué. Il s'assoit, se gratte la tempe, et pour la première fois le spectateur découvre les yeux de ce personnage totalement terrifié. C'est ma manière d'humaniser ce monstre.

Que pensez-vous de cette vague de remakes des standards du films d'horreur des années 1980, comme Zombie, La colline à des yeux ou celui de Massacre à la tronçonneuse ?
Il y a cette tendance à faire des remakes de tout. Le remake de Massacre à la tronçonneuse a démarré une véritable psychose du remake permanant. Beaucoup de grands films classiques ont aussi le droit à une remise aux goûts du jour. Après tout c'était peut être le moment pour mon propre film de se faire remaker. Actuellement les studios sont en train de travailler sur une préquelle à Massacre à la tronçonneuse...

Votre façon de créer la peur dans vos films est assez particulière, à grands renforts d'effets sonores et de finals souvent très apocalyptiques. Quelle est votre formule pour faire peur au public ?
Il y a un son, un cri particulièrement spécifique à la peur, provenant de l'intérieur des êtres humains. C'est un son strident qui vous déchire jusqu'à la moelle des os. Pour faire un film d'horreur efficace, il faut pousser le comédien jusque dans ses derniers retranchements. C'est très difficile pour un acteur si le metteur en scène ne l'aide pas. Lorsqu'un comédien arrive à ce sentiment de total terreur, ça devient presque chaotique, ça transcende l'écran, ça se propage au public. Quand cela est combiné à des effets sonores et à de la musique, on arrive à une apothéose semblable à de l'opéra. La peur est contagieuse, comme le rire peut l'être.
Dans Apocalypse Now de Coppola, les ingénieurs du son ont enregistré le hurlement d'un porc en train de se faire égorger. Ce hurlement a été mixé avec la musique de manière presque subliminale. Pour moi c'est le son de la mort, il pénètre votre corps, et reste en vous à tout jamais.

 

 

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