PEF (Essaye-moi)

Lucile Bellan | 14 mars 2006
Lucile Bellan | 14 mars 2006

Dans son premier film, Essaye-moi, Pierre François Martin-Laval nous propose, ainsi qu'à Julie Depardieu, de l'essayer. Écran Large ne pouvait que le prendre au mot, et envoya donc sa plus grande fervente des Robins des bois, et de PEF en particulier, tenter l'aventure. Après une vodka offerte par la maison (à L'Avenue, près des Champs-Élysées, siouplaît), la jeune journaliste se jeta à l'eau et disserta avec PEF sur Sara Forestier dans Hell, sur les choix « osés et artistiques » de Michael Youn, avant, enfin, de parler du film… sous un angle, disons, original.

Comment se passe la promotion du film ? Vous avez mis les petits plats dans les grands ?
Non, la promo habituelle… ce n'est pas Les Bronzés non plus. Notre promo se fait sans dépenser d'argent vu que nous n'avons pas les moyens de se payer toutes les colonnes Morris. En fait, nous avons juste doublé le nombre des projos presse pour que tout le monde voit le film et, là, il se trouve qu'il a un très bon retour, et que tout le monde veut nous inviter. Et voilà.

 


Pourquoi avoir attendu tant de temps entre la séparation des Robins des Bois et ce film ? Qu'avez-vous fait pendant deux ans ?
En fait, après RRRrrrr !!!, nous nous sommes plus ou moins séparés avec les Robins, car nous n'avions plus de projets communs, ce qui n'a absolument rien à voir avec l'amitié. Nous sommes donc quasiment retournés à la case départ. Nous avions quand même passé presque une dizaine d'années à faire des spectacles ensemble. Moi, je n'avais aucune proposition depuis deux ou trois ans, donc j'ai continué d'écrire mon histoire. Effectivement, il y en avait deux qui étaient très demandés au cinéma et au théâtre, un qui est passé derrière la caméra, car il avait plus d'avance que moi dans l'écriture, et deux autres qui ont un peu de mal, et voilà. Après RRRrrrr !!! et même si ça a été un petit succès, la France entière a décrété que c'était un échec alors que c'en n'était pas un ! Traité comme ça par les professionnels, je suis retourné à la case départ. Moi ça m'a fait un bien fou. C'était génial en fait. Et je suis resté deux ans comme ça…

 

Des vacances en quelque sorte…
Pas toujours des vacances, parce que quand tu es sans travail, tu te remets beaucoup en question. Tu te demandes si tu vas refaire ce métier ou pas, parce que comédien ce n'est pas directeur de banque ou fleuriste. Au bout de dix huit mois tu te dis que tu vas peut être chercher un autre métier. J'ai pris des vacances aussi. Je suis parti en Australie. Je suis resté pas mal de temps à Marseille, chez moi. Ça fait du bien. De toute façon, je suis retourné dans la vraie vie parce que les gens ne connaissent que les acteurs célèbres, mais on est des dizaines de milliers à faire ce métier dans l'ombre. Et ça m'a permis d'écrire le scénario dont je rêvais.

 


Vous avez vraiment cherché quelque chose d'autre à faire ?
Bah, quand tu es comédien, tu es impuissant si personne ne veut de toi ! Et on propose à ton copain un scénario par semaine et à toi une merde par an, un truc illisible qui ne se jouera jamais. Je recevais des scénarii, mais je n'étais pas non plus prêt à tout pour ce métier. J'ai la chance d'être devenu créateur. J'ai fait beaucoup de mise en scène et je me suis mis à écrire, donc, souvent, ce que je fais, je me le dois un peu. Là, je me suis écrit le rôle principal, mais ce n'est pas la première fois que j'écrivais et que je mettais en scène vu qu'il y avait déjà eu la pièce des Robins des bois.

 

Une autre passion, la mise en scène ?
Oui, j'adore ça. J'ai découvert cette passion au cours d'Isabelle Nanty, lorsque je mettais en scène mes camarades de classe. Au début, je les dirigeais juste timidement, en dehors du cours, et après quand ils montaient leur scène, je me disais : « Oh la la ! ça m'a apporté quelque chose de les diriger.» Et puis je me suis aperçu que cela me faisait aussi progresser en tant qu'acteur. Je dirigeais quelqu'un et ça m'apportait des choses. Donc voilà, ça fait 17 ans que c'est une deuxième passion.

 


C'est un choix volontaire d'avoir été le rôle principal de Essaye-moi, ou c'est parce que personne d'autre ne pouvait le faire ?
C'est les deux, mon colonel ! Parce que le rôle, j'y ai mis énormément de moi. J'avais envie de me faire jouer en plus, c'est normal quand en plus, on n'est pas désiré par les autres. Le jeu, c'est pas une question de survie mais c'est une passion. Mais la vraie raison, c'est que le rôle, je l'avais écrit pour moi. Juste avant le tournage, j'ai essayé d'imaginer quelqu'un de connu pour que le film se monte plus facilement, alors j'ai passé quelques personnes que j'aime en revue mais ça n'allait pas.

 

C'est vrai que les acteurs ne sont pas des têtes d'affiche non plus…
Oui, mais tu sais, le public français commence à en avoir marre qu'on le prenne pour un con. Il faut arrêter de croire que c'est une tête d'affiche qui fait le succès d'un film. Le succès d'un film, c'est une grande histoire, qu'elle se termine mal ou bien, qu'elle soit drôle ou triste. Et cette année, on a eu la preuve une fois de plus que les histoires de bankable, c'était des conneries. Donc on paye deux millions d'euros les 3-4 acteurs bankable et les films se cassent la gueule, parce que les Français veulent rêver, ils veulent rire, ils veulent pleurer. Evidemment qu'ils aiment les acteurs, mais ils n'aiment pas que les acteurs bankable, et là je le vois bien en tournée, les gens sont très émus de voir Pierre Richard aussi touchant, ils adorent Isabelle Nanty, même si ce n'est pas une star, ils sont fous d'elle. Kad fait une prestation incroyable aussi. J'ai pris beaucoup d'acteurs de théâtre pour mon film. Ils viennent de la scène, c'est ça aussi qui fait l'authenticité.

 


Vous pensez que c'est mieux pour un acteur de faire de la scène plutôt que du cinéma ?
Chacun son école, moi ça m'a beaucoup, beaucoup aidé. J'ai fait du théâtre de rue pendant trois ans. Quand on a joué dans les marchés, dans les petits villages, quand on a joué sur des scènes où les gens montent sur la scène pendant que tu joues, qui n'écoutent pas, ça aide beaucoup. C'est pour moi la plus belle école. Mais Catherine Deneuve, qui n'a jamais fait de scène, est une grande actrice.

 

Vous avez fait ça quand ? Au tout début de votre carrière ? Chez vous à Marseille ?
Non, à Marseille c'était juste en amateur. Apres l'école d'art dramatique, j'ai fait le cursus de trois ans avec Isabelle Nanty comme prof. Après j'ai rencontré sur un téléfilm un type qui avait une compagnie de rue en Picardie et j'ai fait 3 ou 4 ans avec lui. J'ai fait du théâtre de rue en Belgique aussi pour le parti écolo. J'ai fait du café théâtre. Le café-théâtre, c'est une école magnifique parce que tu joues quelquefois devant des gens qui sont bourrés ou qui t'insultent. Et ça t'apprend beaucoup sur toi.

 


À l'avenir vous seriez plutôt théâtre ou cinéma ? Parce que après un film aussi personnel ça semble très compliqué de réitérer l'exploit…
Tu as raison, ça va être très difficile. Alain Delon m'a dit que je n'y arriverais pas… Il a tellement aimé le film qu'il m'a pris dans ses bras et qu'il m'a dit : « Vous n'arriverez plus à faire un aussi beau film. » J'étais pétrifié entre l'ampleur du compliment et la peur si c'était vrai. Mais je comprends ce que ça veut dire. Mais bon, j'ai suffisamment vécu pour avoir quelque chose d'autre à raconter. En plus, j'ai déjà le sujet.

 

C'est en écriture ?
Non, j'attends que mon film sorte.

Ça dépendra de quoi ? Du fait que les gens aillent le voir et que vous ayez les moyens d'en faire un second ? Ou de prendre votre temps tout simplement ?
Non, je n'attendrais pas les moyens. J'ai pas besoin de signer un contrat avec quelqu'un pour me lever le cul (sic), je l'ai déjà prouvé. J'ai travaillé 6 ans sans qu'on me donne un seul euro. Ça va dépendre juste d'une date, que le film sorte, et que je pense enfin à autre chose.

 


Pour finir, parlez-moi un peu d'Isabelle Nanty…
Je sais que si elle n'a pas plus de grands rôles c'est quelle fait le tri. C'est quelqu'un qui se consacre beaucoup à sa vie privée. Qui donne beaucoup à son entourage et qui n'est pas prête à tout pour faire ce métier. On lui propose souvent des rôles dégradants ou sans intérêt, qu'elle refuse tout simplement. Elle préfère moins bien gagner sa vie que d'avoir honte… Elle ne choisit pas ses films selon le nombre d'entrées potentielles. Pour moi, c'est mon… je ne sais pas comment on peut dire, ange gardien, Pygmalion, maître. Elle m'a mis dans ce métier, elle m'a appris à jouer, elle m'a surtout apporté ce qui est le plus important, et ce que je n'avais pas, c'est la confiance en soi. Parce que c'est un dur métier : on vient de notre petite ville, on vient de Marseille, Jean Paul venait de Dunkerque et on dit qu'on est fait pour ce métier, mais c'est pas à nous de le dire. Nous, on est là pour y croire c'est tout. Sans elle, jamais je serais passé à l'acte pour écrire et réaliser ce film.

 

Propos recuillis par Lucile Bellan.
Autoportrait de PEF.

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