Bahman Ghobadi

Julien Welter | 21 février 2005
Julien Welter | 21 février 2005

Dans la société actuelle où la télévision est omniprésente, que représente pour vous le cinéma ?
Tourner une minute d'une oeuvre cinématographique est équivalente à un mois de reportage. Ces derniers restent très surfaits, ils n'ont pas une grande valeur. On y voit quelques minutes d'un évènement puis on passe rapidement à autre chose. Ce n'est pas profond.
En tant que natif de cette région, j'approfondis et je montre réellement les problèmes. Pour attirer un maximum de spectateurs, les médias disent ce qui les arrange. Le cinéma joue un rôle plus important car il est le seul à raconter la vérité d'un endroit. Il peut donc jouer un rôle important.

Est-ce par souci de vérité que vous avez filmé des enfants réellement handicapés ?
Oui mais je voulais en même temps montrer leurs espoirs. Malgré tous les problèmes, ils ont l'envie de continuer à vivre et c'est ça qui m'importait.
Ces gens sont la conséquence de la guerre. Quand on réalise un film sur eux, par respect, il faut s'approcher le plus possible de leur vécu tout en gardant leur confiance et leur fierté. Pour montrer leurs vérités, pour élaborer une bonne réflexion, il faut les aimer et comprendre leurs amours et leurs histoires. Dans un reportage télé, par exemple, on ne peut pas.

Le personnage de Kak Satellite, un enfant préservé de la guerre qui relie le monde en installant des paraboles, vous représente-t-il ?
Tous les personnages sont des morceaux de moi. Kak est le reflet de mon cri intérieur et de ma révolte en même temps que le reflet de ma responsabilité. En tant que réalisateur, je me dois de connecter les lieux les plus reculés avec le monde.

Quel cinéma vous a influencé ?
Je n'aime pas le cinéma hollywoodien. J'aime le cinéma indépendant. Le regard de Satellite envers les américains est le sien, pas le mien.

Comment avez-vous abordé le tournage ?
En même temps que je voulais être indépendant, je voulais donner à voir une grande production. J'ai donc été préoccupé par le cadre que je voulais parfait et la direction des enfants. J'ai mis autant de temps à diriger ces derniers qu'à construire le cadre.
Il a été également extrêmement difficile de gérer l'armée américaine. Il a fallu deux mois de tournage juste pour quelques scènes car je ne l'avais que quelques jours et le survol des hélicoptères que pour une vingtaine de minutes. Mais le travail avec les comédiens non professionnels a des côtés positifs.
Cela fait 17 ans que je tourne avec des acteurs non professionnels et des enfants. J'ai beaucoup appris et j'ai maintenant des trucs pour que cela soit plus facile. Je ne leur dis pas par exemple que l'on tourne une scène mais que l'on va reconstruire leurs vies. Etant donné qu'elle est très difficile, jouer dans un film est une sorte de jeu qui n'est pas plus dure que ce qu'ils ont vécu.

Est-ce que ce tournage est une forme d'espoir pour eux ?
Je ne suis pas sûr. Ils n'ont pas bien compris ce qui s'est passé pendant le tournage. Une fois le film terminé, ils ont continué à vivre normalement. Cela n'a pas occasionné de grands changements dans leurs vies.

Et dans la vôtre ?
Je suis un peu désespéré, mais peut-être qu'il y aura un mieux. Je ne me réjouis pas de la présence américaine car ces derniers, il me semble, ne cherchent qu'un nouveau Saddam Hussein pour remplacer l'autre. Ils ne sont pas si glorieux.

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