Roger Corman

Vincent Julé | 28 janvier 2005
Vincent Julé | 28 janvier 2005

Autant dire qu'être présent à Gérardmer au moment où le festival compte parmi ses invités de marque le pope du « B-Movie » et ne pas se rendre à la conférence de presse organisée à l'occasion de cette venue aurait été un sacrilège. Donc, nous y étions ! Morceaux choisis…

Comment réagissez-vous devant le succès de réalisateurs dont vous avez été le producteur à leurs débuts comme Martin Scorsese ou Brian De Palma ?
Je suis fier d'avoir pu travailler avec ces grands réalisateurs à leur début car j'ai ainsi pu leur transmettre un peu de mon savoir ainsi que leur offrir l'opportunité de s'affirmer.

Que pensez-vous de votre titre de roi de la série B ou du Vite-fait-bien-fait ? Auriez-vous souhaitez avoir plus de largeur à l'image de vos poulains ?
Je suis fier de mes films et je suis fier de les avoir produits avec mon argent, ce qui explique d'ailleurs qu'ils n'y en aient pas beaucoup. Et puis mieux vaut être le roi de la série que le plus mauvais.

Dans le film Le corbeau (The Raven en VO), projeté demain, vous avez tourné avec trois des plus grands acteurs de cinéma, y-avait-il de la compétition entre eux ?
Non, il y avait plutôt un problème de méthode. Boris Karloff venait du théâtre londonien et connaissait son texte parfaitement. Peter Lorre usait plutôt d'une méthode d'improvisation allemande inspiré de Stanislavski. Vincent Price était le seul parfaitement à l'aise avec les deux façons de jouer. Karloff venait souvent se plaindre auprès de moi car il avait l'habitude de dire sa réplique sans que Lorre ne la lui rende. Mais en même temps j'étais convaincu de l'excellence du jeu de Lorre. J'ai alors demandé à ce dernier de continuer en improvisant un peu moins et j'ai conseillé à Boris de se lâcher un peu plus. Je suis très fier de ce film pour cela, pour avoir su mêler ces différents styles de jeu.

Que pensez-vous de la carrière de Charles Bronson ?
Je lui ai offert son premier grand rôle avec Mitraillette Kelly (Machine Gun Kelly en VO). C'était un très bon acteur, capable d'avoir à la fois de la force et de la sensibilité. Le public n'a jamais vraiment vu l'acteur très fin et très drôle qu'il était. À bien des égards, il me rappelle ainsi Sylvester Stallone qui d'ailleurs aimait et s'entendait très bien avec Charles.

Les films se font maintenant de plus en plus au cours de la postproduction. En tant que réalisateur ayant énormément oeuvré sur des films avec des effets de plateaux, qu'en pensez-vous ?
Les effets spéciaux que j'utilise dans mes productions récentes sont également de plus en plus numériques. Ils sont toutefois moins onéreux. On peut montrer n'importe quoi de nos jours mais je crois encore que certaines choses se doivent d'être suggérées. Ainsi, chaque spectateur peut projeter ses propres images sur le film entraînant par conséquent autant de possibilités d'images qu'il y a de spectateurs différents.
Capitaine Sky est un bon exemple. C'est une tentative pour revenir au programme télévisé du samedi matin où le film de genre triomphait. Il y avait beaucoup d'action et l'épisode se terminait sur un pic. La semaine d'après, il y avait une pirouette et on recommençait. Dans ce film, les effets spéciaux ne sont qu'à 80% réalistes. Il me semble que le réalisateur savait qu'il ne pouvait obtenir des résultats vraisemblables et il en a profité pour jouer avec et s‘en moquer un peu. Il savait qu'il réalisait un succès ironique où le spectateur saurait en permanence que le héros et son environnement ne seraient pas crédibles à 100%. Ce réalisateur connaît donc les limites de la synthèse et il en a joué pour créer un univers onirique.

De plus en plus de films sortent directement en vidéo, qu'en pensez-vous ?
Le cinéma indépendant connaît actuellement un creux. A mon époque, tous les films arrivaient en salle. Aujourd'hui, seulement 10% des films connaissent une exploitation et souvent elle est limitée. Les nominations des Oscars me donnent toutefois de l'espoir. Je serais bien sûr heureux que Martin Scorsese gagne notamment parce qu'il a été nominé si souvent. Mais on peut voir que Sideways et Million Dollar Baby qui sont des budgets moyens obtiennent également des nominations. Et il me semble important que ce genre de film suscite à nouveau l'enthousiasme.
Le numérique est également l'occasion de créer une nouvelle vague. Grâce à cela, on peut couper les budgets, même si actuellement le système n'est pas parfaitement au point.

  

Pourquoi avez-vous arrêté de réaliser ?
Ma dernière réalisation personnelle date de 1970. Il y a bien un film indépendant datant de 1989 mais c'était une commande d'Universal. Au début des années 70, j'étais tout simplement fatigué car je venais de terminer une période d'intense travail avec de nombreux films réalisés. J'ai donc décidé de prendre une année sabbatique mais au bout de 6 mois je n'en pouvais plus, je m'ennuyais. J'ai alors produit un film qui est devenu un gros succès et comme cela m'a plu, j'ai continué. Je n'ai actuellement pas de projets concrets mis à part une série télévisuelle intitulée Masters of Horror qui devrait réunir John Carpenter, Tobe Hooper, John Landis, Joe Dante et moi-même. Le tournage promet d'être court et très amusant.

Quelles sont les limites du genre horrifique ?
En ce qui concerne les limites techniques, elles sont celles de mes compétences de réalisateurs. En ce qui concerne les limites morales… Je suis un libéral, politiquement et socialement. Je montre donc ce que j'ai envie de montrer tout en ne poussant pas trop loin…

Pensez-vous, comme certains conservateurs, que le cinéma d'horreur peut amener certaines personnes à des actes meurtriers ?
Je rejette totalement cette idée que les actes sanglants soient dus aux films. Le problème vient de l'inconscient de ces personnes, à des évènements enfouis en eux. J'aimerais penser que les films ont le pouvoir de générer ce genre de réaction mais ce n'est pas vrai. Les films les plus durs ne sont rien en comparaison des images que l'on peut voir à la télévision. Cette dernière diffuse des évènements réels beaucoup plus durs. L'anniversaire d'Auschwitz est la preuve que des évènements bien plus terribles et inimaginables peuvent arriver.

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