Le Serpent aux mille coupures : les inspirations derrière le film d'action, commentées par le réalisateur Eric Valette

Laurent Pécha | 7 avril 2017 - MAJ : 14/12/2023 15:47
Laurent Pécha | 7 avril 2017 - MAJ : 14/12/2023 15:47

Le 6 avril prochain, sort Le Serpent aux mille coupures d’Eric Valette. Un cinéaste que l’on apprécie énormément à Ecran Large. A l’époque d’Une affaire d'Etat, nous avions mis le réalisateur sur le grill en lui demandant de choisir les films qui l’avaient marqué au cours de sa vie. Le principe est aussi simple que compliqué : face à la liste des films sortis en salles françaises chaque année depuis 1967, Eric Valette a dû choisir un et seulement un film phare par année et nous raconter pourquoi ce dernier a marqué sa vie de cinéphile. Pour ce faire, on s’est basé sur les sorties des films en salles françaises en première exclusivité.

 

Photo Tomer Sisley

1967

L'Operation diabolique de John Frankenheimer

J'ai découvert ce film tardivement mais ce fut un grand choc. D'abord parce que j'aime les thrillers paranoïaques et que là, c'est un peu la quintessence du genre, tant dans la forme que dans le fond. Et aussi parce que la noirceur du propos nous renvoie en permanence à la vanité et la misère de l'existence humaine, des considérations qui sont incroyablement osées dans un contexte de production Hollywoodienne. Rock Hudson joue de son charme déclinant avec beaucoup d'audace.

 

 1968

Le Bon, la brute et le truand de Sergio Leone 

Je suis un fan du western, autant américain qu'européen, de toutes les décennies. C'est tout naturellement que je place un classique du western à l'italienne dans le classement. L'équilibre parfait entre le style hiératique et la façon unique de gérer le temps de Leone et un script jouissif alternant noirceur et ironie. Et puis: Eastwood, Van Cleef, Wallach, autant de gueules burinées inoubliables amoureusement cadrées en gros plans ou comment créer des icones instantanées...

 

1969

La Horde sauvage de Sam Peckinpah

Mon film favori de Peckinpah (et peut-être tout court) est probablement "Coups De Feu Dans La Sierra" mais difficile de négliger La Horde Sauvage qui sonne le glas du règne des vieux briscards de l'ouest, à la fois dans le récit et sur le genre lui-même. Le téléscopage d'un style classique avec des inventions de montage audacieuses, le cast exceptionnel réuni pour une dernière charge héroïque, c'est beau à en pleurer... "If they move, kill'em".

 

photo film

1970

Le Cercle rouge de Jean-Pierre Melville

Le plus grand auteur de polar français aux commandes dans ce qu'il a fait de plus épique, dépouillé et mutique à la fois. Même si le cast choral est remarquable, c'est tout de même Bourvil, spectral et bouleversant, qui emporte le morceau. Le film m'hypnotise à chaque vision. La façon dont la réalisation prend son temps tout en restant en permanence dans le mystère et la tension est exceptionnelle. On en trouve l’équivalent que dans certains films japonais. L'idée que Melville ait été à  la fois un expérimentateur dans la forme tout au long de sa carrière et un cinéaste couronné par le succès populaire est vraiment réjouissante.

 

1971

Les Proies de Don Siegel

J'admire depuis longtemps Siegel, un immense réalisateur très prolifique, qui a enchaîné nombre de films mémorables dans cette période faste et créative.  C'est un conte cruel où Eastwood, soldat nordiste blessé, joue avec son image de mâle dominant et devient tout autant manipulateur que victime au sein du pensionnat -sudiste- de jeunes filles qui l'ont recueilli,  le tout sur fond de guerre de sécession dans une atmosphère sudiste poisseuse à souhait.. Mise en scène au cordeau, script impeccable et superbe casting: Les Proies touche au fantastique dans sa lente progression dans l'horreur, ce qui peut finalement sembler logique de la part du réalisateur de L'invasion des profanateurs de sépultures.

 

1972

French Connection de William Friedkin

Dans le sillage du superbe Bullit réalisé 4 ans avant, Friedkin réinventait le polar stylistiquement, avec une approche rugueuse et documentaire. Certains ont eu tendance à n'en retenir que la géniale scène de poursuite en voiture (comme pour Bullit d'ailleurs), mais le film dépasse -et de loin- l'exercice de style. Les personnages de Hackman et Scheider, le ton existentialiste et désabusé, la justesse sociale, la séquence finale incroyable, tout est mémorable dans le film...

 

car chase

 

1973

La Brute, le Bonze et le Méchant de Chang Cheh et Pao Hsueh Li

Sous ce titre on ne peut plus débile typique des 70s se cache la sortie française d'une perle de la Shaw Brothers, le fameux The Boxer From Shantung réalisé (en partie) par le prolifique et flamboyant, Chang Cheh, réalisateur sous contrat du studio qui enchainait les films sans flancher à l'époque. 

Ici, il s'intéresse à l'ascension sociale d'un jeune paysan habile de ses poings au sein d'un gang dans le Shangai des années 20 et sa plongée dans la corruption, le tout sous-tendu par une histoire d'amitié trèèèès virile comme Chang Cheh les affectionne.

Construit de façon très classique, The Boxer From Shantung prend son temps et  ne cesse de monter en puissance jusqu'à un final anthologique rouge écarlate où la rage et une forme de sauvagerie qu’on peut aussi appeler héroïsme prennent des dimensions rarement atteintes à l'écran. John Woo, jeune assistant sur le film, n'a sans doute pas oublié la force de ses images.

 

1974

Operation Dragon de Robert Clouse

La même année que le génial L'Exorciste, sacrilège ! Un ami me disait qu'on avait tort d'associer les termes "plaisir" et "coupable" et je crois qu'il a raison. Je vais donc utiliser le terme "plaisir simple". Il y avait tout ce que j'aimais au cinéma quand j'ai découvert Operation dragon en salles  probablement aux alentours de 78-79, date à laquelle il était souvent repris car Bruce Lee était une valeur sûre "bouche-trou" des programmateurs. En soi, c'est un film très pauvrement réalisé, mais transcendé par sa générosité et son mélange des genres: Kung-Fu+James Bond+ Blaxploitation, le tout avec des éléments sadiques, érotiques et un exotisme de pacotille séduisant. C'est du pur cinéma jouissif quand on est gamin. Et en ce qui me concerne, ça le reste encore.

 

1975

La Rançon de la peur de Umberto Lenzi

Les Dents de la mer ayant été distribué tardivement en France,  je  me retrouve piégé sur l'année 75 et je choisis donc un outsider, manifestement distribué en province uniquement cette année-là. Mais quel outsider! Un énorme brûlot nihiliste, mal élévé et franchement hargneux, à la violence tétanisante. Tomas Milian en bête sauvage sacrifiant tout à ses instincts porte haut la folie de son personnage et Henry Silva incarne avec toute sa froideur sa Nemesis jusqu'auboutiste, dans une Italie ravagée par la violence sociale filmée à ras du caniveau. Umberto Lenzi allie anarchiquement inspiration foudroyante et mauvais goût le plus total. Coup de chance peut-être, mais coup de maître.

 

1976

Taxi Driver de Martin Scorsese

Les films de sociopathes me fascinent, probablement parce que je le suis un peu moi-même d'une certaine façon. Taxi driver est le film de sociopathe ultime, un vrai film à la première personne qui ne lâche jamais son sujet et son personnage. Le regard de Scorsese est très viscéral et humain, mais, toujours plein d'humour. De Niro y est incroyablement émouvant, dans un de ses rôles "cameleon" où il s'efface totalement derrière son personnage et dans lequel Scorsese sait si bien le faire briller, comme il le prouvera par la suite dans Raging Bull et La Valse Des Pantins.

 

 

 

1977

Les Frissons De L'Angoisse de Dario Argento

L'aboutissement du génie visuel d'Argento avec un film aussi dérangeant que fascinant et un beau script qui frôle le collage surréaliste. Je l'ai d'abord vu dans sa version tronquée qui en accentuait presque la logique onirique. Puis je l'ai véritablement découvert dans la version complète où le rythme d'ensemble est bien plus équilibré. Les mises à mort aussi sadiques que sophistiquées, l'exploration de la villa du crime originel par David Hemmings, les plans endoscopiques de l'univers du tueur: des images indélébiles.

 

1978

Le Convoi De La Peur de William Friedkin

Le chef d'oeuvre de Friedkin. Du cinéma de haute volée où la force impressionniste des plans et la beauté du travail sur le son rendent l'aventure existentialiste de ces outsiders grandioses absolument sidérante. Au fil du récit, le film dérape de son genre pour devenir une oeuvre fantastique au bout du compte. Les images fortes, primitives que Friedkin a ramené de son voyage au bout du monde ne cessent de me hanter.  La ressortie récente en salles de la version restaurée et l’édition blu ray ont rendu une justice tardive à un film qu’il a été très longtemps difficile de voir dans des conditions décentes.

 

The Sorcerer

 

1979

Série Noire de Alain Corneau

Il y a des films qui sont la rencontre d'éléments disparates et qui deviennent des perles rares, inégalées dans les carrières des divers intervenants.  Dans le cas de Série noire,  Un classique du roman noir rencontre Alain Corneau qui le transpose en banlieue parisienne et vient s'ajouter dans le shaker un Patrick Dewaere totalement habité par son personnage. À l'arrivée, on obtient le meilleur Corneau, le meilleur Dewaere et peut-être la meilleure adaptation de Thomson. En tout cas, un sans faute, inoubliable, une perle noire à l'humour cinglant.

 

1980  

Cruising de William Friedkin

Encore une fois, Friedkin aborde frontalement son sujet et dérange. Ce qui aurait pu être un thriller vaguement épicé par le coté folklo du milieu gay cuir new yorkais se transforme en descente aux enfers introspective. Le film, poisseux et troublant, interroge sans cesse tout en s'interdisant de donner des réponses, ce qui ne peut que déplaire à ceux qui aiment les raisonnements binaires... L’honnêteté brutale de la réalisation, son impact visuel, le superbe travail sur le son sont typiques d'un Friedkin au sommet.

 

cruising

 

1981

New York 1997 de John Carpenter

Je l'ai vu un nombre incalculable de fois. L'aspect western anar du propos m'a toujours séduit. La façon de gérer l'espace, le temps, la maximisation du budget (qui était assez bas même pour l'époque), toutes ces qualités habituelles chez Carpenter constituent une mécanique de cinéma précise et fluide. Kurt Russell crée un personnage mémorable et les seconds couteaux sont magnifiques... J'aime aussi beaucoup la séquelle faite bien plus tard et souvent très méprisée : elle n'a pas l'extrême rigueur du film original, mais en conserve l'esprit et le ton.

 

 1982

The Thing de John Carpenter

Ouch, voilà que un sacré dilemme l’année de Blade Runner ! Carpenter était sur une superbe lancée à l'époque et après New York 1997, il a enchainé avec un des plus grands films d'horreur de tous les temps. Encore une fois, c'est magnifique d'élégance et de précision, avec un ton très désabusé franchement osé quand le cinéma populaire américain commençait à s'enfoncer dans la niaiserie des 80s. Avec en plus d'incroyables effets de créature de Rob Bottin qui ont quand même bien résisté au temps, tout comme l'esthétique générale du film. 

 

John Carpenter

 

1983

Evil Dead de Sam Raimi  

La rencontre improbable et réussie entre Tex Avery et George Romero. Un film qui parvient à être terrifiant et drôle, speedé et angoissant. L'artisanat poussé à son paroxysme et la découverte d'un acteur digne héritier des génies du burlesque: Bruce Campbell, dont le corps en chewin gum semble la proie des pires tortures imaginées par Raimi. Le style Raimi a largement été copié/collé depuis mais Evil Dead est toujours aussi frais et réjouissant à chaque vision. Tout comme le second volet qui à mon goût, surpasse encore l'original !

 

1984

Scarface de Brian De Palma

Le De Palma dépasse de très loin le Hawks dans mon esprit, même si les films n'ont pas vraiment tant de points communs que ça. J'aime beaucoup les films de l'âge d'or de De Palma (disons de Blow Out à L'Impasse) mais j'ai une préférence pour ses films noirs plutôt que ses thrillers. Le script shakespearien de Stone et la performance de Pacino amènent beaucoup de "viscéralité" dans le film et du coup, les envolées baroques de De Palma restent toujours contenues dans le cadre d'un récit extrêmement dense et très humain. La démesure du film est à l'image de ce qui se passait à Miami à l'époque. Je recommande d'ailleurs le documentaire Cocaine Cow Boys comme complément de programme.

 

Photo Scarface

 

1985

La Chair Et Le Sang de Paul Verhoeven

La revue Starfix avait beaucoup milité pour ce film à l'époque et c'est vraiment grace à eux que je me suis précipité le voir dés la sortie. Quelle claque! La générosité de Verhoeven pour le spectacle et l’abondance visuelle n'a d'égal que la salve ininterrompue d'idées, de situations originales, de personnages flamboyants. C'est un cinéma d'une vitalité absolue, avec une lucidité toute européenne et une absence de concessions jouissive... On se dit qu'entre Le Fils Du Guerrier et La Passion Béatrice -pour parler uniquement de films médiévaux- le cinéma français aurait pu essayer de prendre exemple...

 

1986

Salvador d'Oliver Stone

Année très difficile pour départager Police Federale Los Angeles de Salvador, mais j'ai déjà trois Friedkin dans ma liste, alors... Je me rappelle avoir vu Salvador en salles 3 fois la semaine de la sortie. Et c'est absolument génial d'avoir l'impression d'assister à la naissance d'un cinéaste, un type qui a des tripes et des choses à dire, et avec qui il va falloir compter... De plus, Salvador sortait dans la foulée de films un peu lénifiants sur l'image du journaliste, comme La Déchirure. Avec un James Woods génialissime dans la peau d’un personnage déchiré entre ses dérives de charognard alcoolo et sa passion sincère pour les gens qu'il cotoie, Stone foutait un bon coup de pied dans la fourmilière, dans un contexte américain où les films adultes se faisaient de plus en plus rares.

 

1987

Les Incorruptibles de Brian De Palma

Encore un de ces films qu'on peut se passer en boucle: un film classique d'une grande élégance, épicé par les accés fiévreux de la mise en scène de De Palma qui multiplie les scènes d'anthologie, de la charge western à la frontière canadienne à la fusillade de la gare qui est à mon sens un des plus beaux exemples d'utilisation du ralenti au cinéma. Les personnages superbement écrits et interprétés, la direction artistique de haute tenue sans oublier le score déchirant de Morricone: on est très très proche de la perfection et ceux qui reprochaient à DePalma une certaine froideur en sont pour leur frais, car le film est très viscéral et émouvant.

 

 

 

1988

La Bête de guerre de Kevin Reynolds

Encore une découverte "Starfixienne". Un excellent film de guerre sans concessions, passé inaperçu lors de sa sortie, sur un conflit très peu filmé, la guerre d'Afghanistan. La Bête De Guerre rejoint les oeuvres les plus marquantes de Siegel ou Aldrich sur les hommes en guerre, dans une période des 80s marquée par un cinéma hollywoodien de plus en plus infantile. C'est aussi la révélation d'un immense acteur américain, Jason Patric, qui a malheureusement un peu raté le coche par la suite là où des types avec moins d'aspérités, comme Brad Pitt  ou Johnny Depp, ont raflé la mise.

 

1989

Invasion Los Angeles de John Carpenter

Une année globalement assez moyenne que 89. Bon ok, il y avait Faux Semblants et Abyss tout de même, mais finalement le film que j'ai probablement le plus revu depuis est Invasion Los Angeles, "petit" Carpenter mais immense brûlot politique et quintessence d'une certaine idée de la série B décomplexée et jouissive. Dans cette période profil bas, Carpenter revenait au minimalisme de ses premiers films et maximisait ses petits budgets avec son sens du cadre et l'élégance du scope. Le dyptique Prince Des Ténèbres/Invasion Los Angeles reste un modèle du genre.

 

Photo

 

1990

Les Affranchis de Martin Scorsese

Le grand retour de Scorsese après une période difficile! Il a un script aux petits oignons pour celà, qui le tire vers les sommets de sa virtuosité filmique... Le film est de la pure musique kinétique, d'un rythme et d'une fluidité extraordinaires qui nous fait vivre de l'intérieur la splendeur et le déclin d'un truand de Little Italy. En plus de la ribambelle de tronches incroyables dans les seconds rôles, le trio Liotta/ De Niro/Pesci fait des étincelles comme jamais.

 

1991

Le Silence des Agneaux de Jonathan Demme

Le film de "tueur en série" est devenu un genre en soi après celui-là et les films se sont succédés sans presque jamais retrouver la teneur dramatique et la force filmique du film de Demme, un vrai cinéaste "profil bas": de ceux qui ne jouent jamais au plus malin avec leurs sujets mais qui savent les servir de manière admirable. Jodie Foster sublime en petit bout de femme qui déplace des montagnes, Hopkins génial dans sa dignité de fauve en cage, des séquences de suspense insoutenables: il y a tout pour ce qu'on appelle "un classique instantané".

 

1992

JFK d'Oliver Stone

Un grand film gonflé par son propos et spectaculaire dans son ambition, son cast, sa forme. Stone a poussé à son paroxysme les expérimentations formelles avec Tueurs Nés, mais les a développé en parfaite intelligence avec le sujet, ses spéculations, ses questions, dans JFK. L'idée du film dossier, où toutes sortes de sources, de témoignages, d'informations se téléscopent pour former un puzzle de formats, de couleurs, et de grains à travers l'enquête de Garrison est extrêmement brillante. Où quand l'intuition d’un auteur et la puissance du cinéma démontent une vérité officielle qui a largement pris l'eau.

 

1993

Une balle dans la tête de John Woo

John Woo va jusqu'au bout du melo guerrier dans cette oeuvre épique et bouillonnante, un des plus beaux films sur l'amitié jamais réalisés, dont la noirceur et l’outrance en ont refroidi quelques uns. Il y a une force primitive dans la narration, une puissance évocatrice de chaque plan, qui fait qu'on a l'impression qu'on nous raconte cette histoire pour la première fois, alors que le film est bourré d'emprunts tant au cinéma américain qu'européen. On ressort de ce voyage au bout de l’enfer littéralement épuisé, K.O. par l'émotion. 

 

1994

L'Impasse de Brian De Palma

Le deuxième chef-d'oeuvre de l'association De Palma / Pacino. Ils devraient retravailler ensemble! Un vrai film noir à l'ancienne. Le personnage du truand qui s'humanise en vieillissant est assez atypique et Pacino l'incarne parfaitement, avec élégance et une sobriété assez inhabituelle. Les seconds rôles (Sean Penn, Luis Guzman, Viggo Mortensen) sont brillants. De Palma ne néglige pas le style et crée de superbes scènes de tension (la salle de billard, la gare). C'est pour moi son dernier grand film en date.

 

l'impasse

 

 

1995

Ed Wood de Tim Burton

Un des plus beaux films qu'il m'ait été donné de voir sur le cinéma depuis Les Ensorcelés de Minelli. C'est la joie simple de faire du cinéma qui est au coeur du film et évidemment, de le faire en famille: la fantastique bande de rebuts et de disgraciés magnifiques qu’agrège Ed Wood autour de lui est superbe d'humanité. Burton semble inspiré à tous les instants et sait passer avec délicatesse de séquences extrêmement touchantes à d'autres complètement hilarantes, sans jamais sombrer ni dans le misérabilisme ni dans la caricature.

 

 

1996

Heat de Michael Mann

Le polar urbain contemporain ultime. Et un grand film sur Los Angeles, ville aliénante et fascinante à la fois. Mann a su capter son aspect vénéneux et désolé. D'une richesse inépuisable, le film a le parfait équilibre entre action et atmosphère et présente un Mann au sommet de sa forme, capable de traiter tous ses personnages y compris les seconds couteaux (un gros problème dans Public enemies). Le visuel, le son, les acteurs, tout y est hypnotique, avec une grâce qu'on ne retrouvera plus à un tel niveau dans les films suivants, aussi bons soient-ils.

 

1997

L.A. Confidential de Curtis Hanson

L'adaptation était impossible et Curtis Hanson et Brian Halgeland l'ont réussi. Ils ont su conserver la complexité et la densité d'un récit Ellroyien tortueux tout en tenant le cahier des charges d'une production hollywoodienne de standing.. Encore un de ces films qu'on ne voit pas venir -pas de Friedkin ni de Mann aux commandes- et qui vous clouent sur votre siège... La rencontre improbable entre des personnalités qui décuplent leur talent au contact d'un script, d'un sujet, d'un acteur: un beau pied de nez à la théorie des auteurs. Classique instantané.

 

 

 

1998

Boogie Nights de Paul Thomas Anderson  

 La "porn version" des Affranchis, en quelque sorte. On  retrouve la maestria et la fluidité d'un récit qui traverse les décennies avec aisance et toujours beaucoup d'attention porté à tous les rôles, y compris les plus petits. L'image nostalgique de l'industrie du porno familial basculant dans l'usine à fric et silicone dans les 80s est peut-être trop idéaliste , mais le film, avec ses écarts vers le thriller parano ou la franche comédie, fonctionne à plein régime et conserve une belle unité. Et c'est aussi le dernier grand rôle en date de l'immense Burt Reynolds !

 

1999

Seul Contre Tous de Gaspard Noé  

Un film fait lui aussi seul contre tous, avec l'aide inestimable du service des programmes courts de Canal qui sont des gens précieux (qui m'ont beaucoup aidé moi aussi d'ailleurs!). Gaspard Noé oublie la provoc gratuite et les postures branchouilles qu'on a pu lui connaître (ou qu'on lui connaitra) et dresse un portrait implacable d'un lumpenprolétaire à la dérive dans une banlieue suffocante, avec une hargne qui ne fait aucun prisonnier. Un coup de maître. 

 

2000

Man On The Moon de Milos Forman 

Un drôle de film inattendu, poétique et décalé, sur un personnage insaisissable dont la folie douce semble irriguer la mise en scène de Forman, qu'on a connu plus traditionnel. L'écriture de Scott Alexander et Larry Karaszewski (génies du biopic déjà consacrés avec Ed Wood et Larry Flint, maintenant aux commandes de la formidable série The People VS OJ Simpson)  est d'une grande subtilité, évitant tous les pièges du sujet, maniant l'émotion sans jamais se complaire dans la guimauve hollywoodienne. Et il y a Jim Carrey, immense: Il incarne le mystère du personnage dans ce qui sera probablement le rôle de sa vie.

 

2001

Time and Tide de Tsui Hark

J'ai toujours été fan de Tsui Hark et après quelques très grands films dans les années 90 (Il Etait Une Fois En Chine 1 & 2, The Blade) et un passage hollywoodien psychotronique, Time And Tide était (avec Legend Of Zu que j'affectionne aussi) son grand retour aux affaires! Un film d'action super inventif, plein de vitalité, habité par des personnages émouvants et avant tout une déclaration d'amour à Hong Kong, superbement filmée.

 

 

2002

La Chute Du Faucon Noir de Ridley Scott

Les récits d'échecs militaires sont rares dans le cinéma américain, et inexistants chez le pourvoyeur de guimauve et de pyrotechnie Jerry Bruckheimer. Il aura fallu Ridley Scott et un best seller pour faire un grand film de la débâcle américaine à Mogadiscio. On pourra mégoter sur le traitement "héroïque" des personnages de soldats, j'y vois pour ma part plus l'évocation simple d'hommes qui luttent pour leur survie. Le traitement hyper physique du combat est époustouflant et Scott ne fait aucune concession sur l'âpreté de l'ensemble. 

 

 

2003

Sympathy For Mister Vengeance de Park Chan Wook

Découvert au marché du film de Cannes cette année-là dans une salle à moitié vide, un choc. Une magnifique mise en scène, fluide et élégante, totalement dégraissée, pour le récit implacable d'une plongée dans la violence, incontrôlable, aux conséquences désastreuse. Kidnapping, trafic d'organes, groupe terroriste: la Corée du Sud telle qu'elle est dépeinte fait froid dans le dos... Le film est d'autant plus terrifiant qu'on a de l'empathie pour tous les personnages, multi-dimensionnels, engagés volontaires ou non dans une spirale destructrice. Film noir ultime.

 

2004

Old Boy de Park Chan Wook

Difficile de faire plus mieux que d'enchaîner Sympathy For Mister Vengeance et Old Boy coup sur coup... Park Chan Wook avait "the Midas Touch" à ce moment-là. Il n'a pas retrouvé de tels sommets depuis, mais la vie est longue. Encore un grand film noir épique, quasiment mélo, beau à en pleurer... Et porté par un immense comédien, Chow Min Sik. Comme avec Sympathy..., on est sans cesse surpris par les déviations et les virages en épingles à cheveu du récit et toujours intrigué par les idées de mise en scène et les ruptures de ton... C'est un film à la fois très inspiré et très émouvant, avec en plus une bande originale vraiment puissante.

 

2005

A History Of Violence de David Cronenberg 

C’était le très beau retour de Cronenberg au genre que ce thriller ligne claire porté magnifiquement par le duo Viggo Mortensen/Maria Bello, superbes de crédibilité et d'humanité. On sent la pureté scénaristique et les thématiques morales propres au western tout au long du film. La sècheresse et le hiératisme de la mise en scène renouent avec une vision classique du genre, qui ne tombe jamais dans l'académisme pour autant...

 

History of violence

 

2006

Vol 93 de Paul Greengrass

Même si les récentes révélations concernant l’Arabie Saoudite et ses services secrets laissent penser qu’il faudra beaucoup de temps pour appréhender dans leur globalité les événements du 11 septembre, le film de Paul Greengrass m'a scotché. Vol 93 dépeint une situation de film catastrophe en évitant tout les clichés de cinéma Hollywoodien, sans chercher l'émotion ou l'identification à coups de ficelles narratives ou d'effets de mise en scène. Greengrass colle au plus près du drame et nous fait vivre l'enfer. Son film est d'une force brute et inouïe, prenant aux tripes.

 

2007

Zodiac de David Fincher

Le meilleur film de Fincher pour moi. J'ai toujours été passionné par l'histoire des crimes du Zodiaque, une des plus énigmatiques qui soient et j'avais lu plusieurs fois le livre de Graysmith. Fincher s'attaque à cette montagne de faits et de pistes à travers un film fleuve qui traverse les années et les périodes et nous montre comment l'obsession dévore les existences...

Totalement brillante sans jamais être ostentatoire, la mise en scène est au service de cette idée force et les acteurs sont tous excellents, avec mention spéciale au trop rare (au cinéma) Anthony Edwards et au toujours génial Robert Downey Jr.

 

 

 

 

2008

The Dark Knight de Chris Nolan

Ou quand le feu vert d'un studio et la vision d'un grand cinéaste se rencontrent pour créer un immense succés populaire, d'autant plus étonnant quand on considère la noirceur du film, son ton franchement adulte et son refus du matraquage sensoriel propre à beaucoup de blockbusters. Si Batman Begins m'avait laissé un peu sur ma faim, The Dark Knight fait lui littéralement décoller la franchise et retrouve l'aspect film noir du comic book et la nature sociopathe du personnage, en se rapprochant au final plus de Heat que de Spider-Man

 

2009

Watchmen de Zack Snyder

N'ayant pas aimé 300 et étant fan de la BD, j'y allais avec méfiance. J'avais tort. Le film tient son pari d'adapter l'inadaptable et de retranscrire fidèlement la densité de l'oeuvre de Moore et Gibbons. On pourra toujours ergoter sur tel choix musical discutable ou telle petite coquetterie de mise en scène, mais l'essentiel pour moi reste que Snyder a gravi la montagne sans contourner ses arètes ou détourner les yeux, assumant la noirceur et la violence de l’œuvre originelle. Le foisonnement de personnages et de thèmes encourage plusieurs visions, d’autant qu’il existe différentes versions du film.

 

Photo Le Hiboux

 

2010

The Social Network de David Fincher

Typiquement le genre de film qui me tente moyennement sur le papier et qui emporte le morceau. Fincher poursuit son travail de « dégraissage » formel entamé avec Zodiac et éclaire les zones d’ombre du parcours d’un semi-autiste génial mais pas nécessairement exemplaire, Marc Zuckerberg. . À la fois biopic et film de procès, le film ne joue jamais la sécurité et entraîne le spectateur vers des questionnements adultes et intelligents. On souhaiterait que la législation française offre une telle marge de liberté pour traiter de personnes réelles, ça favoriserait moins les hagiographies

 

2011

Harry Brown de Daniel Barber

Grand film sous-estimé. Je parie sur une réévaluation d’ici vingt ans. Cette histoire de paisible retraité anglais devenant vengeur implacable m’a bouleversé. Le genre du vigilante movie est assumé jusqu’au bout alors que l’écriture très adulte et l’élégance de la réalisation transcendent le genre pur pour développer une vision de la solitude et du vieillissement dans une banlieue grise. Silhouette noire marchant d’un pas déterminé vers son désir de mort, Michael Caine trouve un de ses meilleurs rôles, ce qui n’est pas peu dire.

 

 

 

2012

Margin Call de J.C. Chandor

J’attends toujours un mauvais film de J.C Chandor mais depuis ce foudroyant début, c’est un sans faute. Passionnante plongée dans une catastrophe économique –celle du krach de 2008- tout en annonçant d’autres à venir encore plus dévastatrices, le film dessine un vertigineux portrait de la finance folle comme pilote sans brevet de l’économie mondiale et surtout, du destin des simples citoyens.

L’extrême rigueur de la mise en scène nourrit la tension permanente et l’angoisse sourde du film, porté par un casting de premier ordre, où tout le monde est à son meilleur, y compris certains qu’on avait un peu perdu de vue comme Jeremy Irons ou Demi Moore.

 

2013

Cartel de Ridley Scott

Encore un de ces films qui sera réévalué en son temps comme a pu l’être récemment dans un genre différent Showgirls de Paul Verhoeven. Ridley Scott est versatile, insaisissable, n’a pas vraiment la carte « auteur » (ou du moins l’a perdu) et le film n’a pas pris tant auprès de la critique que du public. Pour moi, c’est le meilleur de son auteur depuis Blade Runner. Thriller métaphysique parano et film d’horreur, Cartel (même si je préfère le titre original The Counselor) plonge ses personnages dans le cauchemar et dans l’envers de leur existence de jouisseurs inconséquents ou de gravures de modes aseptisées. L’écriture et le dialogue de Mc Carthy sont brillants, superbement servis par un Scott au regard implacable –n’hésitant pas à frayer avec le surréel et le fantastique- et des acteurs formidables, notamment Cameron Diaz, terrifiante en créature carnivore. Un film important.

 

2014

The Rover de David Michod

J’avais déjà beaucoup aimé Animal Kingdom, précédent film de David Michod. Celui-ci, encore plus abouti, est passé relativement inaperçu malgré une sélection à Cannes et la présence de Robert Pattinson (excellent au demeurant). The Rover est un western contemporain dans un monde en totale déliquescence sociale où chacun essaie de survivre, seul ou en micro-communauté, dans les grands espaces du désert australien. L’homme sans nom de l’histoire –magnétique Guy Pearce- a un secret et une vengeance à exécuter. Et rien ne pourra l’arrêter. Tous les éléments du western sont là et David Michod en joue avec intelligence, respectant les règles tout en les tordant et en sachant ménager des surprises. Hors mode et hors temps –ce qui peut expliquer son échec commercial- le film va sacrément bien vieillir, c’est certain !

 

The Rover

 

2015

Mad Max: Fury Road de George Miller

Je ne ferai pas dans l’originalité pour l’année 2015. George Miller sortant de son silence et reprenant sa création mythique redéfinit le blockbuster en nous montrant ce qu’il n’aurait jamais du cesser d’être. La simple existence de ce film rare fait se rendre compte à quel point l’engloutissement d’Hollywood par toujours plus d’executives issus d’écoles de commerce a entrainé le système vers des tréfonds qualitatifs. Tabula rasa pour Miller : sur un fil très simple de poursuite incessante (encore un western !), il brode des variations flamboyantes avec l’assurance et la générosité d’un raconteur d’histoire rôdé et malin. Le spectacle est total, les images ont une force primitive imparable : on est un gamin allant au cinéma pour la première fois.

Cascade

 

2016

Comancheria de David McKenzie

J’ai l’impression de ne pas sortir du western avec ces derniers choix. On imagine volontiers que David McKenzie est un fan du genre. Il parvient à en faire un vrai de vrai dans un contexte contemporain, une Amérique des petites villes d’un Texas ravagé par la crise économique. Jeff Bridges est épatant en Texas Ranger dur-à-cuire tout comme Ben Foster et Chris Pine en frères hors-la-loi au grand cœur. L’affrontement des deux camps ne peut que se résoudre dramatiquement mais pour autant, Mckenzie sait détourner les archétypes et dénouer son histoire dans un anti-climax particulièrement émouvant. Une balle au cœur.

 

Jeff Bridges

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commentaires
stivostine
08/04/2017 à 04:21

un sans faute sauf pour NY97 :
J'aime aussi beaucoup la séquelle faite bien plus tard et souvent très méprisée : elle n'a pas l'extrême rigueur du film original, mais en conserve l'esprit et le ton.

ohhhhh nooooooon

oscar
07/04/2017 à 19:46

Tres bel exercice
Merci !

Charles
07/04/2017 à 18:08

Par contre c'est Choi Min Sik et pas Chow

postman
07/04/2017 à 16:58

Putain, mais c'est moi que vous avez interrogé ou quoi ?
Tout pareil (ou presque) .

Ichabod
07/04/2017 à 16:19

Un homme de goût !