Je ne suis pas un Salaud : portrait du mystérieux Nicolas Duvauchelle

Sophie Sthul | 24 février 2016 - MAJ : 09/03/2021 15:58
Sophie Sthul | 24 février 2016 - MAJ : 09/03/2021 15:58

Prochainement à l’affiche de Je ne suis pas un Salaud, Nicolas Duvauchelle est un des comédiens français les plus connus de sa génération, l’un des plus appréciés du public. Il est aussi l’un des plus mystérieux.

Dans Je ne suis pas un Salaud, le comédien apporte une rage sourde, électrique, qui irrigue littéralement le film. Si l’artiste n’en n’est pas à sa première composition "habitée" ou à son premier rôle d’écorché, il a déployé en presque 20 ans de carrière une mosaïque de caractères disparates et de performance intrigantes.

 

Science-Friction

Dans Je ne suis pas un Salaud, il prête ses traits à Eddie, homme submergé par les frustrations, que la colère et la peur de son impuissance menacent à chaque instant de balayer. Allumette sur le point de s’embraser, voilà à priori l’image qui définit le mieux les personnages auxquels l’acteur donne vie avec un immense talent.

C’est cette énergie fascinante, orageuse, qui accroche instantanément le spectateur dans le film d’Emmanuel Finkiel. Gageons qu’elle n’était pas non plus étrangère au succès de Braquo ou sa présence dans le thriller Secret d’Etat. Mais si cette violence en creux guette souvent les (anti)héros qu’il interprète, l’artiste descend d’une lignée créative plus complexe, plus sensible aussi.

Je en suis pas un salaud

 

Post-Dewaere

La violence qui exsude parfois de ses compositions, son regard dur ou son corps tatoué évoquent instantanément une gamme d’acteurs physiques, cette typologie de boxeur, interprète idéal de petites frappes, qu’on lui colle souvent.

Mais sa physionomie trompe, ou se trompe. S’il fallait chercher un moule, un modèle, ce serait peut-être plutôt du côté d’un Dewaere que l’on trouverait signe d’une filiation créative. Pour saisir la vulnérabilité, l’explosion sensible qui guette toujours chez Duvauchelle, il faut se rappeler ce que disait de lui Antony Cordier, réalisateur de Happy Few.

Nicolas DUvauchelle

« Je pense qu’il est d’abord un corps fragile, un corps frêle et blond qui s’est protégé et modifié avec la boxe et la seconde peau des tatouages. »

Une ambivalence que l’on sentait dès 1999, où il impressionnait dans son premier rôle, dans Le Petit voleur, d’Erick Zoncka. Et de cette faille béante, sorte de grand écart entre un incendie impossible à contenir et une douceur s’interdisant de se déployer, jaillit un comédien protéiforme.

 

Feu Secret

C’est qu’en dépit de son image persistante de beau-gosse taiseux, d’ours mal lêché, Nicolas Duvauchelle demeure un compositeur inclassable. Une qualité extrêmement rare dans un paysage hexagonal où la production a tendance enfermer très rapidement ses talents dans des cases, les condamnant à rapidement se brûler à force de répétition.

Ce n’est pas pour rien que dans Je ne suis pas un Salaud, Duvauchelle irradie autant dans les séquences intimistes, lors de ses brèves éruptions colériques, ou lors des longs plans silencieux, où son personnage semble scruter sa propre dérive. C’est justement parce qu’on aurait bien du mal à dénicher le « vrai » Duvauchelle.

Nicolas DUvauchelle

Ecrivain mystérieux dans Les yeux de sa Mère, bourgeois décadent dans Hell, flic au cuir tanné dans Polisse… ses personnages, semblables et toujours différents sont finalement autant de lignes musicales d’un canon, tantôt explosif, tantôt dissonant.

Et c’est là sans doute la plus belle qualité du comédien, qu’il offre ici pleinement au film de Finkiel : déployer des visages multiples et pourtant toujours commun, la déclinaison d’une humanité contrariée, mais totalement universelle dans la difficulté qu’elle ressent au contact du monde.

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