Gérardmer 2014 : Jour 1

Simon Riaux | 30 janvier 2014
Simon Riaux | 30 janvier 2014

La 21ème édition du Festival international du Film Fantastique de Gérardmer s'est ouverte le mercredi 29 janvier 2013, sous les meilleures auspices qui soient, à savoir une programmation variée et agressive, accompagnée d'un public volontaire et dévoué, entrecoupée de fromage fondu et d'alcool patiemment distillé, sans oublier un encombrant nounours et une tripotée de perruques fluorescentes. Récit de nos premières vingt-quatre heures dans les Vosges, garanties sans affabulation.

 

 

Un Festival classique s'ouvre toujours sur les discours catatoniques des huiles locales, traditionnel moment de sidération où l'on entendrait les mouches voler sans une passionaria du Conseil Général, bien décidée à soutenir le discours plein d'esprit de son édile préféré. Un Festival International du Film Fantastique a cela de particulier qu'il est suivi d'une présentation du jury qui vaut son pesant d'or (ou de Gin Fizz, mais là n'est pas la question). Cette édition fut en effet l'occasion de voir intronisé Président du jury un « enfant du Festival », Jan Kounen, dont le premier court-métrage fut jadis sacré en ces lieux, qui devait revenir quelques années plus tard officier comme juré, avant de se voir aujourd'hui chargé de la noble tâche de présider à la 21ème itération du plus célèbre Festival du genre en France.

Son bref et vivifiant discours introductif fut l'occasion de revenir sur la riche histoire de Gérardmer ainsi que sur les mythiques prédécesseurs de Kounen (Argento, Walter Hill...), mais aussi d'apprendre que Béatrice Dalle avait été retenue loin des Vosges, suite à une « malencontreuse attaque de zombie ». C'est aussi cela Gérardmer. Le danger.

Après cette plaisante entrée en matière, il était temps de retrouver le film d'ouverture, l'américano-hispanique Mindscape. Autant l'avouer, on s'y rendait comme on emmène la vache au taureau, soit avec de menues appréhensions, le long-métrage inaugural étant rarement le meilleur de la semaine, puisque logiquement calibré pour pouvoir être diffusé devant un public et une audience plus hétéroclites que lors du cœur du Festival. Quelle ne fut donc pas notre surprise en découvrant un film plus qu'honnête, au rythme et à la distribution de très bonne tenue, malgré d'évidents manquements scénaristiques. L'ensemble manquait certes un peu de caractère, de cohérence et de radicalité, mais retrouver Mark Strong dans un premier rôle qui n'exige pas de lui de jouer les bad boys taiseux au sein d'un métrage de science-fiction suffit amplement à notre bonheur.

Bonheur qui n'était encore qu'embryonnaire, puisque nous n'avions pas encore fait connaissance avec de spectaculaires festivaliers, qui devaient débarquer quelques heures plus tard dans les salons du Grand Hôtel, dans des accoutrements que n'auraient pas renié un Patrick Sébastien sous kétamine. Des photos de cet événement existent et circuleraient actuellement sous le manteau des réseaux sociaux, ce qui n'en doutons pas achèvera de consacrer l'absolu professionnalisme de la Team EL.

 

 

 

Quarante-deux minutes de sommeil et un petit coup de défibrillateur plus tard, votre serviteur ne se rendit pas en direction de Dark Touch, le nouveau film de Marina De Van. Parce qu'il l'avait déjà vu et était donc parfaitement au courant des belles qualités de l'œuvre. Malgré une conclusion en deçà de l'ensemble et des irrégularités entamant le rythme du récit, le film s'avère souvent fascinant, quand il n'explose pas au visage du spectateur à coup de rupture de ton violentes, impactantes et sèches. On vous recommande donc de vous plonger dans l'histoire de Neve, enfant accompagnée de sombres puissances aux conséquences ravageuses.

Après quoi vint l'heure de passer aux choses sérieuses, à savoir les interviews de Jan Kounen et Roxane Mesquida. Deux discussions libres et rafraîchissantes, avec deux emblèmes de ce que peuvent être aujourd'hui des parcours éclectiques et personnels. Sachez que nous avons abordé avec le réalisateur de Dobermann un projet qui l'occupe de longue date et pourrait s'avérer un des plus ambitieux du cinéma français à moyen terme : l'adaptation de La Horde du Contrevent, d'Alain Damasio. Ce dernier étant également présent en tant que juré et travaillant parallèlement à un second projet avec le cinéaste, nous comptons bien vous en dire un peu plus sur les prochaines aventures d'un des réalisateurs les plus atypiques sous nos latitudes.

 

 

 

Et parce que travailler c'est bien, mais tailler le bout de gras avec de superbes comédiennes talentueuses et qui dévorent l'écran chez Dupieux, Chapiron ou encore Dupieux, c'est mieux, on a ensuite discuté avec Roxane Mesquida. À nouveau, vous pourrez retrouver tout au long de la semaine des échantillons de nos échanges fructueux. Sachez tout de même, lecteurs de bon goût, que Roxane a particulièrement aimé Le Loup de Wall Street (l'auteur de ces lignes verse d'amères larmes de désolation à la simple évocation de cette nouvelle qui interrompit le flot éthylique de ses synapses avec la violence d'un contrôle fiscal), qu'elle nous a parlé de ses collaborations avec Catherine Breillat, de leurs conséquences, positives comme négatives et notamment des différences de perception de ses travaux des deux côtés de l'Atlantique.

Vint le temps de découvrir Rigor Mortis, tant il est vrai qu'un journaliste qui feint de se respecter ne peut rester très longtemps loin des sales obscures, ou même des salles de cinéma. Divine surprise itou que ce premier film de Juno Mak, produit par Shimizu, cruelle et délirante histoire de vampires, de fantômes et de voisinage conflictuel. Avec son intrigue extrêmement dense, ses scènes d'action inattendues mais d'une vivacité et d'une fulgurance plastique remarquable, le film s'impose comme l'une des premières sensations de Gérardmer en dépit d'un épilogue superflu, ou de quelques errances photographiques et numériques. On ne sait trop quand vous aurez la possibilité de découvrir ce métrage aussi généreux, humain et émouvant qu'éprouvant, mais il est vivement conseillé à tous ceux qui souhaitent changer d'air filmique de se ruer sur cette œuvre inclassable.

 

 

 

Il est l'heure de manger. De boire également, car à l'instant où ces lignes sont rédigées, votre serviteur et ses petits copains ont vilement abandonné Christophe Lemaire dans un fumoir aux prises avec les plaisantins qui, quelques heures plus tôt, firent naître en nous de troubles émois à la vue de leurs costumes d'ours et de leurs tutus bariolés. Bref, il est temps de se remettre en selle et de venir à la rescousse des copains. À demain pour de nouvelles aventures et de nouveaux entretiens avec rien moins que Kim Chapiron et Alain Damasio ainsi qu'une nouvelle fournée de films qu'on espère brûlante. Bonjour chez vous, comme disait l'autre.

Newsletter Ecranlarge
Recevez chaque jour les news, critiques et dossiers essentiels d'Écran Large.
Vous aimerez aussi
commentaires
Aucun commentaire.