Top flop des séries au cinéma

Simon Riaux | 8 juin 2012
Simon Riaux | 8 juin 2012
Une des lubies des producteurs, studios et chaînes de télévision est régulièrement de venir capitaliser sur le succès des productions du petit écran. 21 Jump Street en est un parfait exemple, et révèle malgré ses atours de plaisir coupable les évidentes limites de l'exercice. Il va sans dire que le succès d'une série est intimement lié à son format, son écriture, et peut-être plus encore son époque. D'où le syllogisme absolu de leur adaptation cinématographique, le plus souvent des années après leur diffusion, c'est ce dont témoignera ce dossier où nous revenons sur quelques décennies de transpositions absurdes, foireuses, mercantiles et complètement à côté de la plaque.



Aeon Flux, de Karyn Kusama, 2006

Ou comment accoucher d'un des films les plus laids de tous les temps. Aeon Flux devrait rester dans les mémoires comme la plus illustre abomination sortie de l'esprit de ces directeurs artistiques et producteurs cuits dans le vin californien et les excitants vasodilatateurs, où des images de synthèse très loin d'être maîtrisées règnent en maîtres. Cet échec cuisant aura eu pour effet de permettre de réévaluer positivement la série animée éponyme de Peter Chung, pas aussi culte qu'on a bien voulu le dire à l'époque, mais qui ne méritait sans doute pas cet outrage terminal. Au moins aura-t-on appris avec sidération que pour se planter si fort, Charlize Theron doit finalement être humaine.

 

 

Scooby Doo, de Raja Gosnell, 2002

Ce sont généralement nos madeleines de Proust, ces souvenirs d'enfance que nous chérissons collectivement, qu'Hollywood semble éprouver une joie malsaine à violer sauvagement. Notre toutou préféré et ses maîtres déjantés se font ici prendre sans pitié par une logique purement mercantile, à coup de graviers, voire de verre pilé. La troupe de doux dingues détectives se mue en un casting d'hystéros shootés au mauvais goût le plus gras qui soit, et le film d'enfiler les bonasses désincarnées en lieu et place du charme suranné des personnages originaux. Sarah Michelle Gellar, Linda Cardellini et Pamela Anderson piétinent gaiement la mémoire de plusieurs générations, accompagnées d'un insupportable toutou en images de synthèse. Un sacrilège, tout simplement.

 

 

Les Chevaliers du ciel, de Gérard Pirès, 2005

C'est bien beau de vouloir emballer un spot d'une heure et demie pour l'armée de l'air, mais encore faudrait-il s'inquiéter d'autre chose que des rares séquences mettant en scène les magnifiques avions de chasse que notre beau pays est à peu près incapable de vendre à ses voisins. Parce qu'en l'état, les chevaliers du titre sont en totale roue libre, interprétés par Clovis Cornillac et Benoît Magimel, visiblement fatigués, et plus proches de sympathiques bouchers-charcutiers que d'une quelconque forme d'héroïsme. On retiendra l'éjection en vol d'Alice Taglioni, étonnamment symbolique, et où l'on se dit qu'effectivement, ses petits copains auraient été inspirés de prendre la tangente avec elle. Effet pervers plutôt hilarant : le film aligne tellement d'invraisemblances et de perles qu'au lieu de faire la publicité de la Grande Muette, il ferait passer nos bidasses pour un grotesque ramassis d'abrutis phallocrates.

 

Le Saint, de Phillip Noyce, 1997

Quand on adapte une série dont l'aura ne tenait qu'au charme de dandy british un poil décadent de Roger Moore, la question du casting est primordiale. La réponse de Noyce ne pouvait que s'avérer décevante, puisqu'il jeta son dévolu sur Val Kilmer, qui venait de souiller Batman et l'Île du Dr Moreau. Si le comédien ne trimbalait pas encore son encombrante bedaine, son cruel manque de charisme et un dilettantisme franchement inapproprié au film firent des ravages, que le talent et le charme d'Elizabeth Shue ne surent dissiper. L'intrigue fait elle aussi bien pâle figure, coincée entre une amourette exsangue et une prolongation inutile de la Guerre Froide. Déjà daté lors de sa sortie, Le Saint fait aujourd'hui figure de triste navet, même pas assez loupé pour être drôle. Reste ce sentiment rassurant lors du visionnage, celui de constater une fois encore qu'il est des recettes qui resteront à jamais inaccessibles à Hollywood et ses nababs.


Chapeau Melon et Bottes de Cuir, de Jeremiah S. Chechik, 1998

Le programme dont ne s'inspire que vaguement cette sinistre pantalonnade était le fruit d'une combinaison d'éléments quasiment impossible à reproduite sur commande. Des acteurs en apesanteur, un sens du décalage maintes fois copié depuis, une utilisation intelligente d'un budget réduit, et une incarnation que seul le Doctor Who sut égaler du flegme britannique, autant de subtils mécanismes que le premier tâcheron venu ne saurait recréer. D'où une réalisation passe partout, une écriture qui confond débilité et non sense british, un casting qui pédale dans la semoule (auquel un Sean Connery en mal de cachet donnerait presque des airs prémonitoires de Ligue des Gentlement extraordinaires...), et un étalage obscène d'effets spéciaux sensés anesthésier le spectateur peu regardant. On devrait se souvenir longtemps de l'hideuse campagne d'affichage, qui annonçait à elle seule la qualité du bousin, plus proche du sacrifice rituel que de l'hommage tant espéré.

 

Absolument fabuleux, de Gabriel Aghion, 2001

Pour vous donner une idée de l'étendue du désastre, imaginez ce qu'engendrerait une adaptation par Brett Ratner de notre Plus Belle la vie nationale. Les français ayant déjà largement démontré leur incapacité à adapter les séries hexagonales, il était urgent que l'un d'entre nous salopasse sans pitié aucune un des fleurons de l'humour anglais, ce que Gabriel Aghion s'est empressé de faire. Preuve que parler du mauvais goût et en faire preuve sont deux choses radicalement différentes, on est sidéré devant l'absolue nullité de ce truc informe, où pataugent Josiane Balasko et Nathalie Baye, qui ont rangé talent et dignité au vestiaire pour l'occasion. On peut ressentir une certaine fascination pour le pire, de celle qui pousse nos contemporains à ralentir pour admirer un accident autoroutier. C'est à peu de choses près ce dont relève le visionnage de cet OVNI gerbant, dont les tentatives d'établir un mètre étalon du nanar à chaque scène finissent par fasciner.

 

Wild Wild West, de Barry Sonenfeld, 1999

Rarement le cynisme aura atteint de telles proportions. À bien y repenser, il n'est pas interdit d'être pris de spasmes nerveux tant cette relecture des Mystères de l'Ouest est absurde et motivée uniquement par une inextinguible soif de pognon. La série, certes rigolarde, se transforme en un blockbuster maousse (quelques 170 millions de dollars de budget, ce n'est pas rien en 1999 !), truffé de gags et d'allusions débiles, pour former un buddy movie souffreteux, Kenneth Branagh (vous savez, le type supposé conférer à Thor une aura Shakespearienne...) vient déjà y cachetonner comme un malpropre, tandis qu'une batterie de CGI hors sujet est chargée de dynamiser un récit anémique. Saupoudrez le tout d'un petit tube de l'été concocté par l'acteur principal, alors popstar au fait de sa gloire, et vous obtiendrez la recette d'un des projets les plus boursouflés et opportunistes qui soit. Tout simplement affligeant.

 

Sex And the city, de Michael Patrick King, 2008

Après une première saison inventive et presque subversive, Sex and the City s'était peu à peu mué en l'exact contraire de ce que la série entendait être, à savoir un ramassis d'anecdotes plus ou moins pertinentes qui ramenait gentiment ses personnages au carcan dont elle prétendait les extraire. Venu bien après l'arrêt des festivités, le long-métrage vient entériner cet état de fait, tandis que des dizaines de shows ont depuis intégré la donne induite par ce girls band d'un genre nouveau. Résultat : plus de deux heures d'abominable fan service, de caricature de ce qui fit la force de la série, tandis qu'une bande de quadras pathétique s'adonne aux joies du shopping décérébré et du placement de produit sauvage. Mais le pire dans tout ça, c'est que le numéro 2 allait exploser les frontières de l'ignominie établies par cette première excrétion. 

 

Belphégor, le fantôme du Louvre de Jean-Paul Salomé, 2001

Avant de saloper Arsène Lupin, Jean-Paul Salomé se fit la main sur une autre figure historique de la fiction française, le malheureux Belphégor. Si notre beau pays peut se targuer dès lors qu'il est question de cinéma de genre à gros budget d'avoir donné naissance à quelques remarquables horreurs, Belphégor devrait demeurer pour quelques siècles encore le maître étalon de l'abomination. Entre son casting dont tous les membres se demandent ce qu'ils fichent ici, ses effets spéciaux “autres“, son scénario schizophrène et sa momie débile, on n'arrive pas à comprendre ce qui a pu motiver un tel projet. Même les tentatives américaines les plus cupides ont toujours su ménager un semblant d'intrigue, offrir au spectateur un ersatz d'identification, ici, à part les fesses de Sophie Marceau, on ne voit pas bien ce qui motive l'entreprise.

 

 

X-files : Regéneration de Chris Carter, 2008

Contre toute attente, la transposition effectuée par Bowman (X-files le film en 1998), si elle ne brille pas par son utilité ou sa pertinence, s'avère une resucée efficace des thématiques et personnages de la série, quand la boursoufflure réalisée par le showrunner Carter acheva de cantonner Mulder et Scully aux limbes des œuvres inachevées. Son statut d'outsider de l'été 2008 autorisait pourtant tous les fantasmes et aurait pu permettre à cette création aussi brillante que durement marqué par les années de renaître, ou tout du moins de s'imposer comme le précurseur référentiel que beaucoup ont trop vite oublié. Occasion totalement loupée donc, puisque la chose ne parvient même pas à se hisser au niveau des moins bons épisodes des dernières saisons. On regrettera d'autant plus cet échec que X-Files semblait à tout niveau l'une des séries dont l'univers était le plus adapté au grand écran.

 

 

 

 

 

 

 

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