BIFFF 2012 - récit & bilan

Patrick Antona | 25 avril 2011
Patrick Antona | 25 avril 2011

Le 19 avril 2011 s'est terminée la 29° Edition du BIFFF alias Brussels International Fantastic Film Festival. Cette manifestation, qui allie exhaustivité d'une sélection internationale du cinéma fantastique (on y aborde autant la SF, le Gore que la Fantasy) à une ambiance décontractée et bon enfant, s'est enrichie cette année d'une section Thriller, venant s'ajouter à la Compétition Internationale, la Compétition Européenne et la Catégorie Orbit (...de cheval comme l'aimait à le rappeler un des publics les plus vivants qui soit).   

 

Malgré le fait que certains des films présentés n'étaient plus des exclusivités pour les infatigables globe-trotters d'EL (Bedevilled, J'ai rencontré le Diable, Troll Hunter, The Ward) voire déjà sortis sur les écrans hexagonaux (Captifs, Mutants), il est toujours bon de juger de l'impact de certains film à l'aune d'une année qui s'annonce comme riche en espérances mais tout aussi en dangers pour le genre que nous défendons sur notre media.

 

 
  Enzo G. Castellari    
 Renny Harlin et un fan

 

L'autre particularité du BIFFF, et cette fois-ci encore pleinement respectée, est de proposer des rencontres avec des invités de renom, réalisateurs, comédiens et producteurs, sous forme de Q&A (quand ils ne sont pas obligés de pousser la chansonnette lors de la présentation de leurs bébés sur grand écran !) ou de les croiser de manière informelle dans les allées du Festival pour un simple échange ou le temps d'une photo.

 

Cette année, ce n'est pas moins que John Landis, Renny Harlin, Alex de la Iglesia, Thimothy Spall, Enzo G. Castellari, Jake West, Simon Boswell et d'autres qui, entre présence honorifique et jury officiel, sont venus jouer complètement le jeu, la palme revenant à l'équipe japonaise de la compagnie Sushi Typhoon, Yoshinori Chiba et Yoshihiro Nishimura en tête, n'hésitant pas à venir sur scène en tenue de ninja ou vêtus d'un simple pagne de sumo ! Fous rires et délires garantis pour un public qui est plus que friand de ce genre de performance !

 

Avec plus de 60 longs métrages proposés entre le 7 et le 19 avril, l'obligation de participer au Bal des Vampires célébré le dernier week-end du Festival et l'attraction que suscite un bar toujours bien garni, le temps a été bien juste pour saisir l'ensemble de la sélection mais néanmoins correcte pour dresser un panorama faisant ressortir révélations, confirmations et déceptions.

 

Parmi les films qui ont marqué les esprits, autant dans le public que le jury, la palme revient au coréen J'ai rencontré le Diable de Kim Jee-Woon, duel ultra-violent et ambigüe entre un serial-killer retors (Choi Min Sik) et l'infatigable agent secret attaché à sa perte (Lee Byung-hun) que l'on vous recommande chaudement pour sa sortie prévue le 6 Juillet. Autre perle venue d'Asie, le somptueux chambara de Takeshi Miike, 13 Assassins, remake furieux d'un classique des 60's, a quelque peu surpris un public qui s'attendait à moins d'orthodoxie de la part du réalisateur japonais à qui l'on doit Dead or Alive ou Ichi the Killer mais réussit à mettre tout le monde d'accord avec un final dantesque de plus de 35 minutes d'action non-stop ! Autre routier des précédents festivals de Sitges et de Gérardmer, le norvégien Troll Hunter, rejeton tout à fait estimable de Blair Witch Project et de Cloverfield, tire son épingle du jeu par son ton bonhomme et ses créatures impressionnantes. Symptomatique de la nouvelle vague du film de super-héros réaliste et ambivalent, le Super réalisé par  James Gunn (Horribilis)  est une véritable surprise pour ceux qui s'attendait à une simple resucée de Kick-Ass. Surfant sur la même thématique du super-hero-with-no-power, cette production indépendante réussit à se démarquer par son ton doux-amer et une véritable réflexion sur la portée des actes héroïques, même les plus idiots, et permet de confirmer le talent exceptionnel d'Ellen Page, à mille lieues de Juno et cela fait du bien !

 

Débarquant en force avec quatre films, plus deux co-productions, les Frenchies ont réussi à tirer leur épingle du jeu avec La Proie d'Eric Valette, venu pour l'occasion accompagné de la charmante Caterina Murino, et La Traque (ex-Proies) et ses sangliers mutants, défendue par son réalisateur Antoine Blossier et ses comédiens Grégoire Colin et François Levantal. Le Q&A tardif de ce dernier film demeure d'ailleurs un des souvenirs les plus « savoureux » de cette édition du BIFFF. Issue de l'imagination fertile et tortueuse des ex-journalistes et scénaristes Laurent Courtiaud et Julien Carbon, le thriller horrifique Les Nuits rouges du bourreau de Jade a dérouté par son intrigue faiblarde mais marqué les esprits par ses séquences de supplices chinois intenses, au grotesque assumé. Produit en Norvège mais réalisé par les nouveaux venus César Ducasse et Mathieu Peteul, l'étrange Dark Souls n'arrive pas à dépasser les prémisses d'un pitch alléchant, alliant invasion de zombies et danger industriel, mais qui vire à l'amateurisme complet dans sa dernière partie.

 


 Julien Carbon    
   Laurent Courtiaud

 


Dans le rayon des bonnes surprises, on peut ranger le vampire new-age Midnight Son qui réussit là où Abel Ferrara et son The Addiction échouait, en jouant plus la carte de l'intime que de la pose faussement « arty ». Nouvel avatar du thriller viral, l'argentin Fase 7 est une fable cruelle et plutôt juste sur la paranoïa qui contamine les occupants d'un immeuble subissant les affres d'une pandémie globale. L'espagnol Kidnapped  de Miguel Ángel Vivas a certes séduit par la qualité de sa mise en scène (illustrée par sept plans-séquences d'une fluidité impeccable) mais a laissé sur leur faim ceux qui attendaient un choc à la mesure d'un Funny Games, auquel il est souvent comparé à tort. Reflétant plus le tempérament ibère, le drame Neon Flesh de Paco Cabezas réussit à dépasser le simple cadre de la peinture colorée (limite « tarantinesque ») du milieu de la prostitution pour proposer une vision inédite des rapports hommes/femmes de la société espagnole. Représentant le Maroc, Mirages de Talal Selhami est un huis-clos étouffant dont la particularité est de se passer dans le désert ! Même si ce premier film souffre des défauts inhérents du fait des limites de son budget, l'ambiance et la qualité de son interprétation permette de suivre avec intérêt ce qui peut être vu comme une parabole sur les tiraillements d'une société arabe en pleine mutation.

 


 
      Antoine Blossier          Talal Selhami  

                                                                                                   

 

On peut passer brièvement sur le corrects et peu inventif Wake Wood, produit du revival de la Hammer mais dont l'inspiration est plus à chercher du côté de Stephen King que de Terence Fisher, ainsi que sur le coréen Best Seller qui brasse diverses influences allant du Cercle infernal au 6°  Sens de Shyamalan, et ne garder aucun souvenir positif du peu passionnant Stake Land (malgré l'avis dithyrambique de notre rédacteur en chef adoré) ainsi que de Luster, énième variation sur le trauma Jekyll/Hyde. Le constat peut être plus sévère pour les productions venus de l'ex-empire soviétique comme le kazakh Strayed et l'ukrainien The Rejection, les deux films partageant des intrigues très « twilight zone » et dans leurs déroulements et dans leurs conclusions mais qui auraient gagnés à être plus tenues et moins lentes pour ne pas décourager le spectateur ou le critique prompt à défendre le fantastique sans frontière. Plus maitrisé, le zombie-flick allemand Rammbock, dans la veine de [Rec] mais qui n'a pas à rougir de la comparaison, aurait bien mérité au contraire un développement plus long , les 64 minutes du premier long de Marvin Kren laissant un peu sur notre faim.

 

 
            Jake West          
 Renny Harlin

 

 

Super-stars des séances de minuit, les productions du studio Sushi Typhoon comme Helldriver, Horny House of Horror ou Alien vs. Ninja ont fait le bonheur des spectateurs noctambules avides de beautés nippones expertes dans l'art de trancher sec du fantôme, du zombie, de l'alien ou les trois à la fois mais il est vrai que le côté répétitif et foutraque de ces œuvrettes donne furieusement envie de se servir de l'avance rapide de la télécommande dont malheureusement, les officiels du BIFFF ne nous ont pas pourvus. En revanche, le délirant Milocrorze avec sa structure de films à sketch s'est révélé plus séduisant et distrayant, même s'il n'atteignait pas les sommets comiques d'un Symbol, déjà vu en festival l'année dernière et malheureusement non encore distribué dans nos contrées.

 

Parmi les déceptions, on peut aussi citer le Burke & Hare (Cadavres à la Pelle en VF) de John Landis, qui revient au cinéma après douze ans d'absence. Comédie noire se basant sur les véritables « exploits » des récupérateurs de cadavres qui ont donné matière aux chefs d'œuvre que sont The Body Snatcher de Robert Wise ou L'Impasse sanglante de John Gilling, le film est d'une platitude absolue où même les acteurs chevronnées que sont Simon Pegg et Andy Serkis semblent à côté de la plaque. Mais l'important résidait plus dans la présence de l'auteur des Blues Brothers et du Loup-garou de Londres dans un festival qui en a fait membre honoraire de la Confrérie du Corbeau et qui a ravi le public belge avec sa faconde et le récit de multiples anecdotes. Tout aussi prolixe, Renny Harlin, autre guest de choix, est revenu sans détour sur ses expériences passées, entre fierté et regrets, tout en gardant vivace son envie de cinéma et nous a gratifié du récit comique de son projet avorté avec Chuck Norris !

 

C'est pour cette promiscuité avec les auteurs de cinéma, et pour d'autres raisons encore, comme de la disponibilité et de la prévenance des officiels et bénévoles du Festival, que la fin du BIFFF se vit comme un crève-cœur où l'on se sent vite étreint d'un lourd parfum de nostalgie. Mais rendez-vous est déjà pris pour 2012, avec une 30° édition pleine de promesses et qui saura, on espère, encore nous combler.

 

 

Bilan du BIFFF 2011 :

Prix du jury International (Corbeau d'Or) à J'ai rencontré le Diable de Kim Ji Woon.

Prix spécial du jury (Corbeau d'Argent) ex aequo à Midnight Son de Scott Leberecht et  Détective Dee et le mystère de la flamme fantôme de Tsui Hark.

Prix du Jury Européen (Mélies d'Argent) à Transfer de Damir Lukacevic plus une mention spéciale à The Troll Hunter d'André Øvredal pour son ‘apport scientifique déterminant dans la connaissance des Trolls' !

Prix du Public (Pégase) à Rare Exports - Un conte de Noël de Jalmari Helander.

Prix du 7e Orbit à The Temptation of St. Tony de Veiko Ounpuu avec une mention spéciale à Mirages de Talal Selhami.

Prix du meilleur Thriller à Territoires de Olivier Abbou avec une mention spéciale à Kidnapped de Miguel Ángel Vivas pour la qualité de sa réalisation.

 

Remerciements à Freddy, Jonathan, Marie-France, Youssef, Candice, Katia et tous les autres !

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