Paul Greengrass et la révolution du film d'action

Eric Provot | 13 avril 2010
Eric Provot | 13 avril 2010

Dans les années 90, John McTiernan avait imposé un style au film d'action. Mais le roi McT est tombé, il faut donc lui trouver un successeur. Quelqu'un avec un style remarquable qui influencerait les autres de manière incroyable. Et cette personne pourrait bien être Paul Greengrass. Alors que sort son Green Zone, un petit retour sur la carrière du réalisateur s'impose. Rien ne le promettait à un avenir dans le cinéma d'action. Il a pris un chemin détourné pour y arriver. Il commence ainsi sa carrière de réalisateur loin de la fiction. Il travaille pour le programme World in action, où il réalise des documentaires. Une expérience qui se retrouvera dans sa carrirèe et sa mise en scène. Il coécrit également le livre Spycatcher avec Peter Wright, qui a failli être censuré par le gouvernement britannique. Mais cette oeuvre souligne déjà une obsession, très journalistique, chez Paul Greengrass : rapporter les faits.

Son passage à la fiction se fait à l'aube des années 90. Et la réalité lui colle à la peau. Les téléfilms qu'il réalise sont toujours plus ou moins politiques et souvent basés sur un fait réel. Open fire  revient ainsi sur un fait divers qui a scandaleisé le Royaume-Uni (un policier tue un suspect qui s'avère être innocent) et The one that got away traite de l'action de l'armée anglaise durant la guerre du Golfe. D'autres films de la sorte rythme cette décennie.

Le réalisateur n'a pourtant encore jamais mis les pieds dans le cinéma. C'est chose faite en 1998 avec la réalisation du film Envole Moi (rien à voir avec Jean-Jacques Goldman) avec Kenneth Brannagh et Helena Bonham-Carter. Encore une fois, le film aborde un thème fort : la sclérose en plaque.  Paul Greengrass vit dans son époque, regarde ce qui se passe dans le monde autour de lui et veut en parler.

Une démarche qu'il pousse encore plus loin avec son film suivant, Bloody Sunday.  Le film narre la journée du dimanche 30 janvier en Irlande du Nord quand une marche pacifique pour l'égalité entre catholiques et protestants se transforme en émeute. Treize personnes sont tuées par l'armée. Avec ce film, le style Greegrass s'impose vraiment. Un style documentaire avec caméra à l'épaule. Paul Greengrass atteint un degré de réalisme et d'immersion important, voire unique. Il ne se porte pas comme juge mais rapporter juste le fait, l'action. Le cinéma devient alors chez lui, un moyen, un instrument td'une efficacité redoutable. Les critiques et les festivals ne s'y trompent d'ailleurs pas. Il remporte le premier prix à Berlin en 2002, qu'il partage avec Le Voyage de Chihiro. Assez ironiquement, le jury ne saura choisir entre le style très réaliste de Paul Greengrass et le rêve éveillé du studio Ghibli.

Bloody Sunday est le tremplin parfait pour le réalisateur anglais. Mais la mise en orbite se fera avec La Mort dans la peau en 2004. Il est engagé pour diriger le deuxième épisode de pérégrinations amnésiques de Jason Bourne.  Il importe alors son style documentaire au film d'action. Les caméras sont portées à l'épaule, les décadrages intempestifs fréquents et le montage donne une fluidité et uen force à l'ensemble. Le spectateur a ainsi toujours l'impression d'être collé aux basques du héros, qu'il ait une simple conversation ou qu'il se lance dans une course-poursuite. Il redefinit vraiment, avec son monteur et son chef des cascades, la manière d'appréhender l'action, non plus à grand spectacle mais à brut de décoffrage. Le nouveau James Bond en prendra d'ailleurs de la graine. La mort dans la peau est un énorme succès et remporte 280 millions de dollars de recettes mondiales. Après la reconnaissance critique, Paul Greengrass a enfin la reconnaissance du public. Il pousse son concept de mise en scène, et en espace, dans ses derniers retranchements avec le troisième épisode de la trilogie Bourne, La Vengeance dans la peau, qui tient plus du shot d'adrénaline en intraveineuse que du pur film d'action. En effet, l'action  devient le moteur de l'histoire, d'ailleurs quelle histoire ? Les accoudoirs des fauteuils de cinéma s'en souviennent encore, et bien heureusement, le box-office aussi.  

Avec le projet Vol 93 en 2006, Paul Greengrass revient à un film plus proche de ce qu'il a fait avec Bloody Sunday : un évènement historique récent traité caméra à l'épaule. Cette fois, il se penche sur l'histoire du vol United Airlines 93 dont les passagers se sont révoltés contre les terroristes lors du 11-Septembre faisant ainsi crasher l'avion en plein milieu d'un champ. Encore une fois, la pate de Greengrass fait son effet, que ce soit à l'intérieur de l'avion avec les passagers ou dans la tour de contrôle avec les aiguilleurs. Paul Greegrass ne rapporte que les faits, évitant de tomber dans le larmoyant et le patriotisme comme le fera quelques mois plus tard World Trade Center d'Oliver Stone. Il évite même la vision manichéenne habituelle du terroriste.

Avec la sortie de Green Zone,  le réalisateur tente le mélange des genres, de l'Action et de l'Histoire, du ludique et du politique, l'expérience du divertissement intelligent. Une somme de sa décennie cinéma en quelque sorte. Peut-être que cette nouvelle décennie va marquer pour lui une évolution. On parle de lui pour réaliser le remake du Voyage fantastique. Mais ce sera après qu'il ait réalisé They marched into sunlight,  sur des destins croisés un jour d'octobre 1967 pendant la guerre du Vietman, dans les tranchées et sur les campus. On ne se refait pas, on le refait pas. 

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