Top science-fiction n°16 : Mad Max 2

Patrick Antona | 2 décembre 2009
Patrick Antona | 2 décembre 2009

Pour lancer le compte à rebours avant l'évènement Avatar qui sortira sur nos écrans le 16 décembre prochain, la rédaction d'Ecran Large a remis le bleu de chauffe et a recommencé à se plonger dans une classement impossible.

Après vous avoir proposé notre classement des 31 meilleurs films d'horreur dans l'histoire du cinéma, nous avons opté pour l'univers de la science-fiction et ainsi d'élire ce qui sont pour nous les 31 meilleurs films du genre. La règle de ne pas avoir plus d'un film par cinéaste ne s'applique pas ici (c'était au dessus de nos forces pour certains réalisateurs).

La seule règle que l'on a décidé d'appliquer (et qui sera critiquable comme beaucoup de règles) : un film qui était déjà dans notre classement de l'horreur ne pouvait pas réapparaître dans ce nouveau classement.  14 membres de la rédaction ont donc été invités à envoyer leur liste de leurs 70 films préférés.

A partir de ces listes, on n'a gardé que les films cités plusieurs fois par chacun d'entre nous. On a alors resoumis la liste finale à un vote pour obtenir le classement final que nous allons vous faire découvrir quotidiennement jusqu'au 16 décembre 2009 qui révèlera le numéro 1 de la rédaction.

Un éclairage par jour durant 31 jours sur des incontournables du cinéma de science-fiction.  Et en guest star pour commenter nos choix, on retrouve Vincenzo Natali, le réalisateur de Cube, Cypher, Nothing et du très attendu Splice, étant un parfait ambassadeur du futur de la science-fiction au cinéma.

 

 

16 - Mad Max 2, le défi (1982) de George Miller

 

Vincenzo Natali : De tous les films de cette liste, je crois que celui-ci présente la description la plus crédible de notre futur. Il sera primitif, régressif et motivé par une quête sans fin de l'essence. Quel film prophétique/mythique/d'action absolument brillant ! Et même s'il s'inspire d'un film comme Apocalypse 2024 et de quelques autres, il demeure la vision définitive d'un monde post-apocalyptique. Un chef-d'œuvre.

Vincent Julé :

Du bruit, du sang et de la fureur... George Miller a fait de la série B (pour bestial, bourrin, bonheur) tout un art !  

Sandy Gillet :

Bestial, cynique et nihiliste... Que du bonheur renouvelé à chaque nouvelle vision.

Jean-Noël Nicolau :

Vrooom-vrooom bang-bang et crash. Tout le nécessaire pour obtenir l'un des films d'action les plus stylisés et efficaces que l'on puisse imaginer.  

Laurent Pécha

L'une des rares suites qui peut regarder son modèle, pourtant déjà énorme, dans les yeux. A l'image d'un final dantesque et anthologique.  

 

Les années 70 ont vu l'éclosion de toute une flopée de cinéastes venus du continent australien et qui ont insufflé un souffle nouveau au genre fantastique, alliant l'onirisme à une forme de barbarie qui tranchait alors avec la production anglaise et américaine. Des réalisateurs comme Peter Weir (Les voitures qui ont mangé Paris, Picnic à Hanging Rock), Richard Franklin (Patrick), Colin Eggleston (Long Weekend) ou Simon Wincer (Harlequin) ont ainsi ouvert la voie à toute une vague de cinéastes qui, de Russell Mulcahy à John Hillcoat, n'ont cessé de proposer des œuvres audacieuses et parfois dérangeantes. Mais c'est surtout l'avènement de George Miller en 1979 qui a le plus marqué les esprits des cinéphiles avec un premier film qui l'a fait immédiatement entré dans la légende, le vrombissant Mad Max.

 

 

Cette basique histoire de vengeance, dans un monde en pleine décadence, voit Mel Gibson (alors âgé de 21 ans) en policier de la route se muant en vigilante traquant impitoyablement, au volant de son Interceptor au moteur en V, la bande de motards responsable de la perte de sa famille. Confinant son récit à l'épure, fragmenté en séquences d'action choc dynamisées par une caméra toujours mobile, George Miller impose son style explosif  qui fait de Mad Max un classique instantané. Avec à la clé le plus gros succès du cinéma australien en date, George Miller continue sur sa lancée, produisant et assurant la seconde équipe sur Réaction en chaîne de Ian Barry, où sa patte est décelable dans les séquences de poursuite, puis décide de donner une suite à son coup de maître. Le pari sera largement gagné, car Mad Max 2 (titré aussi The Road Warrior) se révèlera non seulement supérieur à son modèle, mais sera à la base de la redéfinition profonde du genre de la SF post-apocalyptique.

 

 

Dans Mad Max, George Miller était volontairement resté évasif sur les raisons de la déliquescence de la société australienne et de la sauvagerie régnant sur ses routes, le spectateur d'alors devinant que la crise énergétique suite aux deux chocs pétroliers y étaient sûrement pour quelque chose. Pour la suite, il décide de suivre Max comme voyageur solitaire dans un monde qui a définitivement basculé dans la barbarie après une 3° Guerre Mondiale et dont l'unique moyen de survivance et d'échange reste le pétrole, devenue une denrée rare et ô combien recherchée.

Assisté de Terry Hayes au scénario, George Miller adopte la structure du western et du film de samouraï pour narrer les aventures du taciturne Max sur les autoroutes de l'Australie en ruines. Le succès du premier volet, tant au niveau national qu'international (sauf en France où il faudra attendre l'avènement des socialistes au pouvoir pour que le film soit distribué), permet au réalisateur de disposer du plus gros budget jamais alloué en Australie, l'équivalent de dix fois de celui du film original. Une grande partie du financement passera dans la conception de plus de 80 véhicules, au look périmé et terni par le temps, ainsi que dans l'érection du plateau principal, la station de pompage où réside le dernier embryon de société humaine, assiégé par les hordes de punk du futur. Vedette mécanique inaliénable au succès du premier film, la Ford Interceptor V8 (et non une Mustang)  fait son grand retour, accompagnée ici par un camion-citerne transformé en véritable monstre de la route. Tout juste libéré du tournage du film de guerre Gallipoli, réalisé par Peter Weir, Mel Gibson rendosse le cuir, certes élimé, de Max avec bonheur et rejoint l'équipe de Kennedy-Miller Productions dans l'outback australien, dans la région de Galles du Sud où le tournage s'étalera sur plus de trois mois, de mai à juillet 1981, en pleine période hivernale pour l'hémisphère sud. Les conditions de froid rendront certaines journées de shooting particulièrement pénibles pour les acteurs aux tenues visiblement réduites au strict nécessaire, sacrifiant au look post-apocalyptique matinée de sado-maso de rigueur.

 

 

Embauchant la fine fleur des cascadeurs « aussie » dont certains étaient déjà de l'épopée précédente, George Miller élabore une série de poursuites hallucinantes, de la première séquence qui voit la rencontre de Max avec la tribu des motards destroy jusqu'à la climatique chasse finale où tous les véhicules de barbares se porteront à l'assaut du tanker. Avec en tête les classiques tels que Le Mécano de la Générale de Buster Keaton ou La Chevauchée Fantastique de John Ford, George Miller fait de ses scènes des sommets du genre, véritable festival de métal hurlant au  découpage très influencé par les comics-book, et servi par un montage brillant. Poussés dans leurs retranchements, certains des cascadeurs assureront plus que de raison, deux de leurs camarades étant sérieusement blessés pendant le tournage, l'un des accidents étant conservé dans le montage final !

 

 

Même si la figure de Max devient encore plus iconique dans ce film, et assure à Mel Gibson un statut définitif de star, George Miller l'entoure de solides seconds rôles qui sont pour beaucoup dans la réussite et la persistance du film dans les mémoires. Du côté des bons, Bruce Spence campe un excentrique pilote d' autogyre qui se révèlera être une aide non négligeable dans la lutte contre les barbares de la route, alors que le rôle du garçon muet au boomerang d'acier incombe au tout jeune Emil Minty qui, pour sa première apparition au cinéma, gagnera une éphémère renommée mondiale. La relation qui se noue petit à petit entre le sauvageon et le solitaire Max permet de préserver ce brin d'humanité qui était encore ténu au début du métrage et apporte au film un rouage dramatique essentiel. Dans la tenue blanche d'amazone au regard d'acier, la blonde Virginia Hey a longtemps occupé les fantasmes des spectateurs mâles à l'époque et a connu un regain de célébrité dans les années 2000 grâce à la série Farscape.

 

 

Mais les personnages les plus inventifs et les plus mémorables demeurent la tribu des punks psychotiques du futur, au look exotique et visiblement fétichiste, dont le mode de vie dépeint rappelle ceux d'indiens des plaines, comme dans un bon vieux western de série B. Comparable à la micro-société qu'ils assiègent, dans le sens qu'ils demeurent attachés au culte de la mécanique automobile et moto et cherchant par tous les moyens de s'accaparer l'essence nécessaire à leur pérennité, ils sont les descendants dégénérés et encore plus pervers des tueurs que Max avait décimés dans Mad Max. Haranguant ses troupes tel un dictateur fasciste et trônant sur son imposant véhicule tel un boucanier sur son vaisseau, Humungus, incarné par l'entraîneur sportif Kjell Nilsson, suédois d'origine, a rejoint la cohorte des méchants masqués aux côtés de Dark Vador ou Jason, son look aux attributs nazis demeurant un des plus impressionnants qui soit. Mais le film sera aussi la révélation de l'incroyable talent de Vernon Wells, alias « Wez l'Iroquois », qui réussit presque à voler la vedette à Mel Gibson et qui par la suite entamera une glorieuse carrière de bad guy qui le verra se confronter avec talent à Arnold Schwarzenegger dans Commando ou Dennis Quaid dans L'Aventure Intérieure. Définitivement marqué par son rôle de biker psychotique, s'autoparodiant dans Une créature de rêve, il est toujours extrêmement actif, éclusant de nombreuses séries B, à l'instar d'un Jeffrey Combs qui lui aussi fut marqué par un premier rôle marquant.

 

 

Après le tournage des dernières séquences d'importance à la fin du mois de Juillet, celle de la poursuite infernale finale et de la destruction de la raffinerie, George Miller ne met pas plus de quatre mois avec son équipe de monteurs pour peaufiner son métrage, une record, alors que le compositeur Brian May (disparu en 1997) élabore un des scores qui est devenu une référence dans le cinéma d'action, musique à la fois pulsionnelle et épique. Le film sort sur les écrans australiens en décembre 1981 puis en 1982 partout dans le monde où ils cassent la baraque. Aux USA, il est retitré The Road Warrior, le premier volet ayant été distribué sous un nombre trop limité d'écrans pour déclencher un quelque engouement. Mais le public américain répondra présent, le film faisant un score au box-office équivalent à Blade Runner, et la critique lui attribuant de nombreux prix à la cérémonie des Saturn Awards.

 

 

Mais par son style imparable et son sens de l'action non-stop, ainsi que par la caractérisation outrée de ses personnages, tempérée par un humour à la limite de la parodie qui tranche avec l'ultra-violence affichée, Mad Max 2 est devenu un film mythologique et une référence essentielle dans la veine post-apocalyptique, et celui qui sera le plus copié, avec le New York 1997 de John Carpenter. Dans les mois qui suivent sa diffusion en Europe, la production transalpine se lance dans la confection de copies en série qui font maintenant le délice des soirées vidéos nostalgiques. En l'espace de trois ans, le filon s'épuisant avant que les rip-offs de Terminator et de Predator ne prennent la suite, les salles de cinéma de quartier seront abreuvés de Guerriers du Bronx, de Nouveaux Barbares, d'Exterminateurs de l'An 3000 et autres Gladiateurs du Futur qui ne cesseront de proposer des clones de Mel Gibson aux pseudonymes bien improbables. Mais le cinéma hollywoodien ne sera pas en reste non plus, dès 1982, la New Line  mettra en chantier Le Camion de la Mort, pour Charles Band toujours prêt à surfer sur les succès en vogue, ce sera Metalstorm et Ivan Reitman assurera la promotion du Guerrier de l'Espace avec un Peter Strauss au look plus que Madmaxien. Et plus près de nous, des sagas comme celles de Terminator ou de Matrix doivent beaucoup au chef d'œuvre de George Miller, film séminal qui ne cesse de se bonifier avec le temps.

 

 

Il est à regretter que la destinée de Max le fou sur les routes désolées du futur se soit égarée sur une troisième aventure en 1985 qui évoque plus un Indiana Jones que la fureur barbare de ces précédentes exploits. La moulinette hollywoodienne ayant passablement affadi le personnage qui se voit ravaler au rang du Joueur de flûte de Hamelin pour Mad Max : au-delà du dôme du Tonnerre. Reste comme une erreur de parcours pour George Miller dont la carrière a connu par la suite des hauts et des bas. Si le glorieux interprète du Guerrier de la Route est devenu maintenant une star incontournable (malgré une passage à vide ces dernières années vu le côté parfois limite du personnage), le réalisateur est enfin revenu à son sommet grâce au succès du film d'animation Happy Feet et aurait les coudées franches pour relancer la saga. Si une première tentative s'était révélée vaine en 2001, annulation suite aux conséquences des attentats du 11 septembre, les rumeurs sur un nouveau volet (voir un reboot ?) se font de plus en plus précises pour 2010. Titré Fury Road, ce nouveau Mad Max se passerait de la présence de Mel Gibson, beaucoup trop vieux pour le rôle, mais se révèle être bien excitant au niveau du casting annoncé, à savoir Tom « Bronson » Hardy aux côtés de Charlize Theron. Il ne reste plus qu'à espérer que George Miller renoue avec la virtuosité et l'absence de concession qu'il avait manifesté sur les deux  premiers volets. Faîtes vrombir les moteurs et chauffer les pneus en attendant le retour de l'Australien Fou sur la route, en espérant que ce ne soit pas à nouveau un ersatz. 

 

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