Top science-fiction n°19 : E.T., l'extra-terrestre

Florent Kretz | 28 novembre 2009
Florent Kretz | 28 novembre 2009

Pour lancer le compte à rebours avant l'évènement Avatar qui sortira sur nos écrans le 16 décembre prochain, la rédaction d'Ecran Large a remis le bleu de chauffe et a recommencé à se plonger dans une classement impossible. Après vous avoir proposé notre classement des 31 meilleurs films d'horreur dans l'histoire du cinéma, nous avons opté pour l'univers de la science-fiction et ainsi d'élire ce qui sont pour nous les 31 meilleurs films du genre. La règle de ne pas avoir plus d'un film par cinéaste ne s'applique pas ici (c'était au dessus de nos forces pour certains réalisateurs). La seule règle que l'on a décidé d'appliquer (et qui sera critiquable comme beaucoup de règles) : un film qui était déjà dans notre classement de l'horreur ne pouvait pas réapparaître dans ce nouveau classement.  14 membres de la rédaction ont donc été invités à envoyer leur liste de leurs 70 films préférés. A partir de ces listes, on n'a gardé que les films cités plusieurs fois par chacun d'entre nous. On a alors resoumis la liste finale à un vote pour obtenir le classement final que nous allons vous faire découvrir quotidiennement jusqu'au 16 décembre 2009 qui révèlera le numéro 1 de la rédaction. Un éclairage par jour durant 31 jours sur des incontournables du cinéma de science-fiction.  Et en guest star pour commenter nos choix, on retrouve Vincenzo Natali, le réalisateur de Cube, Cypher, Nothing et du très attendu Splice, étant un parfait ambassadeur du futur de la science-fiction au cinéma.

 

19- E.T., l'extra-terrestre (1982) de Steven Spielberg

Vincenzo Natali : La qualité et la profondeur de ce film ont été éclipées par son succès. C'est de la magie absolue capturée sur pellicule. Les mômes sont tout à fait naturels et crédibles. En fait, tout le film est un reflet parfait du point de vue d'un enfant sur le monde. Il est intéressant de noter que Spielberg voulait d'abord faire d'E.T. un film d'horreur (du nom de Night Skies), qui est, j'en suis convaincu, la source d'inspiration de M. Night Shyamalan pour Signes. Dans tous les cas Spielberg a fait le bon choix, parce que la beauté et la tristesse de ce film ont rarement été égalées.

Florent Kretz :   

Le Cinéma a été inventé pour des films comme E.T.! 

Ilan Ferry :   

L'un des plus beaux films sur l'enfance et l'amitié ou quand une conte de SF se transforme en madeleine de Proust.

Laurent Pécha :

Découvrir E.T. à 10 ans sur un immense écran et devenir amoureux du cinéma pour l'éternité. Extraordinaire !

 

 

 

Reconnaissons le d'emblée: un film tel que celui-ci n'a pas sa place dans ce classement! Ni dans aucun autre d'ailleurs! E.T. l'extra-terrestre est une œuvre à part, un joyau éternel et universel, une prouesse enchanteresse et somptueuse qui résume et réinvente à elle seule l'ensemble de l'histoire du cinéma. D'ailleurs, on pourrait même penser que si le cinéma, en tant qu'art populaire, a été inventé, c'est essentiellement pour offrir la possibilité au spectateur de découvrir, savourer et surtout partager d'authentiques monuments de pure magie, moments finalement assez rares mais qu'incarne à la perfection le film de Spielberg. Magistral et sincère, le chef d'œuvre jusqu'ici inégalé se fait fi de tous jugements, brassant allègrement nostalgie, innocence et merveilleux et flirtant assurément avec la subtile naïveté de l'enfance. Figure légendaire et mythique, berceau de l'émotion première et évidente cure de jouvence, E.T. l'extra-terrestre, au-delà de ses allures de fable urbaine à la frontière de la science-fiction, est surtout une exceptionnelle parabole pacifiste prônant rêve et espoir comme monnaies, solidarité comme valeurs et amour comme langage universel. Mais cette bouleversante aventure ayant fait chavirer les cœurs de toutes les générations n'avait pourtant pas cette ambition à l'origine! Bien au contraire...

 

 

 

 

Au début des années 80, Steven Spielberg est l'une des valeurs montantes de Hollywood. Présenté aux téléspectateurs américains grâce à Duel, repéré pour son émouvant road-movie Sugarland Express, célébré pour Les dents de la mer, auréolé pour ses Rencontres du troisième type, il est l'un des jeunes réalisateurs les plus appréciés du public et ce malgré son seul relatif faux pas correspondant à l'inattendu et délirant 1941. Son prochain film, Les Aventuriers de l'arche perdue, devrait d'ailleurs le remettre à nouveau sous les projecteurs, sa collaboration avec le cultissime George Lucas étant attendue comme l'évènement suprême de 81. Et s'il est totalement acquis à la cause de cette aventure à l'intense parfum de revival pulp, il garde sous le coude quelques autres envies. L'une d'entre elle est justement d'offrir une réponse à son Rencontres du troisième type, le réalisateur, ufologue accompli, souhaitant divulguer dans une seconde partie les relations que laissait présager son film de 77. Mais il aspire à surprendre et envisage tout d'abord cet épisode sous forme de bataille fantastique et rurale: il s'agirait des péripéties d'une famille agricole recluse dans sa grange et affrontant les assauts d'une escouade extra-terrestre, idée qui trouve ses premiers balbutiements dans la rédaction d'un scénario -Night skies- du futur réalisateur John Sayles (Lone star).

 

 

 

 

Un premier jet qui ne convient pas du tout à Spielberg qui s'arme alors de la plume de Melissa Mathison, scénariste de L'étalon noir et épouse de l'acteur Harison Ford. Profitant des temps morts et des heures creuses du tournage des premières aventures d'Indiana Jones, le réalisateur confie son idée à la jeune femme venue soutenir son Ian Solo de mari et qui lui suggère une variation du thème de manière plus légère. Ils abandonnent alors le sujet de la confrontation que le metteur en scène retranscrit dans les quelques pages d'une autre histoire, Poltergeist, conte horrifique sensé représenter la face obscure d'un diptyque consacré aux croyances urbaines. C'est décidé, le scénario de E.T. and me, malgré ses encombrants atours d'amitié intersidérale, sera le film le plus personnel du réalisateur qui se délivre de quelques souvenirs douloureux: rebaptisé pour l'occasion A boy's life, le texte s'inspire de la propre vie de Spielberg qui dévoile ainsi le drame que représentait le divorce de ses parents, ses recherches d'amis, ses passions secrètes et ses craintes du monde adulte. Une confession pensée comme une madeleine de Proust et pour laquelle craque littéralement la Columbia qui s'empresse d'en acquérir les droits: quelques années plus tôt, en 67, les studios avaient tenté sans succès de mettre en chantier The Alien, une aventure de S.F. ayant pour vedettes Peter Sellers et Marlon Brando. Désireux de prendre une revanche, ils développaient depuis quelques temps l'envie de mettre en chantier un projet du même ordre.

 

 

 

 

Aussi la Columbia permet à Spielberg de croire un peu plus à son rêve. Enfin dans une certaine mesure puisque quelques mois plus tard, il rejette le script lui préférant un autre, Starman. Convaincus que ce dernier possède un potentiel plus ambitieux, ils libèrent les auteurs de A boy's life: Spielberg négocie avec la concurrence, Universal, et obtient de réaliser son film sitôt Les Aventuriers de l'arche perdue bouclé. Pour dix millions de dollars, un peu plus de la moitié du budget de son précédent film, E.T. l'extra-terrestre offrira tout le confort au réalisateur qui compte bien appréhender son projet avec de vrais partis pris de mise en scène, quitte à imposer des règles de tournage: si le film sera intégralement tourné dans l'ordre chronologique pour mieux capter les émotions de ses jeunes comédiens (l'ensemble du casting est composé de mineurs) et qu‘il y a des dogmes à respecter (parler de l‘alien non pas comme une chose mais comme une plante, entre autre), il décide que l'ensemble des prises de vues sera à la hauteur des yeux d'un enfant. Hormis celui de la mère, il refuse aussi catégoriquement de filmer les visages adultes avant le dernier chapitre du film pour conserver et transmettre ses propres sensations enfantines. Fort de sa démarche, il ira même par accepter une apparition de Harison Ford mais uniquement de dos: son personnage, le rôle du proviseur du collège, sera supprimé tout comme la séquence qui sera très rapidement coupée au montage. Et Spielberg ira même encore plus loin. Bien qu'il ait maintes fois dirigés des mômes (l'enfance étant une de ses thématiques absolues et ce même dans ses films les plus adultes), il reste conscient qu'un métrage reposant entièrement sur eux peut être un sacré risque: il organise la conception du personnage principal (l'extra-terrestre) de telle manière qu'il existe physiquement et moralement sur le plateau. Inspiré par le savant Einstein, l'écrivain Sandbung et par le faciès d'un chat, la bestiole prendra plusieurs formes durant les prises: marionnettes, nains costumés, le réalisateur donne même sa voix à la chose (redoublée plus tard par Pat Welsh), le but étant de la rendre vivante aux yeux des jeunes comédiens.

 

 

 

 

Ces derniers bien que parfaitement aguerris aux tournages n'y voient que du feu: E.T. devient l'un des leurs et est au centre de toutes les attentions. De jeunes acteurs doués mais aussi extrêmement sensibles! Henry Thomas, dix ans, avait été embauché par Spielberg suite à un essai plutôt remarquable: tandis qu'on lui demandait de jouer la tristesse, il avait repensé au décès de son chien, s'effondrant en pleurs et tirant ainsi la larme au réalisateur! Tout comme la gamine Drew Barrymore, de quatre ans sa cadette, et qui avait été appelée suite à ses performances dans le Au-delà du réel de Ken Russel: Spielberg lui offre le rôle de la petite Gertie initialement destinée à la toute juvénile Juliette Lewis. Tandis que les personnages de Elliot -l'alter égo de Spielberg-, de son frère (Robert MacNaughton) et de sa sœur sont trouvés, on offre à Shelley Long le rôle de la mère mais qui hélas refuse: elle vient d'accepter de participer au prochain film de Ron Howard, petit protégé de George Lucas. Prise par le très oubliable Les croque-morts en folie, elle libère donc la place à la toute fraiche Dee Wallace, actrice essentiellement télévisuelle s'étant faite remarquée sur grand écran grâce à La colline a des yeux de Craven et au Hurlements de Joe Dante: la jeune femme trouvera dans le personnage de Mary le rôle d'une vie, incarnant immédiatement pour beaucoup d'enfants des années 80 la mère idéale et acquérant une image dont elle ne parviendra jamais à se débarrasser (même quand elle se donnera du mal comme dans Cujo)!     

 

 

 

 

Complété par le jeune C. Thomas Howell et par Peter Coyote dans les rôles respectifs de l'ami Tyler et du terrible scientifique « Keys », le casting participe donc à un tournage de folie, les prises étant ponctuées par les cours obligatoires donnés par une institutrice embauchée pour l'occasion et les délires de Spielberg désireux de conserver une bonne ambiance: pour Halloween, il ordonne par exemple que toute l'équipe soit costumée, lui-même étant grimé en vieille femme! Un tournage très doux et agréable jusqu'au moment fatidique: lors de la dernière séquence, il organise véritablement le départ de l'extra-terrestre et réclame à ce qu'il soit tourné en un minimum de prises! Conscient qu'ils ne reverront plus jamais la créature, tous s'effondrent en larmes: Spielberg ne s'y était pas trompé puisque l'émotion sera telle que la séquence marquera indélébilement le public qui reconnaitra dans cette conclusion l'une des plus bouleversantes séquences qu'il soit. Une séquence pourtant bien différente des premiers essais du réalisateur et remontée pour une raison bien particulière: comme à son habitude, il a confié la composition musicale à son ami John Williams qui vient de signer coup sur coup une série de bandes originales les plus monstrueuses qui aient été faites. Et bien que définie et réalisée comme une œuvre plus intimiste, Williams conduira une orchestration certes moins grandiloquente mais à la puissance émotionnelle rare: retourné par la grâce et la magie qui s'échappent des notes, Spielberg remonte la séquence pour l'adapter à la partition !

 

 

 

 

Une partition qui fera mouche instantanément à l'instar du film qui ratissera tout sur son passage. Lors de sa première projection en clôture du festival de Cannes, il est présenté de manière anonyme: une standing ovation se fait et la réputation monumentale nait alors !  La E.T. mania est lancée: le président Reagan réclame que Spielberg vienne en personne lui présenter son film à la Maison Blanche! Micheal Jackson, alors qu'on lui a refusé une chanson pour la bande son, devient obsédé par le film au point de s'offrir quelques unes des marionnettes et de se faire peindre avec! E.T. devient une référence et quelques associations humanitaires se développent sur son nom... Le succès est tel qu'il faut répondre aux attentes du public qui, soudain, devient totalement compulsif ! Rencontres du troisième type ressort pour combler les ardeurs et Spielberg dicte même au romancier William Kotzwinkle la suite des aventures du gentil extra-terrestre: La planète verte, une petite aventure bluette se déroulant sur une planète lointaine, offre aux lecteurs les retrouvailles de Elliot et de son ami... Mais elle ne convient pas et Spielberg, pourtant occupé à monter sa maison de production Amblin, réfléchit à une véritable séquelle : Noctural fears contera le retour de E.T. venant secourir Elliot d'une attaque de vils aliens... Heureusement, il se ravisera se servant de l'aura mystique que lui confèrera le film pour développer quelques projets plus pertinents. Et que reste-t-il de E.T. l'extra-terrestre aujourd'hui ? C'est bien simple, même si le film aura eu le droit à une de ces fameuses édition spéciale truffée de talkies walkies numériques et de raccords virtuels dénaturant ainsi sa fraicheur, le nouveau montage permettra de constater à quel point le rapport du film et du public est étroit: aujourd'hui encore, il reste l'un des chefs d'œuvre les plus aimés de tous les temps et subsiste dans le cœur de tous comme un trésor sublime. Et ça, E.T. nous l'avait bien dit lorsqu'il nous sifflait de sa voix rauque « I'll be right here » !

 

FLORENT KRETZ       

 

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