Monsters vs Aliens : la 3D va envahir le monde

Marjolaine Gout | 21 novembre 2008
Marjolaine Gout | 21 novembre 2008

Il est loin et révolu le temps de la multiplane de Ub Iwerks, créant une profondeur de champ et ainsi un effet tridimensionnel, sur les premiers cartoons de Walt Disney...les derniers films de DreamWorks sonnent le glas de cette époque en réalisant à présent ses longs-métrages d'animation en 3D.

 

Ce jeudi 20 novembre 2008, Jeffrey Katzenberg, Le K dans Dreamworks SKG, était en visite promotionnelle sur tous les fronts de la capitale, des Champs Elysées à l'avenue Gabriel. En effet, celui-ci, revêtu de ses plus beaux effets, venait en messie présenter un enjeu de taille pour l'avenir du cinéma : la 3-D Relief made in DreamWorks Animation (InTru3D), pour un monde cinématographique meilleur ! Ainsi avant de rembobiner son discours et ses extraits pour sa venue au festival Parisfx (dédié à la création numérique et à la production des effets visuels), celui-ci arriva quasi incognito, au Cinéma Gaumont Marignan, en matinée. Jeffrey Katzenberg avait donc une mission, nous présenter « la prochaine avancée révolutionnaire de l'histoire du cinéma » : la 3D et ainsi Monsters vs Aliens, long-métrage pionnier de cette nouvelle ère, marquant définitivement un tournant historique dans la production DreamWorks  Animation.

 

Dans un brouhaha à l'unisson, critiques, journalistes et resquilleurs, attendaient l'arrivée de Jeffrey Katzenberg. Lorsque le silence gagna la salle après de nombreuses spéculations « C'est peut-être lui ? », il vint courtoisement nous exposer l'apologie de la 3D, en débutant de manière percutante : «  Au cours de son histoire, le cinéma a connu deux révolutions : le passage du muet au parlant dans les années 1920, et l'arrivée de la couleur dans les années 1930. 70 ans plus tard, l'industrie du film entre dans une nouvelle phase révolutionnaire, avec l'arrivée de la 3D. Les deux premières mutations - le son et la couleur - devaient améliorer les conditions de projection pour les spectateurs. Avec la dernière, le spectateur plonge directement dans le film. » Il continua en nous évoquant la 3D d'antan et ses imperfections et la possibilité d'arriver à présent à une technologie de pointe : « Aujourd'hui, un seul projecteur est nécessaire. Il produit des images nettes, éclatantes, synchronisées et stables. La clé de ce progrès se résume en un seul mot : numérique. »


Bref, les studios DreamWorks se sont complètement laissés envoûter par la 3D, en misant tout, allant jusqu'à rééquiper leur studio pour  produire uniquement des films issus de cette technologie. Car comme le grand manitou du studio le déclara : « La 3D attire à nouveau les spectateurs du monde entier au cinéma en leur offrant une expérience visuelle totalement innovante, à vivre uniquement dans les salles. » Stylistiquement, il nous démontra aussi que « pour la première fois, le réalisateur peut utiliser un panoramique pour entrer dans l'image. Plus qu'un mouvement de caméra, c'est aussi un important outil narratif. A un moment de tension, la caméra peut s'approcher de l'action. A un moment d'isolement, la caméra peut soudain s'éloigner. Voilà ce que représente le « D » de « 3D » : la dimensionnalité. Visuelle, mais aussi émotionnelle. » Ainsi, la 3D conçue à la manière Katzenberg « sera un élément constitutif et essentiel de la narration » et a donc vocation de bouleverser notre expérience de cinéphile.

 

Après ce discours bien tourné, l'impatience était à son comble. On allait enfin découvrir les extraits de ce graal technologique. L'expérience serait-t-elle plus percutante que l'animation des sièges de Back to the future...the ride à Universal Studio, de l'aventure 3D de Honey, I Shrunk the audience ou de l'odorama de John Waters avec Polyester ? La lumière s'est obscurcie pour nous laisser découvrir une vingtaine de minutes de Monsters vs Aliens, sélectionnées et découpées, en une série de trois fragments.


 





Extrait 1 :

 

-         Séquence « Premier Contact » :


Cette séquence illustre le premier contact entre l'alien, sous les traits d'un gigantesque robot cyclope et le président des Etats-Unis, doublé par le fameux humoriste de The Colbert Report, Stephen Colbert.

 

Cette scène est la plus réussie. La démonstration technique fusionne ici avec la narration. Le président des Etats-Unis, dont vraisemblablement le personnage est un clin d'œil à un certain W, par sa conduite et certains dialogues, descend d'Air force one, dans une attitude conquérante. Il s'achemine vers un clavier de piano, posté à la cime d'un escalier d'une hauteur démesurée. L'escalier permet ainsi au président de se retrouver face à l'alien, envahisseur non invité. Le relief du rendu est saisissant. Chaque élément se détache tentant de recréer l'effet de notre vision. Une impression étrange se dégage. On a le sentiment, à l'instar de  Roger rabbit !, que les personnages débarquent en pixel et en couleur dans la salle. Les protagonistes viennent envahir la salle de cinéma, en s'extirpant du cadre, pour s'animer devant nos yeux.

 

D'autre part, l'humour et les références cinématographiques ne tardent pas à apparaître.

Le président des Etats-Unis tente en effet d'entrer en contact avec l'alien par le biais de la musique, allusion à Rencontre du 3ème type. Puis dans une attitude nonchalante il effectue le salut Vulcan de Star Trek à l'attention de l'alien. L'alien ne réagissant point, le président des Etats-Unis retente de jouer une mélodie sur le piano. Il arrive finalement à exécuter un morceau qui n'est autre que la musique thème de Beverly Hills cop. Galvanisé par cet air, le président  effectue un déhanché de jambe mémorable.

 

L'animation va très vite, et l'action n'est pas en reste. On se retrouve pris dans une tornade filmique en un rien de temps. De même, en l'espace de quelques secondes, les références tombent et les cadrages virevoltent. Mais certes, tout cela n'intéresse guère l'alien qui finalement lance l'assaut puis la chasse sur l'armée américaine, entourant les lieux. On se retrouve éclaboussé par la terre, soulevée sous les impacts de l'alien. Le limon semble se dévider de l'écran. Le rendu de la profondeur de champ et du relief sont époustouflants. Les soldats, positionnés de trois quarts, mitraillant alors l'alien, ressortent avec une vivacité et un relief jusqu'alors inégalés.

 

L'action continue ensuite dans les airs, où une armada d'avions, bientôt, accompagnée de bombes s'abat sur l'alien. Un gag « cartoonesque » et très à la mode dans l'animation durant la seconde guerre mondiale apparaît. Sur une bombe, on peut lire « E.T. Go Home », deuxième clin d'œil à Stephen Spielberg.

 

Jusqu'ici, la séquence est un sans faute, hormis une ombre au tableau. On s'aperçoit que les côtés du cadre posent problèmes. En effet, des personnages en premier plan sont tronqués, ne laissant voir que leur profil. On a l'impression d'une amputation du personnage. De même, d'autres coupes perturbent le rendu 3D. Cette séquence se clôt finalement sur le président qui est raccompagné à son avion, alors qu'il s'égosille « Je suis un président courageux. »



 


 

 

-         Séquence « Salle d'opérations » :


On se retrouve à présent dans les coursives d'un lieu hautement surveillé, suivant le parcours d'un personnage en pleine course. Il finit par s'arrêter devant une porte où il décline coude, pied et postérieur comme identifiant d'empreintes digitales. La porte s'ouvre et laisse apparaître dans une salle d'opérations militaires, une table ovale, autour de laquelle le président et ses collaborateurs discutent de la crise. Une crise qui pourrait se nommer invasion d'un alien teigneux, dont le code génétique semble plus proche d'un terminator bouffi japanisé que d'un alien surgissant du ventre de Sigourney Weaver. Les fans de films de science-fiction des années 50 retrouveront l'esthétique des monstres d'antan dans la plastique de l'alien.

 

Les idées fusent au sein de la salle, pour contrer l'envahisseur. Toutes sont déconcertantes, notamment celle de donner une carte verte à l'alien pour qu'il laisse la nation en paix. Cette suggestion est faite par une Condoleezza Rice cartoonisée. Dans le désordre ambiant, où ces échanges d'idées fusent, le président déclenche le départ d'un missile nucléaire par inadvertance. Les débats reprennent ensuite lorsque surgit le General W.R. Monger (Kiefer Sutherland), Dick Cheney junior en perspective, qui a la brillante idée de donner une solution « Nous avons besoin de monstres ». Ceci permet au général de présenter à ses collaborateurs et au président, les armes secrètes pour combattre l'alien et sauver ainsi le monde. Cette présentation donne lieu à un running gag en hommage aux réactions terrifiées des hurlements des personnages féminins dans les séries B américaines. Ainsi, le même personnage hurle à chaque illustration du monstre exposé, provoquant l'hilarité dans la salle de cinéma. La chute se clôt par la présentation d'un dernier monstre, l'image d'une femme quelconque, qui a pour conséquence de faire crier, cette foi-ci, le président des Etats-Unis.

L'humour est quasiment présent dans chaque plan et le timing frôle la perfection ! C'est un régal, même si quelques ressorts comiques ne font pas mouche.



 

 

 

 

 

Extrait 2 

 

-         Séquence « Bienvenue en prison » :

 


Cette séquence nous présente la scène d'exposition des monstres via l'immersion de Susan Murphy  (doublée par Reese Witherspoon). Rebaptisée Ginormica, celle-ci se réveille dans un endroit étrange. Tout d'abord, une cellule puis accédant à une vaste salle immaculée, elle écrase un objet à terre : une chaise miniature. L'effet de la surprise est réussi. On s'aperçoit avec la présentation des autres personnages que Susan est une géante. Mais on se rend compte rapidement, que l'échelle de taille n'est pas fixée puisqu'il s'avère que l'insectosaure, à l'esthétique japonaise, croisé entre le pikatchu et le Godzilla par la taille et des liens génétiques « big bangesque », la détrône de plus d'une tête. Il mesure plus de 100 mètres de haut. Rob letterman et Conrad Vernon, les réalisateurs arrivent ainsi avec subtilité à troubler notre perception de l'échelle de grandeur. Ils manient avec dextérité les ressorts de l'assimilation pour la détourner.

 

La 3D est ici utilisée très subtilement dans son traitement. Ainsi, même s'il n'y a pas véritablement d'effet de jaillissement, la profondeur et le relief sont ici maîtres et éclatent dans toutes leurs splendeurs.

 

 

 

 

 

 

Extrait 3 :

 

-         Séquences « La poursuite » et « Le pont du Golden Gate »

 

Voici une grandiose robotique. Susan, la géante est poursuivie dans les rues de San Fransciso par l'alien, terrassant, réduisant, tout sur son passage. Les tailles des personnages servent ici comme support de l'humour. Ainsi, lorsque Susan dégringole d'un toit, elle s'obstine à s'accrocher comme si sa vie en dépendait. Puis, elle s'aperçoit avec étonnement et ensuite soulagement que le sol est à dix centimètres de ses pieds.

 

L'animation prend ici de la vitesse. Le rendu est parfait, excepté pour les spectateurs sensibles de la rétine. Les objets en mouvement et en amorce perturbent la vision tout comme certains passages 3D qui se révèlent désagréables. Même si Jeffrey Katzenberg annonçait la fin des maux de tête avec cette nouvelle technologie 3D relief,  certaines personnes seront touchées par ces désagréments. Mais, mettons une fin à ce dilemme en poursuivant la traque dont fait l'objet le personnage de Susan. Celle-ci, perdant du terrain sur l'extraterrestre, chausse par inadvertance des voitures en guise de rollers. La vitesse émise lui permet d'échapper à la folie destructive de l'alien qui ne tardera pas à la rejoindre sur le pont du Golden Gate, alors bondé par la circulation. Ses autres compagnons la rattrapent. Puis, après de moult et vaines batailles, le docteur Cafard (Hugh Laurie), monstre agréé en sauvetage de dernier recours, entre en scène et gagne l'antre de l'extraterrestre puis met fin à son règne de terreur en le faisant disjoncter.

 

Ces deux séquences restent bluffantes grâce à un sound designing mémorables. Par exemple, les bruits de l'effondrement des buildings ou du Golden Gate se fracturant  à la manière du Titanic, apportent textures et matières, confèrent ainsi une véracité aux images.

 

Après, ces vingt minutes chargées en intensité et en action, le film se confirme dans la lignée de Shrek avec un humour basé sur les références de la pop culture américaine, bien que quelques gags grossiers viennent entacher le film. Ici les aficionados de Roger Corman et compagnie vont être servis. Le film est en effet ancré dans un second degré en hommage au cinéma de science-fiction des années 50 et fondé sur la filmographie des séries B des années 60. Rien que le titre du film, nous évoque : Godzilla vs Monsters Zero (1965), Godzilla vs The Smog Monster (1971) ou encore The Navy vs The Night Monsters (1966). Les personnages trouvent écho dans le passé, à l'instar de Susan Murphy, la géante, avec Attack of the fifty foot woman (1958). Mais, bien que ces quelques extraits soient alléchants, une déception persiste. En effet, rien d'innovant dans la trame ou l'humour, excepté la fondation du film sur une filmographie de séries B, ne se détache de la production massive des studios d'animation. Malgré les nouvelles technologies, les recherches de texture, un constat tout de même négatif peut être fait sur l'esthétique qui tend à s'uniformiser. Même, si l'animation traditionnelle reste encore vivante, il est dommage que les grands studios américains ne produisent pas, au moins une fois par an, ces films si novateurs dans le trait et l'esthétique.

Mais, le film se présente tout de même comme un grand film d'animation à bien des égards.

 

 

Pour clore cette avant-première d'une vingtaine de minutes, quelques questions trouvèrent réponses. Jeffrey Katzenberg a ainsi révélé que la projection sur IMAX du Polar Express lui a donné envie de développer la 3D. Puis quelques questions qui posent le problème de l'équipement pour le cinéma, ont révélé que seulement 700 écrans, dans le monde, seraient munis de projecteur digital. Ainsi, le commun des mortels devra attendre pour la révolution 3D puisque la majorité des salles ne seront pas équipées et projèteront le film en 2D. Et sachant qu'en France le problème du financement pour l'acquisition de nouvelles machines fait débat, ce n'est pas demain que la majorité des exploitants, distributeurs, studios... investiront dans les coûts exorbitants de l'équipement 3D. D'autre part, dû à un surcoût de la production 3D, le prix du billet de cinéma de Monsters vs Aliens sera haussé. Mais ce coût vaut indéniablement l'expérience !

 

En attendant, la 3D semble vouée à rester un divertissement de parcs d'attractions ou voir dans un futur proche de jeux vidéos au sein de nos foyers. Mais on ne sait jamais, Mr Katzenberg réussira peut-être à persuader les exploitants de salles à s'équiper ? Néanmoins, le développement de la 3D, trouvaille incontestable, semblant être la réponse des studios pour parer au piratage ne sera peut-être pas l'alternative idéale pour enrailler ce système et ramener les spectateurs dans les salles obscures. Reste que la 3D ça dépote grave, même si parfois ce n'est pas forcément perceptible ou percutant !!!

 

En attendant, on attend avec impatience les prochaines sorties 3D : Avatar de James Cameron, The Hobbit de Guillermo del Toro, les films de l'écurie DreamWorks comme How to train your Dragon ?, Shrek goes fourth et bien sur : Monsters vs Aliens sortant le 1er avril 2009 sur nos écrans.

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