Hancock et les super-héros marginaux
Quand on est un super-héros marginal, il faut multiplier les défauts en conséquence. C’est ainsi qu’au début de Hancock, Will Smith est super-affreux, super-sale et super-méchant. En phase avancée de clochardisation, il ne respecte ni le matériel public, ni les personnes qu’il sauve. Il insulte les mômes, bouscule les passants, explose les immeubles. Un mauvais esprit et une existence de paria que d’autres ont pratiqué avant lui. De la tragédie à la comédie, les super-héros refusant les cadres de la société ont déjà secoué les écrans.
Le plus célèbre des super-héros se proclamant le « roi des clochards et des ruelles », est sans doute Spawn, créé par Todd McFarlane. Ancien mercenaire, membre des troupes d’élite américaine, Al Simmons revient d’entre les morts après avoir accepté un pacte avec le démon Malebolgia. Torturé en son corps et en son esprit, le Hellspawn fait des bas-fonds son domaine, vivant comme un SDF et protégeant ses camarades miséreux. S’il se pose en permanence des questions morales, Spawn n’hésite pas à faire preuve d’une grande violence, voire de cruauté. Les ramifications du récit s’étendent à toute l’histoire de l’humanité, de sa naissance à l’apocalypse, et même au-delà. Nous sommes ici très éloignés de l’univers léger de Hancock. Dans tous les cas, il est vivement conseillé de découvrir Spawn, par l’intermédiaire des comics, ou de la série animée, mais il faut éviter comme la peste l’adaptation cinématographique honteuse datant de 1997.
Tout aussi détraqué, le Darkman de Sam Raimi, interprété par un Liam Neeson grandiose. On atteint là un point limite du « super-anti-héros », errant dans les rues en poussant un charriot, faisant corps avec la misère des grandes villes américaines. Défiguré et soumis à des sautes d’humeur spectaculaires, le Darkman agit essentiellement par vengeance, avec une méchanceté réjouissante. Sam Raimi signait là comme un contre-poison, par avance, à son trop "gentil" Spider-Man.
Plus présentable, mais toujours dans la grisaille, le Bruce Willis d’Incassable de M. Night Shyamalan. Ni méchant, ni vraiment marginal, ce super-héros se démarque de ses homologues par son traitement réaliste et anti-spectaculaire. C’est son apparence qui le rapproche en partie d’Hancock, car on a fait plus glamour que la capuche rabattue sur le visage.
Autres parias célèbres, Les Tortues Ninjas qui logent dans les égouts de New York. Dans un registre plus humoristique, ces héros très improbables n’hésitent pas à créer des dommages collatéraux pour sauver la situation. Les bons mots sont nombreux et les combats spectaculaires aussi. Pour bien apprécier le potentiel des bestiaux, il faut s’arrêter sur le récent long-métrage animé, assez excellent.
Toujours dans les animaux immondes, on se fera le plaisir de ressortir le dossier Howard the Duck, qu’un certain George Lucas aimerait bien oublier. Affreux et méchant dans le comic d’origine, Howard est nettement plus présentable dans l’adaptation cinématographique. Le film n’entretient qu’un lointain rapport avec la version dessinée et vire dans le grand n’importe quoi, que même ILM, en petite forme, ne parvient pas à sauver. Une belle curiosité pour les amateurs de cinéma très déviant.
La Créature du marais, dont la reprise en main par Alan Moore demeure l’un des plus grands moments des comics fantastiques, n’a pas fait d’étincelles au cinéma, malgré deux films sympathiques (mais pas forcément pour les bonnes raisons). On ne peut cependant pas faire plus marginal qu’une plante humanoïde habitant les marécages de Louisiane (et emballant Heather Locklear).
Hancock met le bazar dans les banlieues tranquilles, crée le chaos dans les familles et détruit tout sur son passage, plus ou moins volontairement. Les précédents sont ici animés et on citera avec grand plaisir Les Indestructibles de Brad Bird. Mais la référence la plus troublante demeure The Powerpuff Girls, le film. Détruisant presque intégralement une mégalopole en jouant simplement à chat, les Super Nanas se voient bannies par le bon peuple en colère. Elles reviendront dans les cœurs in extremis, pour sauver le monde de l’invasion des singes génétiquement modifiés. Petit chef-d’œuvre méconnu, The Powerpuff Girls en remontre sévèrement à un Hancock finalement bien trop sage.
Ensuite arrivent les super-héros plus ouvertement parodiques, du Zebraman de Takashi Miike au bien français Mister Freedom de William Klein. De cette longue liste on retiendra en particulier The Meteor Man (qui s’en prend à Superman), Mystery Men (qui s’attaque aux X-Men) et Capitaine Orgazmo (qui se gausse des plus merveilleux super-héros que sont les acteurs de films pornographiques). Dans ces cas-là, humour plus ou moins fin et bons mots idiots sont monnaie courante.
Mais celui qui pratique peut-être le mieux le mauvais esprit demeure notre bon vieil Hellboy. La gouaille de Ron Perlman correspond parfaitement à ce héros là, toujours prêt à déconner, même quand l’univers vacille. Ses méthodes ne font pas dans la dentelle et il ne faut pas trop lui chercher des noises, son coup de poing n’ayant aucun mal à faire s’effondrer des maisons entières. Moins sexy que Will Smith ? Même pas sûr, vue la manière dont il fait fondre Selma Blair. En tout cas, il serait au final l’un des parents les plus proches de Hancock.
La palme des similitudes inattendues revient au Blankman de Mike Binder avec Damon Wayans. Cette parodie ultra fauchée de Batman accumule idées débiles et humour black. Certes trop connoté, Blankman n’en demeure pas moins une inspiration possible (quoique sans doute inconsciente) pour le Hancock de Peter Berg.