Brian De Palma - Ses meilleures scènes

Laurent Pécha | 15 février 2013
Laurent Pécha | 15 février 2013
Pour la sortie de Passion, nous ne pouvions pas passer sur l'occasion de ressortir notre dossier sur les scènes préférées de Brian de Palma.La question posée à chaque rédacteur fut simple : « raconte-nousla scène qui t'a le plus marqué dans la filmographie de De Palma ? ». Unefois récoltées leurs réponses, une rapide concertation pour délibéreret voicinotre top 10 avec quelques numéros en plus (on est généreux à EL)accompagné del'extrait du film en question. Attention, il n'y pas d'ordre dans le classement tant il était trop dur de les départager.

   

- Les Incorruptibles (The Untouchables) par Jérémy Ponthieux

Parce que de sa filmographie il n’y a (presque) pas plusiconique que cette scène de landau glissant, qui compile à la fois tout lestyle de son auteur et des images devenues mythes de cinéma. Il fallait bien unDe Palma pour rendre un hommage cinéphile au légendaire Cuirassé Potemkine dansun film d’époque à gros budget, le tout en conservant intact la patte sicaractéristique de sa mise en scène. Les multiples visions n’altèrent en rienl’insoutenable suspens qui émerge de cette montée qui n’en finit plus et de sesmenaces potentielles en crescendo, pas même la jubilation ressentie à voirKevin Costner se frayer un chemin à travers un couloir de balles en furies. Etquand la charismatique concentration d’Andy Garcia fait battre notre petit cœurde spectateur à deux cents à l’heure, on se dit vraiment que Brian est ungénial manipulateur qui malmène comme personne les émotions de son audience. Inoxydable.

 

- L'Impasse (Carlito's way) par Guillaume Meral

La virtuosité scénographique de De Palma dans toute sasplendeur. Plans-séquences millimétrés, montage au cordeau et cadrages denses,De Palma étire l'espace, dilate le temps et confronte le héros aux dernièresépreuves lui restant à surmonter avant de changer de vie. Un climax entrompe-l'œil, puisque son Odyssée achevée, Carlito se voit refermé les portesdu paradis au nez. Au fond, L'impasse n'est pas un film sur la rédemption, maissur un personnage en sursis, et son évasion avortée du purgatoire une desscènes les plus marquantes de la carrière du cinéaste.

 

- Blow out par Patrick Antona

Mission: Impossible pour déterminer quelle scène de la filmographie de Brian de Palma on est en droit de préférer. Mais on oublie souvent que son sens  de la mise en scène, toujours au service de la narration, ne serait rien sans l'intelligence de son montage. Et De Palma de nous donner une leçon avec son brio habituel avec la scène de reconstitution de l'attentat contre le gouverneur, moment-clé où l'intrigue bascule du point de vue du héros principal qui voit enfin un moyen d'échapper à son morne quotidien de preneur de son, et aussi de se racheter. Dans ce petit morceau de bravoure, les thèmes récurrents de l'oeuvre de De Palma cohabitent et superposent avec génie: la démonstration de la maîtrise d'un expert (Travolta devant sa table de montage ), la révélation de son désir obsessionnel (la recherche de la vérité à tout prix) mais aussi l'émergence de sa frustration (celui de ne demeurer qu'un simple voyeur). En somme une tentative de résumé de la complexe personnalité d'un metteur en scène qui ne cesse de nous interroger sur la puissance et la maîtrise des images.

 

- Phantom of the paradise par Laurent Pécha

Pour beaucoup, le film phare de De Palma. En tout cas, celui qui met souvent tout le monde d'accord (voir la ribambelle de 5/5 dans notre tableau). Les scènes cultes, Phantom en a  donc à revendre. A l'instar de tous les numéros musicaux. Mais le final marque encore plus les esprits et demeure un sommet d'inventions visuelles inégalé, regroupant tout ce que allait devenir les marques de fabrique de son auteur : split screen, vision à travers la lunette du fusil du tueur, par les caméras de télévision, au cœur de la foule, plongées, contre-plongées,... De Palma créé un maelstrom d'images qui se téléscopent, parfait relais de la folie et la tragédie qui se noue sur cette scène où se consume l'une des plus bouleversantes histoires d'amour vue sur un écran de cinéma. 

 

- Pulsions (Dressed to kill) par Mélissa Blanco

Si l'une des scènes centrales du Pulsions de Brian De Palma renvoi éminemment au Vertigo d'Alfred Hitchcock - James Stewart, suivant Kim Novak jusque dans un musée -, sa fonction y est ici légèrement modifiée.Pas forcément venue pour y admirer des tableaux, Angie Dickinson y est plutôt à l'affut. D'un regard, d'un contact, d'une caresse, peut être. Jusqu'à ce qu'un inconnu ose s'asseoir à côté d'elle mais ne répond pas à ses attentes. Commence alors entre eux un jeu du chat et de la souris oùl'on ne sait plus très bien qui poursuit qui. Par l'utilisation à la fois d'un point de vue interne - la caméra devient l'oeil du personnage - et externe, un savant sens du montage et une accélération de la bande son, le cinéaste insuffle à la séquence une tension dangereusement perverse. Jouant à la fois sur l'excitation  et la frustration d'une part et la peur de l'autre d'Angie Dickinson, un peu perdue dans ce jeu de dangereuse séduction.

 

 

- Body double par Nicolas Thys

Trop souvent occultée la dimension romantico-kitsch est très présente dans l'œuvre de Brian De Palma (voir également l'ouverture de Carrie) et culmine dans cette séquence d'un maniérisme absolu où ce couple improbable tournoie sur lui-même. Renié par le cinéaste lui-même, ce morceau aussi brillant que ridicule mérite pourtant le détour car il insiste plus qu'aucun autre sur son amour de l'artifice affiché et sur son goût extrême pour l'emprunt, la reprise et le cliché. Finalement, ce n'est que du cinéma, le mécanisme voyeuriste par excellence, et après 80 ans de transparence forcée il peut enfin s'afficher comme tel. 

 

Carrie au bal du diable (Carrie) par Sandy Gillet

Une jeune fille découvre avec effroi sous la douche sa féminité nouvelle. Le sang qui s'écoule entre ses cuisses et ses doigts est un premier rappel de ce que sera la fin pleine de fureur en forme d'acceptation libératoire de ce qu'elle toujours voulu nier. Carrie ou le rite de passage de l'enfance à l'adolescence.

  

- Scarface par Allan Blanvillain

Scarface ou le rêve américain façonBrian de Palma. Aidé d'un Al Pacino en grande forme, le réalisateurdépeint avec toute la perversité qu'on lui connaît le destin d'unhomme, de son ascension à sa chute. Et quelle chute ! Une séquencemémorable où la violence exacerbée du film atteint son pointculminant. Jouant sur les vues en plongéeet contre-plongée, on y retrouve Tony Montana invincible, regardantde haut ceux qui cherchent à le tuer (cabotinantau seuil de la mort), et il faut attendre un Frank Lopez se hissant àsa hauteur pour voir son règne prendre fin. Symbolique, la camérafixée sur le cadavre gisant dans la piscine, remonte jusqu'aux piedsdu meurtrier en passant par le globe « The World is Yours ».Le roi est mort, vive le roi !

 

- Snake Eyes par Ilan Ferry 

Tel un Alfred Hitchcock au meilleur de sa forme, Brian DePalma démontre une fois de plus sa maestria via un véritable tour de forcecinéphilique destiné à faire apparaître une multitude de détails cruciaux àl’intrigue. De par ce tour de force, le cinéaste met en exergue la thématiquedu faux semblant jusque dans son procédé (un vrai/faux plan séquence) et nousplonge d’emblée dans une action vécue de l’intérieure. Modèle de fluiditénarrative et technique, l’ouverture de Snake Eyes tient une place de choix aupanthéon des scènes anthologiques pondues par De Palma.

 

- Mission : impossible par Perrine Quennesson

Si le cinéma de De Palma est truffé de scènes mythiques, celle-ci surpasse les autres (à part peut-être le sang qui tombe sur la tête de cette pauvre Carrie). Pourquoi ? Car cette séquence de tension, où les perles transpirations sur le visage de Tom Cruise sont autant celle de l'acteur que du spectateur, a été reprise dans de nombreux films par la suite. Quoi de plus flatteur et de plus révélateur que la copie ou l'hommage ? Mise en scène impeccable et ciselée, surprise permanente (même pour le récidiviste qui a vu 35 fois le film), cette descente qui fait monter l'adréline reste virtuose et un modèle de suspens. Hitchcock serait fier. 

 

Body double par Vincent Julé

Considéré comme une oeuvre mineure ou une récréation parodique au sein de sa filmographie, Body Double est pourtant un condensé, une synthèse de De Palma, et reste un film atypique, unique, riche. Et surtout, ce faux remake de Fenêtre sur cour récèle peut-être les scènes les plus folles qu'il n'ait jamais tournées : le baiser tournoyant, la danse lascive de Melanie Griffith, Frankie goes to Pornlywood... et, petit plaisir personnel et coupable, cet Indien, cette perceuse et cette mise à mort à la fois sexuelle, trash et drôle !

 

 

- Outrages (Casualties of war) par Stéphane Argentin

En un seul plan à la virtuosité technique surréaliste (unpremier et un arrière-plan tous les deux nets), Brian De Palma exacerbe toutela primitivité de la nature humaine : son appétit insatiable pour la chairet le sang. Une séquence dont le génie visuel n’a d’égal que la dramaturgie qu’ellesouligne. 

 

 

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