Harry Potter vs. Sarkozy

Julien Dury | 28 octobre 2007
Julien Dury | 28 octobre 2007

Harry Potter est-il de gauche ? C'est la question que posait hier un article de Libération. Pour le philosophe Jean-Claude Milner, la réponse est clairement positive. Si notre Président Adoré apprend ça, nul doute qu'il proposera au jeune sorcier un poste d'ouverture de Secrétaire d'État aux Forces Occultes. Creusons donc un peu la question, avant qu'il soit trop tard pour la santé mentale de la nation.


La thèse du linguiste est finalement assez simple. Harry Potter porte en son sein une nostalgie de l'ère précédant l'arrivée de Thatcher au pouvoir. Cet âge d'or idéalisé serait caractérisé par des références à la Renaissance anglaise où le savoir était érigé en valeur suprême. Les élèves de Poudlard reçoivent donc des connaissances aussi classiques (langues anciennes) qu'occultes (magie) qui leur permettent de se protéger contre les moldus. Ces derniers seraient une métaphore des classes moyennes héritières d'un thatchérisme-blairisme méprisant la culture et exerçant une oppression capitaliste plus ou moins masquée. En revanche, l'école de sorcellerie permet une alliance entre peuple et aristocratie, caractéristique de la culture anglaise. Une analyse qui pourrait se tenir si elle n'était sérieusement boîteuse.

 

On passe sur certaines interprétations hallucinogènes de Milner (Les deux d de Dumbledore constitueraient une référence à l'occultiste John Dee, oui bon...) dont le raisonnement est surtout handicapé par des partis pris assez pénibles. À l'inverse de la série de J.K. Rowling, l'oeuvre de J.R.R. Tolkien serait profondément réactionnaire, dominée par le regret d'un temps révolu. Milner oublie un peu vite qu'il s'agissait plutôt pour l'auteur anglais de rédiger une allégorie d'une Europe menacée par l'affrontement du nazisme et du communisme. Quant à l'école de sorcellerie où les enfants de moldus et les sang-pur ont les mêmes chances de parvenir à l'excellence, il s'agirait plus d'une exaltation des possibilités de l'individu, caractéristique du libéralisme. Ce que ne semble pas percevoir Milner, trop pris dans son amalgame manichéen unissant Thatcher, Blair et leurs spécialistes en marketing.

 

Le jeu consistant à accorder des résonnances politiques à un personnage populaire est amusant et parfois révélateur. Hélas, il est souvent trop vain pour ne pas le pratiquer avec modération. Les conclusions de Milner ne sont pas loin de rappeler les fatigantes accusations de colonialisme portées contre Tintin. À ce jeu, Picsou est un redoutable capitaliste tandis que Spirou  a porté des années un costume aux couleurs du communisme conquérant...

 

 

 

 

 Source : Libération

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