François Ozon - Portrait

Thomas Messias | 17 mars 2007
Thomas Messias | 17 mars 2007

Certains artistes portent vraiment bien leur nom. C'est le cas de François Ozon, jeune metteur en scène français qui en dix ans et presque autant de longs-métrages, a su devenir incontournable en allant sans cesse explorer d'autres univers, d'autres façons de faire. Ses films divisent toujours mais ont au moins le mérite de créer des débats.

Né en 1967 à Paris, Ozon entre rapidement à la FEMIS et effectue une thèse sur Maurice Pialat. Dès 1988, il tourne court métrage sur court métrage, au rythme moyen d'un par an. À l'époque déjà, le jeune François est un boulimique, avide de tourner encore et encore. Son côté stakhanoviste fait parler. Son talent aussi. En 1996, Une robe d'été séduit l'ensemble des professionnels : il y raconte l'étrange amour de vacances entre une jeune espagnole et un ado homosexuel. Le film sera bientôt montré dans de nombreuses salles, en première partie de son premier moyen métrage, Regarde la mer (1997), film inquiétant et dérangeant.

 

Alliant quantité et qualité, le jeune François Ozon se voit alors offrir la possibilité de tourner son premier long. Ce sera Sitcom (1997), ratière cinématographique faisant exploser le carcan familial d'une bien étrange manière. Très vite, deux clans se forment : ceux qui acclament un réalisateur audacieux et singulier, et ceux qui rejettent en bloc son univers et sa propension à tomber dans la provoc facile. Quoi qu'il en soit, tout le monde a hâte de voir ce que peut bien donner la suite : et si Les amants criminels (1998) déçoit les uns et les autres, il ne ressemble à rien de connu dans le cinéma français. Le film revisite le mythe de l'ogre (Miki Manojlovic, effrayant) en le transposant de nos jours, à travers l'histoire de deux jeunes amants en fuite (Régnier et Rénier). Manquant de maturité, Les amants criminels a au moins le mérite de ne pas être une promenade de santé.

 

Rien ne fait peur à François Ozon : pourquoi ne pas adapter une pièce de théâtre écrite par l'un de ses maîtres, monsieur Fassbinder? Gouttes d'eau sur pierres brûlantes (1999) remet Bernard Giraudeau sur le devant de la scène, montre Anna Thomson autrement que dans les films d'Amos Kollek, et révèle deux inconnus, Malik Zidi et Ludivine Sagnier. Fantaisie graveleuse où la relation amoureuse ressemble à la quadrature du cercle, le film est une vraie réussite qui échappe aux pièges du théâtre filmé tout en rendant hommage à ce genre. Après trois longs, il est dorénavant clair qu'Ozon peut tout faire. Y compris starifier Charlotte Rampling : dans Sous le sable (2000), film sur le deuil et le doute, elle est incomparable dans le rôle d'une hypothétique veuve. Expérience de momification du couple, Sous le sable émeut aux larmes la majorité des spectateurs et barbe les autres. En tout cas, le film assied la popularité d'Ozon : désormais, les spectateurs retiennent son nom, et les acteurs veulent à tout prix travailler avec lui. 

 

 

 

Profitant des multiples appels du pied lancés par le star-system, Ozon se lance alors sur un projet intrigant lui permettant de faire tourner celles dont il a toujours rêvé. Dans 8 femmes (2002), il réunit un casting en or pour un Cluedo sauce oestrogènes, adaptation chantée d'une vieille pièce de boulevard. Si le film tourne un peu à vide, il confirme qu'Ozon est un réalisateur à femmes, celui qui sait épouser leurs points de vues et révéler leurs rancoeurs. Le film est un vrai succès public, et une ribambelle de nominations aux Césars montre qu'il fait désormais partie de la fameuse « grande famille du cinéma français ». Et qu'importe s'il repart bredouille. François Ozon se moque un peu des prix, lui qui a toujours des tas de projets sur le feu. Pour sa troisième collaboration avec Ludivine Sagnier, il la transforme en bombe sexuelle et l'installe sur une chaise longue.

 

 

Swimming pool (2003), duel au couteau entre une jeune conne et une vieille rombière, est une sorte de version onirique de La piscine de Jacques Deray. Qu'on aime le film ou non, il nous cueille, avec notamment une fin très perturbante. Revenant à un projet plus modeste, Ozon signe ensuite 5x2 (2004), exploration clinique de la faillite d'un couple vue à travers cinq étapes-clés juxtaposées façon Irréversible (on commence par la fin, et on rebrousse chemin jusqu'à la genèse). Excellemment interprété par Stéphane Freiss et Valeria Bruni-Tedeschi, 5x2 est un bijou de cruauté qui peut indifférer mais n'en reste pas moins singulier.

 

Volontairement ou pas, Ozon casse ensuite son image de « cinéaste de la femme » en prenant pour la première fois un homme pour héros. Présenté à Un certain regard au Festival de Cannes, Le temps qui reste (2005) est un mélo très premier degré autour de la fin de vie d'un jeune homme dévoré par le cancer. Bouleversant pour les uns, racoleur pour les autres (avec notamment une scène de triolisme par vraiment opportune), le film divise une fois encore. En revanche, la prestation de Melvil Poupaud est unanimement saluée.

 

Dernier rebond en date pour François Ozon : tourné en anglais, Angel est un film romanesque en diable, inspiré du roman éponyme d'Elizabeth Taylor (aucun lien). Pour son premier film en costumes, il s'abandonne délibérément à un classicisme très british, révélant au passage une jeune actrice de choix, Romola Garai. De quoi faire oublier qui aurait pu jouer le rôle : parce qu'elle souhaitait tourner avec lui, Nicole Kidman aurait fait le forcing pour le rôle. Refus tout net du réalisateur : trop vieille pour jouer une demoiselle. Apparemment, leur collaboration n'est que partie remise. Pour le prochain projet d'Ozon, peut-être? Pour l'instant, mystère. Après neuf films en dix ans, le metteur en scène a décidé de souffler un peu, le temps de décider quel serait son prochain film. On ne devrait pas tarder à avoir des nouvelles sur le futur proche d'un réalisateur ayant trop la bougeotte pour s'arrêter longtemps.

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