Assurance sur la mort en DVD chez Carlotta : la pré production

Julien Foussereau | 15 septembre 2006
Julien Foussereau | 15 septembre 2006

Il est l'objet d'une névrose partagée par un bon nombre de rédacteurs travaillant sur Ecran Large. Il est plat, rond, versatile et nous fait souvent perdre le sens des réalités. Vous avez deviné, il s'agit du bon vieux DVD, ingénieux support qui a démocratisé la cinéphilie domestique et exigeante voilà bientôt dix ans. En guise d'anniversaire, il nous a semblé cohérent de vous relater le processus consistant à fabriquer une édition DVD, de la réception du master jusqu'à sa mise en vente. Pour que l'exercice ne soit surtout pas rébarbatif, on est tombé d'accord pour suivre l'élaboration d'un titre actuellement en cours. Ne restait plus qu'à choisir ledit titre…Et parce que nous recherchions un titre reflétant le bon goût généralisé de la maison « Ecran Largienne », nous avons pensé que Assurance sur la mort de Billy Wilder sortant en novembre sous l'égide de Carlotta était une opportunité à ne pas rater. On remercie l'éditeur de nous avoir ouvert ses portes pour nous raconter comment s'occuper d'un chef-d'œuvre du film noir en DVD et livrer aux consommateurs cinéphiles une édition à sa juste mesure. Fabien Braule est le premier intervenant à nous parler de l'étape inaugurale : la pré production.

Interview de Fabien Braule, chargé de projet chez Carlotta Films.

Pour commencer, peux-tu nous parler de Carlotta en tant qu'éditeur DVD et son placement par rapport à la concurrence ?
Je pense que nous avons une approche éditoriale quelque peu différente d'autres éditeurs dans le sens où il y a des films que l'on travaille dès la sortie salles. Par exemple pour Ozu, dont la sortie en DVD fut un événement en soi et qui se prolongera dès le mois de février 2007 avec la venue d'un second coffret et de Voyage à Tokyo, l'un des chefs-d'œuvre du maître japonais en Édition Collector. Le simple fait de travailler dans ce sens, nous permet d'avoir le recul nécessaire pour la création des suppléments et pour la ligne éditoriale que l'on souhaite adopter.

Sortir Assurance sur la mort était une volonté forte, voire même un « coup » de Carlotta ? Ou, est-ce le premier film d'une salve de titres Universal achetée par l'éditeur ?
C'est bien plus qu'un « coup », puisque, en ce qui me concerne, c'est l'un de mes films de chevet. L'opportunité de proposer un tel titre va au-delà du coup commercial, c'est un cadeau en soi que nous fait Vincent Paul-Boncour, gérant de Carlotta Films. Et c'est effectivement le premier titre d'une salve. Jusqu'alors, nous ne travaillions principalement qu'avec des titres du catalogue 20th Century Fox en ce qui concerne notre catalogue de classiques US. Mais manifestement, Universal vient d'ouvrir une partie de son catalogue et de son patrimoine et on pouvait difficilement passer à côté.

La sortie du Zone 1 double DVD, sorti il y a quelques semaines, est-elle un genre de placement ou un simple hasard de programmation ?
Un hasard de programmation le plus total qui a ses avantages et ses inconvénients ! Un des inconvénients est la présence de sous-titres français sur le Zone 1 Universal. Le souci principal est que les consommateurs que nous ciblons sont de gros acheteurs de classiques du cinéma en DVD Zone 1. Mais un tel cas de figure devient un challenge car on a envie de faire forcément mieux que les américains.

Peux tu développer par étapes le processus de développement de cette édition DVD ?
Nous avons réceptionné le master il y a maintenant plus d'un mois. Il s'agit d'un master SD (Standard Definition : 576 lignes de résolution verticale, NDR) provenant d'un master Haute Definition dit HDCAM (1080 lignes) restauré par Universal. L'avantage est que cela supprime tout souci lié à un éventuel transcodage puisque le master HDCAM est en 24 images par seconde. Et donc, pas de conversion NTSC/PAL (30 images/25 images). En termes de sous-titres des films, nous travaillons beaucoup avec TITRA FILM. Pour le coup, TITRA avait une liste de sous-titres assez ancienne. On s'est retrouvé avec un sous-titrage typique des années 40 où la moitié des dialogues seulement sont sous-titrés. On retravaille dessus en ce moment et nous allons proposer une nouvelle liste de sous-titres. L'intégration de ceux-ci se feront essentiellement lors de la partie authoring. (Nous y reviendrons prochainement, NDR)

Revenons sur le master HD. Passer de 24 fps à 25 pourrait-il générer quelques problèmes techniques avec le son ?
Universal gère ce problème au moment de faire la down conversion (passage du HD au SD). Si un pal speed up pouvait être généré en transcodant du NTSC vers le PAL, c'est ici impossible puisque géré par une technologie de dernière génération. Donc pas de demi-ton au dessus ou en dessous ou quoi que ce soit d'autre d'ailleurs.

Quels sont les critères déterminants d'un bon master chez Carlotta ? Qui est chargé de contrôler la qualité de ce dernier et sur quel point doit-il se montrer vigilant ?
C'est une partie très délicate que je gère avec notre le studio de premastering DVD-Partners et son chef de projet Nicolas Billon. Ce à quoi on fait le plus attention est la gestion des contrastes. Si c'est un film classique, on inspecte le niveau de poussière, de tache, etc. Après, cela peut varier. Chaque DVD est différent dans son approche technique. Si le DVD existe déjà ailleurs, ça peut faciliter les choses parce que l'on a un point de comparaison. Si aucune édition DVD n'existe, l'appréciation se fait souvent à l'œil.

Est-ce arrivé que toi et Nicolas vous vous chargiez de restaurer le master ? Ou de le refuser tout simplement ?
Il est difficile de refuser un master quand il n'existe pas d'autre matériel. Le catalogue sur lequel nous travaillons n'est pas toujours récent et les titres à sortir ne sont pas aussi célèbres que Autant en emporte le vent ou Le Seigneur des anneaux. Il n'est pas rare d'avoir un seul master de disponible. C'est ce qui s'est produit avec Il était un père. Un seul master, une copie salles très abîmée tant sur l'image que sur le son. On ne pouvait pas sortir le DVD en l'état. On a fait ce que l'on a pu pour restaurer l'élément, mais tout cela coûte extrêmement cher. L'image et le son d'Il était un père sont aujourd'hui d'un niveau tout à fait satisfaisant pour une exploitation sur support DVD (voir le test en cliquant sur ce lien.)

Peux-tu expliquer en quoi consiste la collaboration Carlotta Films/DVD-Partners ?
Nous travaillons essentiellement avec eux, de la vérification du master jusqu'à la livraison de la DLT. La DLT est l'élément informatique sur bande qui permet à l'usine de faire le glass master. On commence à travailler sur un projet avec DVD-Partners au minimum trois à quatre mois avant la date de sortie du DVD. C'est un prestataire avec une équipe assez réduite qui se révèle être très dynamique. On développe la quasi-totalité du projet avec eux : l'arborescence (schéma graphique définissant la navigation du disque), graphisme des menus (le graphiste Julien Gadier est chargé des menus d'Assurance sur la mort au passage), qualité de l'encodage (bit budget) etc…

 

Arborescence du premier disque
Arborescence du deuxième disque

 

Comment se passe la synchronisation de la version française qui, je le signale, est absente du Zone 1 Universal ?
On travaille actuellement dessus. On passe par un laboratoire externe D.E.S. (agréé Dolby et DTS) qui est géré par un type génial. Il prend son temps et fait un excellent travail. J'en profite pour te dire que l'avantage du Zone 2 Carlotta par rapport au Zone 1 Universal sera la restauration de la bande son originale. Après l'avoir longuement écoutée sur le Zone 1, on a trouvé que le volume était très faible. On était obligé de monter à -15dB pour obtenir une ambiance correcte tout en remontant un souffle énorme. D.E.S. procède donc à un nettoyage total de la bande-son, VO et VF à l'aide des outils suivants et le résultat est plus que probant :

- TC 6000 de chez TC ELECTRONIC avec le logiciel Pack Drop pour les bruits de fond.
- SONIC NO NOISE pour les craquements.
- MULTIBAND WAVE sur PROTOOLS pour le souffle et les distorsions.

 

Écouter la bande-son non restaurée          Écouter la bande-son restaurée

 


Raconte moi la recherche la piste française.

Rien de plus facile sur ce coup là ! On l'a demandé à Universal. Sinon, on recherche des copies 16 ou 35 mm dans les cinémathèques francophones. C'est ce qui s'était produit avec certains films noirs de l'année dernière. Elle n'a pas servi depuis des années et le son est très fatigué. Mais la restauration effectuée permet de retrouver un excellent niveau général.

Pourquoi Carlotta n'ajoute pas les sous-titres anglais ?
Parce que tout ceci est compliqué et contractuel. Tout comme la question des sous-titres débrayables ou non.

Enfin, peux tu nous parler des suppléments ?
Bien sûr. On trouvera sur le premier disque l'excellent commentaire audio de l'historien du cinéma Nick Redman et du scénariste Lem Dobbs déjà présent sur le Zone 1. Le film évidemment, VOST/VF, le film annonce, une petite surprise (qui s'avèrera être une piste DTS VO 1.0). Le disque 2 se composera de la version télé d'Assurance sur la mort tournée dans les années 70 (une vraie découverte, qui replace parfaitement la politique des studios à cette époque), le documentaire Les ombres du suspense déjà dispo sur le Z1, un très bon module créé spécialement pour l'édition française par la société Allerton Films de 45 minutes et intitulé La Dernière cigarette. Ce sera une réflexion sous forme d'enquête sur la place d'Assurance sur la mort au sein du film noir le tout agrémenté d'entretiens avec des spécialistes du genre et du cinéaste.

 

Le Bit budget du DVD : un dosage mûrement réfléchi afin d'encoder le film de la meilleure des façons


Propos recueillis par Julien Foussereau.

 

Merci à Carlotta pour l'iconographie technique.

vidéos associées

Newsletter Ecranlarge
Recevez chaque jour les news, critiques et dossiers essentiels d'Écran Large.
Vous aimerez aussi
commentaires
Aucun commentaire.