7e Festival asiatique de Deauville – Deuxième jour

Sandy Gillet | 12 mars 2005
Sandy Gillet | 12 mars 2005

Cette deuxième journée du septième festival du film asiatique de Deauville aura été marquée cette fois non pas par deux évènements mais plutôt par deux thèmes : la place des femmes (Charon, This charming girl) et celle des images (Born to fight, Breaking news) dans la société contemporaine. Et tout d'abord honneur aux dames en ce début de journée avec les cinquième et sixième films en compétition…

CHARON (Japon, 2004)
Réalisateur : Gen Takahashi

Résumé : Une jeune femme accepte de se marier car son époux lui a promis de ne pas avoir de relations sexuelles avec elle. Travaillant la journée dans une librairie, elle devient la nuit venue Charon, une call girl très demandée dont s'est épris un malfrat. Un jour, son mari découvre la vérité et Charon décide alors de disparaître…

Charon porte doublement bien son titre. Non seulement parce que toute l'intrigue ou plus exactement toutes les intrigues sont centrées sur son personnage principal mais aussi parce que tout l'intérêt du film (ou presque) tient dans l'actrice qui interprète le rôle-titre, Megumi Morisaki. Durant 90 minutes, Charon alterne cycliquement les scènes représentatives des différentes facettes de son héroïne (mariage platonique, libraire, pute de luxe, romance avec un malfrat), offrant ainsi une vision d'ensemble douce-amère de la condition (sociale, professionnelle) et de l'indépendance (financière, affective) des femmes dans la société contemporaine et plus particulièrement la société japonaise (les mariages « arrangés »). Et si ce portrait aurait gagné à supprimer un ou deux cycles de trop et à bénéficier d'une mise en scène (entièrement réalisée caméra à l'épaule) moins chaotique, plus posée et appropriée (l'image bouge beaucoup trop et sans arrêt), le réalisateur – scénariste Gen Takahashi a en revanche eut la bonne idée d'exposer les choix de son héroïne sans pour autant chercher à les justifier par un quelconque subterfuge dramatique.


Gen Takahashi

THIS CHARMING GIRL (Corée du Sud, 2004)
Réalisateur : Lee Yoon-Ki

Résumé : Jeong-hae mène une vie paisible et monotone à Séoul, partageant son temps entre le bureau de poste où elle travaille et son appartement qu'elle occupe seule. Un jour, elle ramène chez elle un chaton égaré, et doucement les souvenirs, puis les traumatismes de l'époque où sa mère était encore en vie refont surface.

Ce joli portrait de femme blessée se distingue par une vraie pudeur, tant dans son traitement thématique que dans sa mise en scène lumineuse. Les silences précèdent les petites habitudes, et le spectateur suit sans déplaisir un quotidien, forcément banal mais toujours envoûtant. Malheureusement, l'ennui est en embuscade, et la dernière demi-heure tend à faire du surplace. La révélation finale, attendue, en pâtit, même si cette charmante fille laisse de très doux souvenirs.

Après la délicatesse féminine, place à une débauche de cascades et d'effets pyrotechniques avec Born to fight, présenté dans le cadre de la compétition « Action Asia » et Breaking news, précédé pour ce dernier d'un « Regards sur Fruit Chan », cinéaste hongkongais à qui l'on doit des œuvres aussi marquantes que Made in Hong-Kong, Durian Durian ou encore Little Cheung…


Lee Yoon-Ki

BORN TO FIGHT (Thaïlande, 2004)
Réalisateur : Panna Rittikrai

Résumé : Un officier de police se joint à un groupe d'athlètes de haut niveau afin de participer à une oeuvre de charité dans un petit village. Mais pas de chance, ils vont se retrouver pris en otage par un gang de terroristes.

La filiation avec le Ong-Bak réalisé par Prachya Pinkaew et interprété par Tony Jaa ne peut être passée sous silence. En effet, le réalisateur Panna Rittikrai a participé à l'écriture du scénario et en a chorégraphié les scènes d'arts martiaux. Même combat pourrait-on dire, sauf que le grand frère avait le mérite de raconter une histoire. Ici, le pitch n'est qu'un prétexte à une débauche visuelle non-stop (« on s'en fout du prétexte » clame Stéphane Argentin), avec massacres de villageois, combats dansés, explosions répétées et répétitives, et un joli champignon atomique (!!!). Si la réalisation se révèle parfois originale (toute une séquence en Doom-like), elle manque aussi cruellement de fluidité. La faute à un montage approximatif et à une volonté de gavage plutôt désagréable. En effet, les scènes d'action sont successivement impressionnantes puis jouissives et enfin littéralement agaçantes. Malgré un rythme soutenu, grâce à une musique technoïde entraînante, le film finit par ressembler à une campagne de pub pour cascadeurs. Surtout lors du générique de fin, où en lieu et place de l'habituel bêtisier, le spectateur a droit à un bonus qui ne laisse aucun doute sur le véritable but de l'entreprise. Réjouissez-vous, les acteurs ont eu mal, très mal, mais ils vont bien.


Panna Rittikrai

BREAKING NEWS (Hong-Kong, 2004)
Réalisateur : Johnnie To

Résumé : Une équipe du journal télévisé retransmet en direct la fusillade qui oppose un bataillon de forces de police à cinq malfrats qui viennent de dévaliser une banque. La diffusion de la défaite humiliante des policiers porte un coup terrible à leur crédibilité. Jurant de capturer les criminels à tout prix, la police réquisitionne trente mille hommes, et découvre finalement par hasard le repère des cambrioleurs. L'inspecteur Rebecca décide alors de transformer l'assaut en véritable spectacle télévisé. Elle pénètre dans le bâtiment accompagnée d'officiers de police dont les casques sont équipés de caméras. La population de Hong-Kong se retrouve alors rivée devant les postes de télévision.

Présenté hors compétition à Cannes en 2004, Breaking news sera le troisième long-métrage de Johnnie To à bénéficier d'une sortie dans les salles françaises après The mission et Fulltime killer et en attendant la sortie prévue de PTU. L'excellent dosage entre le polar noir d'un PTU et la maîtrise visuelle (en moins démonstratif tout de même) d'un Fulltime killer, le tout concentré dans un jeu de cache-cache en quasi temps réel entre policiers et truands font d'ailleurs de Breaking news probablement l'un des meilleurs long-métrages de Johnnie To et accessoirement son film le plus exploitable sur le plan international. À cela s'ajoute une réflexion sous-jacente sur le pouvoir des images et des médias (presse, internet…) qui achève de positionner ce film comme un incontournable pour qui cherche un divertissement à la fois réfléchi et appliqué.


Johnnie To

Si cette journée fut moins riche en terme de séances, elle le fut en revanche en rencontres puisque, après une interview (prochainement en ligne) de Takashi Miike le matin, rendez-vous était pris immédiatement après la projection du film de Johnnie To dans un lieu appelé « La Galerie de Tourgéville », à quelques kilomètres de Deauville pour la soirée de lancement de la nouvelle collection de cinéma asiatique « Asian Star », dirigée par Jean-Pierre Dionnet.

Takashi Miike

Sur la piste de danse, aux abords des buffets constitués de spécialités asiatiques (des rouleaux de printemps confectionnés sous nos yeux) ou locales (plusieurs variétés de fromages et de charcuteries) ou encore autour d'une coupe de champagne ou d'un verre de vin, on pouvait ainsi croiser journalistes et artistes venus assistés au festival comme par exemple Takashi Miike en pleine dédicace d'un DVD de Dead or alive ou encore échanger quelques mots avec un joli petit brin de japonaise, interprète principale du film Charon (merci Mr. Shakespeare pour cette magnifique langue universelle qu'est l'anglais !). Tout du moins pour ceux qui parvenaient à couvrir le bruit de la musique, le DJ ayant visiblement eu la main un peu lourde sur le bouton du volume !

Après quelques verres, mets et échanges verbaux (seulement verbaux ? Ndlr), il était déjà grand temps de rentrer à l'hôtel mais pas les mains vides puisque chaque invité repartait en effet avec un joli petit sac contenant un DVD de présentation des premiers titres de la collection « Asian Star », un mini classeur avec des fiches détaillées sur chaque film ainsi que deux des quatre titres à paraître le 20 avril 2005 lors du lancement de la première vague de DVD de la collection : The legend of evil lake et Yesterday. On a plus qu'une seule envie à présent : rentrer au plus vite pour tester ces premiers disques (en espérant que les sept autres nous parviendront rapidement) mais avant cela, il reste encore deux jours de festival…

Vincent Julé & Stéphane Argentin

Newsletter Ecranlarge
Recevez chaque jour les news, critiques et dossiers essentiels d'Écran Large.
Vous aimerez aussi
commentaires
Aucun commentaire.