Avatar 2 : la BO du film est-elle vraiment si nulle ?

Antoine Desrues | 14 juin 2023 - MAJ : 15/06/2023 08:40
Antoine Desrues | 14 juin 2023 - MAJ : 15/06/2023 08:40

Si Avatar 2 : La Voie de l'eau divise les spectateurs, la fresque épique de James Cameron peut aussi être interrogée sur la qualité de sa bande-originale.

Parmi les collaborateurs les plus fidèles de James Cameron, impossible de ne pas s’attarder sur James Horner, le compositeur des bandes-originales les plus fameuses du cinéaste. Bien sûr, tout le monde a retenu les percussions martiales d’Aliens, les flûtes de Titanic et les voix enchanteresses du premier Avatar. Mais à notre grand désarroi, James Horner nous a tragiquement quittés des suites d’un accident d’avion en 2015. 

Si l’artiste a marqué de son empreinte le monde de la musique de films (Braveheart, Star Trek II, Le Masque de Zorro...), il fallait trouver quelqu’un capable de remplacer le maestro sur les suites d’Avatar. Il faut bien admettre que sur ce coup-ci, James Cameron n’a pas pris de grand risque, puisqu’il s’est tourné vers Simon Franglen.  

Le nom peut sembler inconnu, et pourtant, le compositeur a travaillé sur un nombre conséquent de films à succès, ainsi qu’avec des artistes pop (de Michael Jackson à Madonna en passant par Barbra Streisand) en tant qu’arrangeur et producteur. Le pedigree du bonhomme est plus qu’imposant, même s’il est surtout resté un homme de l’ombre aussi discret qu’indispensable. Ses collaborations privilégiées avec Alan Silvestri, Howard Shore et bien sûr James Horner ont fait de lui un candidat évident pour prendre la suite de l’aventure musicale sur Pandora. Mais là est peut-être le problème... 

 

Avatar 2 : La Voie de l'eau : photoLe premier qui touche à James Horner, il s'en prend une

 

Réincarnation ou copiage ?

Déjà crédité sur la bande-originale du premier Avatar, Simon Franglen a pu prendre les rênes sur la composition bien avant la sortie de La Voie de l’eau. En effet, le décès de James Horner nous a privés de le voir finir son travail sur Pandora – The World of Avatar, la zone dédiée à la planète imaginaire au sein de Disney World. Franglen a donc conclu le travail du maître, mais est resté dans des chaussons plutôt confortables, en se contentant de reprendre les sonorités et les motifs d’Horner sans trop chambouler la formule.  

Or, La Voie de l’eau souffre principalement de cette même démarche. Il est bien évidemment logique pour une franchise de réutiliser les thèmes instaurés par le passé, mais la musique d’Avatar 2 se contente la plupart du temps de recycler les temps forts du premier album. Certes, l’idée est parfois efficace au vu des parallèles que Cameron tisse entre certaines séquences de sa suite avec celles du film original, mais le sentiment de redite est bien présent, et ce dès les premières minutes du long-métrage (Happiness Is Simple).  

 

 

 

Sur ce point, il y a d’ailleurs deux exemples révélateurs. Même en prenant la bande-originale complète (composée de 32 pistes), deux scènes importantes d’Avatar 2 n’ont pas droit à leur morceau isolé, tout simplement parce qu’il s’agit d’une réutilisation non dissimulée des compositions d’Horner. La première, c’est lorsque Lo’ak se fait attaquer par le Nalutsa (sorte de requin géant de Pandora) sur la même musique que la poursuite avec le Thanator dans le premier film. Et la seconde, c’est lors du décès de la mère Tulkun (faisant suite à la piste The Hunt), qui reprend avec le même sens de la tragédie l’un des thèmes les plus fameux d’Avatar : la fin de The Destruction of Hometree

Pour autant, ces “temp musics” plus ou moins assumées tendent à prouver que le problème vient moins de Franglen que de Cameron lui-même, dont l’approche de la musique de films cherche souvent le plus petit dénominateur commun, pour assurer que la partition aide au dynamisme et à l’immersion de ses séquences, quitte à la priver d’une identité trop marquée. Horner a su amplement transcender de telles limites par le passé (surtout avec Aliens et Titanic), mais il est clair que son collaborateur n’a pas une telle marge de manœuvre ici.  

 

 

 

Il est même bon de rappeler qu’à l’origine, le worldbuilding gargantuesque d’Avatar – qui a demandé l’intervention de linguistes, de biologistes et d’anthropologues – a amené Horner à faire de nombreuses expérimentations, afin de créer la musique la plus extraterrestre possible. Le compositeur est allé piocher dans un grand nombre de cultures, et a même tenté une approche nouvelle du solfège en imaginant comment des aliens à quatre doigts envisageraient leur musique. Résultat, Cameron a pris peur face à l’étrangeté de la proposition, et a demandé à Horner de rester sur des bases plus classiques, pour ne pas trop perturber le public.  

Si on peut considérer cette régression comme un rendez-vous manqué, la partition de James Horner sur le premier Avatar est néanmoins très identifiable, sans doute parce que le compositeur y a magnifié la plupart de ses tics, de son fameux motif du danger repris de Rachmaninov à ses flûtes agressives. De son côté, Simon Franglen reprend cette grammaire, et l’agrémente d’ajouts plus ou moins intéressants.  

 

 

 

La voix de l'eau

Passée la déception première d’une musique plus effacée, il convient toutefois de souligner les réussites de la BO d’Avatar 2, à commencer par son nouveau thème : The Songcord. À la fois représentatif de la fusion de la famille Sully et de leur place toute mythologique dans l’univers de la saga, ce motif mélancolique est pensé avec malice pour conférer diverses émotions selon son utilisation.  

La poignante chanson qui en est à l’origine dans la diégèse (magnifiquement chantée par Zoe Saldana) se révèle être un chant de deuil dévastateur, portant en lui les regrets d’un couple qui embarque ses enfants dans une guerre qu’ils n’ont pas demandée. Franglen n’hésite pas à décliner cette base mélodique de façon plus épique (Leaving Home, Bad Parents), avant de l’exploiter comme fondation de la chanson finale de The Weeknd, Nothing Is Lost (Give Me Strength) (que l’auteur de ces lignes écoute en boucle, ne le jugez pas). 

 

 

 

À partir de là, il faut reconnaître que Franglen se montre particulièrement doué pour reprendre le style d’Horner, et plus particulièrement l’énergie de ses morceaux d’action et de tension, bourrées de montées de gamme stressantes, de cordes déchaînées et de cuivres pétaradants. De Na’vi Attack à Knife Fight en passant par Train Attack et A New Star, le compositeur sait se montrer efficace, tout en apportant quelques touches nouvelles, comme des chœurs à la dimension plus lyrique, ou d’étonnantes sonorités électro.  

Mais la bande-originale d’Avatar 2 s’accorde surtout à l’ambition première du film : la nécessité de créer une atmosphère enveloppante au contact du peuple Metkyina et de la vie marine. On pourrait reprocher à Franglen de développer cet aspect éthéré avec un peu trop d’évidence (chimes, voix, xylophones, piano et aplats de cordes), mais le morceau The Way of Water recèle une évidente beauté, au même titre que la piste la plus déchirante de l’album, From Darkness To Light (le grand final émotionnel du long-métrage).

 

 

 

Il en va de même pour Payakan, le thème dédié à la rencontre entre Lo’ak et le Tulkun paria. L’orchestration de Franglen, en quête d’un pur sens du merveilleux, est contrastée par des ondes (obtenues par un thérémine ?) reproduisant le chant des baleines. L’effet est subtil (surtout au sein du mixage global du film), mais La Voie de l’eau est parfois sauvé musicalement par ces petites trouvailles. Il n’empêche que la fresque de James Cameron aurait sans doute mérité plus (et surtout plus original), mais on espère que le potentiel de Simon Franglen sera plus assouvi dans les suites à venir.

Tout savoir sur Avatar 2 : La Voie de l'eau

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commentaires
Madmartigan
27/01/2023 à 11:30

Comment parler de James Horner sans citer sa magnifique BO de Willow !!!

Ybag27
24/01/2023 à 11:40

Quel est le titre et chanteur de la chanson du générique de fin ?
Merci.

Morcar
16/01/2023 à 09:45

Si vous aimez James Horner ;)
https://www.youtube.com/watch?v=QE6mI8lAq5Q&t=161s

Mahabalipuram
15/01/2023 à 22:35

Question plagi....inspiration, il n'est vraiment pas allé chercher loin quand c'était hors du registre d'Horner. "Songcord" est quasi note pour note une introduction de Loreena Mckennitt :

https://twitter.com/Larry_Quark/status/1608175342350438402?s=20&t=0Ys9Aey0AOauUE7AzWO60Q

Pseudocool
15/01/2023 à 20:37

Personnellement je l'écoute en boucle cette bo, je la trouve absolument sublime. Passer après james horner n'était pas chose facile, j'étais très septique, et pourtant je trouve que Monsieur Franglen s'en sort très bien. J'ai hâte de voir son travail dans le futur.

LCR
15/01/2023 à 19:50

Excellente bande originale, comme je l'avait dit dans un autre article, non seulement Franglen rend hommage à Horner de manière intelligente et foisonne d'easter-eggs (certains fans de Horner et critiques de musique de films ultra pointilleux comme Filmtracks stipule même que le compositeur adapte les motifs clés d'Horner mieux qu'Horner lui-même), mais arrive aussi à trouver sa propre voix avec les nouveaux thèmes magnifiques et bien émotionnels, et quand ça passe à l'action ça explose !

La musique d'Horner dans le 1er volet était sublime (je n'arrête pas d'écouter en boucle "Quaritch Down"), mais le 2ème volet arrive franchement à épater ! En plus la facilité et l'accessibilité d'écoute de l'album (la version longue est à conseiller) est incroyable.

Nyl
15/01/2023 à 19:41

Je n'ai pas cette impression de copié collé, pour l´écouter de nombreuses fois. Certes, vous avez cité les meilleurs titres, et il y a des ressemblances sur certaines notes. Mais c'est bien différent. Copié collé me.parait exagéré

mérovingien7
15/01/2023 à 18:56

Copier / coller !

Voila ce qui résume la BO du film... Le compositeur a été ultra faignant... -_-

Eusebio
15/01/2023 à 11:19

Une musique assez conventionnelle, en effet.
Sans être un grand fan de la BO du premier, j'avoue l'écouter avec pas mal de plaisir. Mais j'enrage de savoir que le travail d'Horner serait allé beaucoup plus loin et de manière beaucoup plus originale... Merci Jim...
Là, en revanche, je n'ai écouté la BO qu'une fois... Et je l'ai déjà oubliée. Dommage, pour un film d'une si grande ambition, qui se présente comme l'œuvre qui repousse les limites de la technologie, de se doter d'une musique si commune, et qui pourrait être celle de n'importe quel blockbuster.
Comme vous le dites, elle n'est pas ratée. C'est juste qu'elle n'est pas du tout à la hauteur de l'ambition du projet. Peut-être aussi qu'il aurait fallu lui laisser les moyens d'y arriver, plutôt que de bêtement copier-coller ce qui a déjà été fait...