Bons baisers de Bruges : la belle dépression des gangsters anonymes

Bières, gondoles et armes à feu, voici les ingrédients de Bons baisers de Bruges, le cocktail criminel de Martin McDonagh avec Colin Farrell et Brendan Gleeson.

Du malfrat avide de détrôner le "padre" au grand bandit avec le cœur sur la main, on trouve des gangsters un peu partout dans l'histoire du cinéma. Mais peu sortent réellement du lot. Scorsese et Tarantino, deux des maîtres en la matière, ont bien défraîchi le terrain moderne il faut dire, contribuant largement à la popularisation de ces figures criminelles.

Qu'un nouveau-venu (pas vraiment inconnu pour les théâtrophiles, mais loin d'être identifié par le grand public) ait réussi à créer l'évènement dans le genre si cloisonné du film de gangsters est donc une petite prouesse en soi. Son nom est Martin McDonagh, et son premier grand fait d'armes s'appelle Bons baisers de Bruges. 

Éclipsant très vite ses contemporains irlandais jusqu'à son frère aîné, aussi réalisateur, McDonagh se signale grâce à un ton bien à lui, entre humour noir et franche mélancolie, qu'il a continué d'explorer avec ses films suivants (notamment Sept Psychopathes et Three Billboards). Alors quand il parvient à rassembler Colin Farrell, Brendan Gleeson et Ralph Fiennes (pardonnez du peu) pour Bons baisers de Bruges, c'est une famille de cinéma qui se dessine d'ores et déjà pour McDonagh ; et aussi une véritable signature d'auteur. 

 

À la tienne Étienne !

 

TUER LE TEMPS

"Je suis parti en week-end à Bruges il y a quatre ans environ, je ne connaissais rien à propos de la ville (…) et j'ai été émerveillé de voir à quel point c'était magnifique, et en même temps, après deux ou trois heures, j'ai commencé à m'y ennuyer, donc j'avais l'impression que deux parties de mon cerveau se débattaient l'une contre l'autre (...)". C'est Martin McDonagh lui-même qui le racontait dans le making-of de Bons baisers de Bruges. Des sentiments ambivalents qui lui ont inspiré le point de départ du projet, et qu'incarnent les deux protagonistes et criminels en fuite.

Quand ils arrivent à Bruges pour faire profil bas suite à un contrat ayant mal tourné, Ken (Brendan Gleeson) et Ray (Colin Farrell) ne vivent pas du tout de la même façon cette retraite forcée. Si le premier se réjouit de pouvoir visiter la ville, ses monuments et ses églises, le second, lui, se lamente d'être coincé dans le pire endroit sur Terre. Un décalage que l'on ressent à merveille tant le charme médiéval des lieux est sans cesse contrebalancé par la grisaille et le froid hivernal. Il est d'autant plus étonnant que le premier acte du film repose presque entièrement sur leur flânerie touristique et leurs débats pour ou contre la Venise belge (oui, l'enjeu est de taille).

 

Bruges les aura à l'usure