Fisher King : le Sacré Graal à la gloire de Robin Williams

Geoffrey Fouillet | 13 décembre 2022
Geoffrey Fouillet | 13 décembre 2022

Avec Fisher King, la folie de Robin Williams rencontre celle de Terry Gilliam au cours d'une quête chevaleresque improbable et inoubliable à Manhattan.

Parmi tous les cinéastes malchanceux en ce bas monde, et il y en a quelques-uns, Terry Gilliam trône en pôle position. Après Les Aventures du baron de Munchausen, l'une de ses expériences les plus douloureuses, au point où il s'était fait à l'idée de se retirer du milieu, le réalisateur revient par la grande porte, celle de la toute-puissante Hollywood, alors même qu'il s'était promis de ne pas s'en approcher et encore moins de la franchir. Plusieurs s'y sont cassé les dents avant lui et ont rebroussé chemin vers des horizons plus cléments et surtout indépendants.

Mais avec Fisher King, Gilliam venge à la fois ses prédécesseurs échaudés par l'aventure hollywoodienne et profite de l'occasion pour conjurer au moins un temps sa propre malédiction. Très enthousiaste à la lecture du scénario de Richard LaGravanese, qui écrira peu de temps après Sur la route de Madison (on a fait pire comme C.V.), il réussit à rassembler Jeff Bridges et Robin Williams, deux acteurs-stars, surtout le second, fraîchement sorti de Good Morning, Vietnam et Le Cercle des poètes disparus.

En bref, tous les voyants sont au vert, tant et si bien que le film obtient cinq nominations aux Oscars, dont un décroché par Mercedes Ruehl, partenaire de jeu des deux monuments précités, pour la catégorie "meilleure actrice dans un second rôle". Fisher King devient alors le plus gros succès critique et public du cinéaste, avant qu'il n'améliore encore son score avec son long-métrage suivant, L'Armée des Douze Singes. À ce stade, on s'interroge : et si Hollywood avait fait le plus grand bien au brave Gilliam ?

 

Fisher King, le roi pêcheur : photo, Robin Williams, Jeff BridgesQuand Robin Williams revisite Le Cri de Munch

 

JACK ET LE CLOCHARD

Cela ne vous a peut-être pas frappé, mais il y a bien dans Fisher King un conte de Noël qui s'ignore. En plus de se dérouler durant les fêtes de fin d'année, le film renoue avec une veine bien connue de ce type d'histoires : la rencontre de deux mondes radicalement opposés. On peut bien sûr penser au roman de Mark Twain, Le Prince et le Pauvre, ou côté cinéma à Un Fauteuil pour deux de John Landis, où deux personnages, l'un privilégié, l'autre miséreux, parviennent à s'entendre après avoir goûté aux joies et turpitudes de leur mode de vie respectif.

Gilliam brosse ainsi le portrait de Jack Lucas, un animateur de radio imbu de lui-même, à qui tout sourit, jusqu'au jour où l'un de ses fidèles auditeurs prend au mot ses conseils et abat froidement plusieurs individus dans un bar new-yorkais. Trois ans passent, et Jack continue de noyer sa culpabilité dans l'alcool. Un soir, tandis qu'il erre comme un pauvre hère dans les bas-fonds de Manhattan, prêt à en finir, Parry, un sans-abri, se porte à son secours. Le hic, c'est que son sauveur a perdu sa femme dans la tragédie qu'il a indirectement provoquée.

 

Fisher King, le roi pêcheur : photo, Robin WilliamsC'est à son épée qu'on reconnaît un preux chevalier

 

Cruauté et bonté font donc bien la paire ici, comme à la grande époque des classiques de Walt Disney, qui pouvaient autant amuser que traumatiser le jeune public (on donnerait cher pour revivre cet âge d'or, mais passons). Pas question non plus pour le réalisateur d'édulcorer sa patte visuelle si particulière derrière l'injonction de plaire au plus grand nombre. Les fans de la première heure de l'ex-Monty Python ont de quoi jubiler : les plans réalisés au fish-eye (un objectif qui produit un effet de déformation et de courbure des perspectives) ou "débullés", c'est-à-dire de travers, sont une fois encore au rendez-vous.

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commentaires
ZakmacK
15/12/2022 à 08:10

Un de mes films préférés. La poésie qui se dégage du film écrase pas mal d'autres tentatives. Une belle porte d'entrée dans les films de Terry Gilliam.

Pat Rick
14/12/2022 à 10:21

Si on est fan de Terry Gilliam c'est un film à voir mais ce n'est pas ce qu'il a fait de plus passionnant dans sa carrière.

Brazil
13/12/2022 à 20:55

Merveilleux Terry Gilliam, quand je pense aux bouses largement disponibles dans nos salles obscures, et au contraire les derniers films de Terry Gilliam, réalisateur majeur, introuvables dans la quasi totalité des salles françaises... ça en dit long.

Ray Peterson
13/12/2022 à 20:39

La création du chevalier rouge est absolument incroyable.
Un des meilleurs rôles de Robin Williams et un des meilleurs film de Gilliam. Ah la séquence de la gare centrale, d'une telle poésie! Et puis c'est là que j'ai découvert "Hit the Road Jack".
Que du bonheur.

dahomey
13/12/2022 à 14:54

Merci !!ce film est incroyable et inclassable....il fait partit de mes grands amours du cinéma !

Tuco
13/12/2022 à 14:22

Merci d'en parler, un film qui m'a marqué pour son humour et sa tendresse.