Black Panther 2 : Wakanda Forever – comment Marvel a évité la catastrophe

La Rédaction | 10 novembre 2022 - MAJ : 10/11/2022 11:14
La Rédaction | 10 novembre 2022 - MAJ : 10/11/2022 11:14

Malgré la disparition tragique de Chadwick Boseman, Black Panther 2 : Wakanda Forever débarque dans les salles, et condense le pire et le meilleur de Marvel.

Face à la progression de plus en plus algorithmique du Marvel Cinematic Universe, Black Panther 2 : Wakanda Forever ne pouvait que rendre curieux. Alors que le projet était déjà bien avancé dans sa pré-production, le décès de Chadwick Boseman a contraint Marvel à repenser sa copie sans le personnage de T'Challa.

Paradoxalement, ce bug on ne peut plus humain dans la machine super-héroïque fait de ce Black Panther 2 un film assez différent de ses camarades, marqué par un deuil qui brise à sa manière le quatrième mur, tout en devant rester un minimum sur les rails de l'innarêtable saga. A devoir jongler ainsi entre les prérequis de la franchise et ses propres enjeux, le long-métrage rassemble ce qu'on peut trouver de meilleur et de pire chez Marvel.

ATTENTION SPOILERS

 

 

Le meilleur de Black Panther 2

Des personnages, des vrais

C'est ce qui se remarque d'emblée : contrairement à d'autres productions de Marvel Studios qui ne savent absolument pas quoi faire de leurs héros (Thor : Love and Thunder en étant l'exemple le plus récent et le plus parfait), Black Panther : Wakanda Forever se soucie de ses personnages et de ce qu'ils traversent. Chacun possède son arc narratif et tous évoluent d'abord en tant qu'être humains : Shuri et la perte de son frère ; le deuil de Ramonda ; Namor et son combat contre l'exploitation du vibranium ; le retour difficile de Nakia au Wakanda ; et même Everett Ross et son passé romantique.

Certains en viennent même à se demander si le Wakanda a effectivement besoin d'un nouveau Black Panther après que Killmonger (Michael B. Jordan) a brûlé tous les plans d'herbe-coeur qui permettaient au héros d'obtenir ses pouvoirs surhumains et les personnages sont alors tiraillés entre la mélancolie du passé et la promesse de partage et de cohésion entre les peuples à l'avenir.

Même si le conflit entre le Wakanda et Talokan prend de plus en plus d'ampleur, Black Panther : Wakanda Forever reste à échelle humaine durant une grande partie du film et traite ses personnages comme des individus endeuillés, traumatisés et meurtris plutôt que comme des super-héros, des dieux ou des souverains.

 

Black Panther : Wakanda Forever : photo, Angela BassettGod save the Queen

 

L'hommage à Chadwick Boseman

Il était évident qu'au-delà d'honorer la mémoire de son super-héros (comme Spider-Man : Far From Home l'a fait pour Iron Man), Black Panther 2 serait aussi et surtout un grand hommage à Chadwick Boseman, décédé en août 2020, soit un exercice inédit et ô combien plus délicat. Au-delà du générique remanié à son effigie, par ailleurs très solennel par l'absence de musique, le scénario dresse donc un parallèle évident entre la mort soudaine de l'acteur et celle du roi du Wakanda.

Le récit se nourrit ensuite de cette double perte avec une réflexion méta plutôt pertinente sur sa succession et la difficulté de remettre quelqu'un dans le costume de Black Panther. Si cette problématique est torchée dans le dernier acte, la révérence à l'acteur atteint son point culminant dans l'unique scène post-générique (qui n'en est pas vraiment une).

En plus de se démarquer de ses aînées en évitant les habituelles bouffonneries et autres connexions obligatoires au reste de l'univers étendu, la simplicité de la scène et l'émotion palpable des deux actrices qui y prennent part permettent de conclure sur une note mélancolique et commémorative tout en s'ouvrant sur un avenir plus chaleureux. Bref, c'est un moment beau, touchant et sincère, soit tout ce qu'on ne croyait plus Marvel capable d'être.

 

Black Panther : Wakanda Forever : photoLa marche blanche de Marvel

 

FOR (MORE) WAKANDA

L'un des principaux problèmes du premier Black Panther réside dans sa peinture très limitée du Wakanda. Alors que ce territoire politiquement isolé du reste du monde est au centre des enjeux, le film se contente de rester du point de vue des puissants dans leur tour d'ivoire, au travers d'une simple montagne, d'un métro futuriste et d'une plaine, sans jamais savoir raccorder spatialement l'ensemble.

Sur ce point, Wakanda Forever affiche une réelle progression. Dès le départ, la mise en scène plus ample de Coogler sait trouver le point d'équilibre entre une concentration sur ses personnages et le besoin de les instaurer dans un espace défini. Le Wakanda vibre enfin grâce à ses magasins, ses passants, et surtout une topographie plus variée, comprenant un village au bord de l'eau, forcément au coeur de l'attaque de Namor.

Dès lors, on se sent beaucoup plus investi envers ce pays en proie à une potentielle invasion. Coogler fait évoluer sa réalisation au-delà de simples plans larges tendance fond d'écran en CGI, et trouve les raccords justes pour faire exister un peuple qui peinait jusque-là à s'incarner dans les autres films de la franchise.

 

Black Panther : Wakanda Forever : photoTout ça pour finalement tout casser

 

Le moyen de Black Panther 2

Visuellement, ça va, ihmotep

Là encore, c'est un détail qui se remarque dès l'enterrement de T'Challa dans la scène d'ouverture : Black Panther : Wakanda Forever est beau, du moins, plus que la plupart des autres films de Marvel. Certaines séquences, dont l'introduction, rappellent le style naturaliste des premiers longs-métrages de Ryan Coogler et le réalisateur, sans pour autant révolutionner la mise en scène des productions du MCU, parvient à donner une identité visuelle encore plus prononcée que dans le premier volet à son film, que ce soit au niveau des décors, des costumes ou de l'image.

Sa directrice de la photographie, Autumn Durald Arkapaw, a travaillé sur Teen Spirit et Loki, mais aussi sur des clips de rap et de R'n'B (dont celui du morceau Lift Me Up de Rihanna pour la bande-originale du film). Sa façon de capturer le Wakanda, Talokan et les peuples qui les font vivre évoque justement le travail de certains clips musicaux, avec ses couleurs vives et ses compositions humaines presque picturales.

En revanche, si les effets spéciaux sont décemmement mieux utilisés que dans le premier (ce qui n'était pas très difficile), les scènes de nuit ne sont toujours pas au point en terme de lumière et la bataille finale avec son tourbillon de CGI sur l'eau ressemble à n'importe quel autre maelström visuel de Marvel.

 

Black Panther : Wakanda Forever : photoAfropop

 

Un discours politique mieux tenu

Dans la continuité du premier film, Black Panther 2 se rêve en tragédie shakespearienne, avec en son coeur toute une réflexion sur l'isolationnisme d'une nation qui cherche à préserver ses richesses de pays peu scrupuleux. Problème, le premier opus se heurtait à cette dure réalité, en donnant tellement raison à son antagoniste Killmonger (qui reprochait au Wakanda d'abandonner le reste d'une Afrique oppressée) que le dernier acte se devait d'en faire un méchant bien plus simple et binaire.

Si Wakanda Forever n'évite pas totalement le même écueil, il s'en sort mieux que son aîné grâce à Namor, autre souverain qui partage les mêmes objectifs que les héros. En voulant se préserver du reste du monde, le Wakanda et Talokan deviennent deux peuples parias, l'un avec une politique faite de concessions, l'autre avec une pensée beaucoup plus absolutiste. Black Panther 2 cherche à explorer les limites de la diplomatie, jusqu'au point où les dissonances idéologiques amènent de potentiels alliés à devenir ennemis (et la réapparition d'un certain personnage accentue habilement l'aspect inévitable de la guerre).

Dommage que le dernier acte tombe dans les mêmes travers que le premier film, et transforme Namor en antagoniste bas du front, qui tue un peu dans l'oeuf la dimension douce-amère d'un discours politique intéressant. C'est bien de vouloir montrer que l'histoire se répète, mais il ne faut pas le prendre au pied de la lettre, Marvel...

 

Black Panther : Wakanda Forever : photo, Tenoch Huerta"La République, c'est moi !"

 

Un scénario bicéphale

Dès la scène d'ouverture, le film joue cartes sur table en annonçant la disparition de T'Challa. Le long-métrage évite de tergiverser sur le sort du super-héros et ne tente pas de surjustifier sa mort pour se concentrer plus judicieusement sur ses conséquences. De la même façon que la mort de T'Chaka a marqué la naissance du roi T'Challa et de son alter ego, la sienne est donc à son tour l'élément déclencheur pour l'avènement d'une nouvelle Black Panther et souveraine.

Cette première séquence sert ainsi de socle narratif à l'histoire et à ses personnages qui tentent de faire leur deuil tout en protégeant le Wakanda de l'arrivisme des États occidentaux qui pensent pouvoir tirer parti de leur faiblesse momentanée. Un programme déjà bien chargé qui à lui seul aurait pu s'étendre sur plus d'une heure et demie, mais qui a dû composer avec l'intrigue sur Namor qui était certainement prévue dans les plans initiaux.

Outre le fait que le film dure plus de 2h45 et n'évite donc pas quelques ruptures de rythme dommageables, le plus gros problème est que cet autre arc narratif sur l'affrontement des deux peuples repose lui-même sur un drame, la mort de la Reine Ramonda, qui après coup tient plus de la simple péripétie que du vrai pivot narratif. Le décès du personnage joué par Angela Bassett devait être l'événement central du récit, mais perd de son importance et de sa charge émotionnelle en comparaison de la mort de T'Challa (et de Chadwick Boseman).

 

Black Panther : Wakanda Forever : photoToo late

 

Le pire de Black Panther 2

Ironheart

Même si Black Panther 2 s'éloigne (du moins un temps) de la formule Marvel, le film a quand même dû respecter l'imposant cahier des charges du studio, notamment pour l'introduction de Riri Williams (Dominique Thorne) alias Ironheart.

Comme America Chavez dans Doctor Strange in the Multiverse of Madness ou Monica Rambeau WandaVision, il s'agit d'un énième MacGuffin baladé d'un bout à l'autre du scénario. Sa personnalité est embryonnaire et calquée sur la plupart des personnages féminins récemment introduits : une tête brûlée ingénieuse qui excelle dans le sarcasme, mais fait des conneries par immaturité ou excès de zèle.

Il lui fallait bêtement une porte d'entrée vers le MCU avant d'être réellement creusée et caractérisée dans Ironheart, sa série éponyme déjà annoncée sur Disney+. En attendant, le scénario a assuré le minimum syndical en résumant son passé en une phrase et en glissant une réplique peu anodine à propos de la technologie de Stark Industries qu'elle a utilisée pour confectionner son armure.

 

Black Panther : Wakanda Forever : photo, Dominique ThorneOn fera réellement connaissance en 2023...

 

LE CLIMAX

La force involontaire de Black Panther 2, c'est que la disparition de Chadwick Boseman fait complètement dérailler le film des préceptes habituels du MCU. Pour autant, on sent bien que le récit cherche dès qu'il le peut à revenir sur le droit chemin, attiré comme un aimant par les clichés les plus éculés de la firme. Si She-Hulk s'en moquait récemment avec son dernier épisode, Marvel n'a malgré tout pas l'envie de faire évoluer sa formule, qui condense ici tous ses pires travers dans le climax.

Le dégueuli numérique pullule en même temps que les faux plans-séquences et les super-armures, qui font de chaque personnage des figurines invincibles parées pour l'action. Face à toute la dimension humaine et tragique construite par le reste du métrage, Wakanda Forever vrille dans le blockbuster tellement classique qu'on s'en lasse avant même son exécution. Pire encore, cette démarche dévoie totalement le twist intrigant autour de la cruauté de Shuri, prête à tout pour venger sa famille. Finalement, tout rentre bien vite dans l'ordre, et les nombreux morts issus de ce conflit entre le Wakanda et Talokan sont balayés littéralement par un simple coucou de la main, comme si le sang ne venait pas de couler. Pathétique.

 

Black Panther : Wakanda Forever : photoPanthère championne de gymnastique

 

Tout ça pour ça ?

Malgré la disparition de T'Challa dès le début, les apparitions de Namor et d'Ironheart, le retour de Nakia, les aventures d'Everett Ross, la mort soudaine de Ramonda et Shuri qui reprend le costume en étant attirée du côté obscur par le fantôme de Killmonger, Black Panther : Wakanda Forever laisse la vilaine sensation de ne rien raconter au terme de ses 2h47.

Le long-métrage, contraint de recoller les morceaux entre eux après la mort de Chadwick Boseman, fait donc office de transition en installant Shuri comme la nouvelle Black Panther et reine du Wakanda entre deux escapades dans le monde extérieur. Mais plutôt que d'approfondir la mythologie du Wakanda, le deuil de Nakia ou le caractère anti-héroïque et divin de Namor, le récit s'étire à en devenir fastidieux et n'apporte rien par rapport au premier film.

 

Black Panther : Wakanda Forever : photo, Lupita Nyong'oA l'Ouest, rien de nouveau

 

Alors que Black Panther essayait d'amener des enjeux géopolitiques autour du Wakanda et du vibranium, cette suite traite la question par-dessus la jambe avec une histoire de machines scientifiques obscures et d'opérations secrètes, puis introduit tout un tas d'éléments et de personnages de façon indigeste avant de revenir sur un récit autour de la vengeance pour expliquer, au final, qu'être méchant, c'est pas très gentil. Non seulement c'est niais et ça ruine tout ce qu'essaie de faire le film plus tôt, mais c'est surtout beaucoup trop pour ce que c'est.

Tout savoir sur Black Panther : Wakanda Forever

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commentaires
fredisdead
26/02/2023 à 12:47

Je vous aime bien EL mais parfois j'ai du mal à saisir la bienveillance dont vous faites par notamment dans le cas ici d'un blockbuster avec au scénario un recalé de la saison 2 de chateauvallon.

Pour commencer je trouve extrêmement pompeux d'étirer sur 2h30 une histoire qui aurait tout gagné à être proposée en 1h45 chips en main. En plus ils auraient économisés des ronds. Ici ce qui pose souci avant tout ce sont les arcs narratifs. Qui se preocuppe réellement de ces personnages ? Ils n'étaient tous que des pnj au service de T'Challah. Un spin off sur le lore aurait peut être été plus convaincant que de nous proposer la sœurette (gros déficit de charisme et aucune aptitude physique contrairement au frangin qui avait du faire ses preuves sur ce terrain avant d'avoir l'upgrade techno). L'arc autour de la surdouée est l'un des pires vu chez marvel tellement il est vide de sens, de passif, d'histoire prenante. Et pas de souci si elle intercepte un drone à 9000m (en gros elle se fait l'ascension de l'everest en 5 secondes..). Ok on ne demande pas du réalisme chez Marv mais il peut être bien de ne pas prendre (tous) les spectateurs pour des chèvres.

Le vilain qui n'est pas si vilain... Au pire il surnage, mais encore une fois à aucun moment on ne sent un enjeu moins binaire que celui qui est proposé car à aucun moment on ne pense que wakanda les flots puisse passer du côté sombre de la force. Bref on attend juste patiemment un déroulement.. plat de bout en bout.

Alors qu'ils cherchent à sortir du modèle raté de l humour naze ( le dernier thor) mais carrément mais s'ils voulaient donné une dimension ++ qu'ils aillent revoir Logan par exemple.

souleater34
11/11/2022 à 09:39

Même pas un commentaire sur le w o k i s m e du film... (bon avec Marvel, on devrait s'y habituer)

Rayan
10/11/2022 à 14:47

Ils ont évite la catastrophe ???

Ouff sauvés, manquerait plus que le film fasse 400M au monde d'entrée pour confirmer cela