Les Triplettes de Belleville : la fausse comédie à tenir hors de portée des enfants

Déborah Lechner | 29 avril 2022
Déborah Lechner | 29 avril 2022

Les Triplettes de Belleville parle de quatre mamies têtes brûlées qui traquent la mafia française et du Tour de France. C'est un film d'animation drôle, acerbe, malin, mais surtout profondément mélancolique. 

Une petite grand-mère au fort capital sympathie, son petit-fils en danger, sa folle odyssée outre-Atlantique pour le sauver, sans oublier son chien bouffi et trois anciennes chanteuses déjantées pour lui prêter main-forte... S'il coche a priori toutes les cases du film d'animation formaté pour un jeune public, Les Triplettes de Belleville n'est pas à ranger au même rayon que Frère des ours de Disney ou Sinbad : La Légende des Sept Mers de Dreamworks, également sortis en 2003. 

Dès sa scène d'introduction, le film réalisé par Sylvain Chomet impose sa singularité et son ambiguïté. Entre d'un côté son émission de music-hall rétro et son bombardement de références culturelles - d'Albert Einstein à Joséphine Baker en passant par Charles Trenet, Fred Astaire ou Django Reinhardt - et de l'autre sa dynamique de cartoon grotesque, difficile de savoir si le film s'adresse à des spectateurs novices ou plus aguerris.

Ce long-métrage quasiment muet, qui convoque le cinéma de Jacques Tati, ne se soumet à aucun cahier des charges ni impératif commercial et se classe plutôt du côté des objets cinématographiques atypiques. Son ton et son style graphique singuliers, plus mélancoliques que burlesques, lui confèrent ainsi son statut de film d'auteur culte.

 

Les Triplettes de Belleville : photoSwinging Belleville rendez-vouuuuus

 

Votez Jean-Claude Pourri

S'il s'affaire à raconter une histoire simple jalonnée de gags grotesques, les Triplettes de Belleville prend place dans le contexte économique et social plus complexe de l'après-guerre. Après un bref retour dans les années folles, la narration s'applique à désenchanter les Trentes Glorieuses, dont il présente sous un jour défavorable le bond démographique et la croissance de la production industrielle.

Cette dernière est ainsi mise en parallèle avec les hommes, et plus particulièrement les cyclistes, qui deviennent à leur tour des machines déshumanisées et exploitées par appât du gain. Bruno, le gros chien, fait également plusieurs rêves où il est sur un engin à vapeur, en train de foncer dans un mur ou de tourner en rond, comme un mauvais présage arrivé trop tard.

 

Les Triplettes de Belleville : photoLe temps fait son oeuvre

 

Vestige d'une époque disparue, la petite maison de Mme Souza, idéalement située dans un paisible village en périphérie de Paris, est progressivement cernée par les grues de chantier et des habitations de plus en plus entassées qui grignotent et assombrissent le paysage. Dans les années 60, la maison de campagne a fini par être complètement engloutie par l'urbanisme et jouxtée par un pont ferroviaire qui fait trembler et pencher ses murs. Ironiquement, un bus du quartier indique que l'emplacement correspond désormais au 21e arrondissement imaginaire de Paris, proche de la porte de Poissy, tout aussi fictive.

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commentaires
L'indien Zarbi.
30/04/2022 à 09:56

Chef d'œuvre.

Ankytos
29/04/2022 à 20:18

Vu à sa sortie. Je ne me souviens pas de beaucoup de choses, quelques moments et images, mais surtout une ambiance et des graphismes. Il me reste également le souvenir d'avoir passé un bon moment.