Street Trash : la beuverie gore que même son réalisateur a reniée

Mathieu Jaborska | 14 avril 2022
Mathieu Jaborska | 14 avril 2022

Punk et multicolore, gore et misanthrope, Street Trash fait tache dans l'histoire de la série B crado, ainsi que dans la carrière de son prestigieux réalisateur, du moins selon lui.

Vous qui pensiez que le Jägermeister était une aberration spiritueuse, tout juste bonne à vous faire régurgiter votre quatre-heures plus vite que vous l'avez avalé, décapant au passage votre oesophage, il est temps de goûter au Viper, sombre alcool dégoté on ne sait où et on ne sait quand. Cette subtile liqueur ne vous laissera pas le temps de savourer votre gueule de bois, puisqu'elle vous fera instantanément et littéralement fondre, vous décomposera lentement dans une marre de viscères multicolores et corrosifs.

Tel est l'argument de Street Trash, série B cradingue qui a fait les beaux jours des vidéoclubs grâce à quelques séquences d'anthologie et un visuel français inoubliable. Le film de James Muro est une anomalie provocatrice choyée par les amoureux de mauvais goût. D'une part parce qu'il a mis un peu de couleur dans les productions gores de l'époque. De l'autre parce qu'il reste aujourd'hui une épine dans le pied du cinéma américain des années 1980 et d'un réalisateur désormais au sommet de sa gloire. Et quand un film emmerde jusqu'à son auteur, c'est qu'il mérite une chronique.

 

Street Trash : photoUn lendemain de soirée comme un autre

 

L'élève et le maître

Au beau milieu des années 1980, la ville de New York et certains de ses quartiers en particulier ont très mauvaise réputation, rongés par la pauvreté et l'insécurité. Tandis que les grands divertissements reaganiens exaltent une Amérique triomphante et dominatrice, le cinéma bis local va dépeindre, exagérer et se complaire dans les marges qu'ils occultent, si possible avec beaucoup de sang. Le plus célèbre de ses représentants reste peut-être le glauquissime Maniac de William Lustig, mais ils seront plusieurs à déguster le ver dans la grande pomme.

Abel Ferrara fait ses débuts dans ce mouvement qui s'ignore avec le culte Driller Killer. Il est suivi par Douglas Cheek et son C.H.U.D, ainsi que par l'inénarrable Frank Henenlotter, réalisateur des friandises Brain Damage, Frankenhooker et bien sûr Basket Case, connu sous le titre Frère de sang chez nous. Alors un adolescent natif du Queens et étudiant à la School of Visual Arts de sa ville, James Muro baigne très vite dans cette ambiance, au point d'être engagé comme preneur de son sur Basket Case dès ses 16 ans ! Il accompagne Henenlotter dans ses rocambolesques aventures et en ressort avec une sérieuse envie de participer à la fête.

 

Frère de sang : photoBasket Case, qui ferait aussi un bon dossier d'ailleurs...

 

À 19 ans, il entreprend d'abord une bande dessinée, avant de se rabattre sur le court-métrage, le sang passant mal sur papier selon lui. Il s'acoquine avec Mike Lackey, qui se chargera du rôle principal (après un désistement du comédien choisi, toxicomane) et des effets spéciaux, rassemble des amis, 2000 dollars et quelques bobines de 16mm.

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commentaires
Mr Patator
21/04/2022 à 16:17

Haha quel plaisir de lire toutes ces références à mes films d'horreur cultes des années 80!
J'ai passé un nombre incalculable de mercredi après-midi à mater ces VHS avec des amis, un qui m'a le plus marqué est "Elmer, le remue méninge" :).
Il faut dire que sur le chemin de l'école se trouvait un vidéoclub de qualité, avec des listing papier long comme le bras (dont une section X avec des noms de films parodiques).
J'ai adoré tout ces films et je suis tjs étonné de voir que ces séries B d'horreur ont été de véritable tremplins pour de grand réalisateurs.

Serievore
18/04/2022 à 12:02

Ca m en a coute des thunes en jours de retard toutes ces videos VHS que je louais par 5ou6 a chaque fois, pour me faire des week end films. Et ou apres je dormais 2 jours qui me coutaient le double quand je ramenais les K7 ^^.

Et fallait choisir uniquement par les jaquettes, et les quelques lignes a l arriere , ou les bandes annonces vues sur d autres films.
Donc autant de bonnes surprises que de deceptions a chaque fois.

Mais en meme temps quand on decouvre, on a toujours l impression que tout est pas trop mal, vu qu on manque de points de comparaisons.

Je kifferais redevenir un puceau cinematographique, ca m aiderait peit etre a kiffer certaines bouses comme les derniers stars wars,les fast and furious, ou pas mal des films de super heros, genre venom, ou morbius, que je n ai meme pas reussi a regarder en entier pour la plupart.

Street trash, c etait vraiment le film rempli de vide, qu on louait juste pour voir les scenes de clochards fondus qu on avait vu dans une bande annonce.

jhudson
16/04/2022 à 18:27

@Kouak

Jackson ne dénigre pas ses premiers films mais on ne peut pas les revoir pour autant, contrairement à Street Trash qui est sorti en Blu Ray même en France.

Jackson les a rachetés soit disant pour les remastériser en HD , on attend toujours les Blu ray....

On peux croire qu'il les a racheté pour éviter que les ayants drois les ressortent pendant que les films des seigneurs des anneaux étaient sur les écrans, ça aurait fait mauvais genre !

Le ex roi du gore qui réalise des films PG13 dans la moindre goute de sang rouge , si ce n'est pas dans un sens renier son passé ?

Benjo
16/04/2022 à 08:38

Revu récemment. Ce film est visuellement superbe avec des mouvements de caméra hyper fluides. Par contre, le scénario part dans tous les sens. L'histoire de l'alcool qui fait fondre et les scènes gores qui vont avec ne sont qu'un des aspects du film parmi bien d'autres.

Kouak
15/04/2022 à 01:14

Bonne nuit...
Dommage de renier sa propre création...
Peter Jackson lui au moins ne dénigre pas ses délires de "jeunesse"...
Je me souviens bien de l'avant dernière photo de votre article, dans la cuvette des toilettes...Elle figurait également en bonne place dans le Mad Movies de l'époque...
Bref...

alshamanaac
14/04/2022 à 17:56

Street Trash... des clochards qui fondent et une bite qui "s'envole". C'est je crois les seuls souvenirs qu'il me reste :O

Franken
14/04/2022 à 15:12

La première chose que ce film m’évoque, c’est l’illustre époque des vidéo-clubs qui ont permis à une génération entière d’ados de découvrir tous ces films, le plus souvent sur la simple promesse d’une jaquette…

Ray Peterson
14/04/2022 à 14:55

Film complètement dingue et crado avec des mouvements de caméra extrêmement stylisés of course. L'Esthétique et le tonus des images de Brain Damage ou encore Maniac Top lui doivent tellement. Quand tu penses que plus tard ce sera le mec derrière la course poursuite à pied de Point Break ou du POV de début dans Strange Days!!!
Tu regardes le CV du mec t'as autant le tournis que les déplacements de cam de Street Trash!

CuchulainBzh
14/04/2022 à 13:57

Ma première claque gore d'ado, suivie de très près dans le temps par Bad Taste. Que de beaux souvenirs dégoulinants.

Mx
14/04/2022 à 13:10

Le clodo qui fond sur la cuvette des chiottes, grandiose, suivi par un mouvement de caméra au ras du sol et rugissant, on dirait du sam raimi, je n'ai pas vu le film, je précise, juste cette scène!!