Le mal-aimé : K-19 - le piège des profondeurs, ou Harrison Ford vs Liam Neeson en Russie

Geoffrey Crété | 22 octobre 2017 - MAJ : 09/03/2021 15:58
Geoffrey Crété | 22 octobre 2017 - MAJ : 09/03/2021 15:58

Parce que le cinéma est soumis aux modes et à la mauvaise foi, Ecran Large, pourfendeur de l'injustice, se pose en sauveur de la cinéphilie. Le but : sauver des abîmes un film mésestimé, amoché par la critique, le public, ou les deux à sa sortie. 

 

Affiche officielle

 

"Très pro, mais rébarbatif et has-been" (Les Inrocks)

"Un suspense propagandiste qui enfile pesamment tous les clichés du genre" (Zurban)

"Kathryn Bigelow est une bien ridicule Don Quichotte qui arrive après la bagarre, et confie des rôles de Russes caricaturaux à des acteurs américains" (L'Humanité) 

 

 

LE RESUME EXPRESS

1961. Pour contrer les Américains qui ont placé des sous-marins nucléaires à portée de Moscou, la Russie veut tester le K-19, leur premier submersible lance-missiles. Jugé trop laxiste, le commandant Polenine est rétrogradé pour laisser place à Vostrikov, plus dur et fiable pour le Parti.

Vostrikov est déterminé à tester le K-19, malgré les réserves de Polenine et plusieurs problèmes à bord. Il finit par lancer un missile dans le cercle Arctique, qui provoque une fuite dans la zone du réacteur nucléaire. Pour éviter une catastrophe, plusieurs hommes vont se sacrifier pour faire chuter la température du cœur.

Après avoir croisé un navire américain, auquel Vostrikov refuse de faire appel par fierté, la fuite reprend. La catastrophe est une nouvelle fois évitée et l'équipage rentre. De nombreux hommes mourront à cause des radiations, et Vostrikov sera jugé mais acquitté.

Des années plus tard, à la chute du mur de Berlin, Vostrikov et Polenine se retrouvent pour enfin reparler du drame, ce qui était jusque là interdit par le Parti.

 

Photo Harrison Ford

 

LES COULISSES

Derrière K-19 : le piège des profondeurs, il y a une histoire vraie. Celle d'un sous-mari soviétique qui a connu beaucoup d'incidents durant sa construction, accélérée par l'Union soviétique pour contrer les Etats-Unis, jusqu'à frôler une catastrophe en juillet 1961 avec une fuite du liquide de refroissement de son réacteur. Vingt-deux membres de l'équipage vont se sacrifier pour sauver la situation. Avec en plus des incendies et une collision, le K-19 sera surnommé Hiroshima.

Le film de Kathryn Bigelow prend clairement des libertés avec les faits. Après avoir lu le scénario, les survivants ont manifesté leur mécontentement en publiant une lettre ouverte à la réalisatrice et aux producteurs, parmi lesquels Harrison Ford. Ils ont notamment visé le langage, l'animosité entre les deux commandants, l'insubordination, les membres de l'équipage alcoolisés, les armes ou encore les menottes comme étant totalement faux et irréalistes. Même le terme widowmaker, surnom donné au K-19 dans le film et sous-titre en VO, est inventé. Quelques éléments et noms ont néanmoins été modifiés pour à la demande de survivants.

Avec 100 millions, K-19 : le piège des profondeurs est le plus gros budget de la carrière de Kathryn Bigelow - une quarantaine pour Strange Days, 15 pour Démineurs, 40 pour Zero Dark Thirty, et un coût proche pour Detroit en salles ce mois-ci. 25 millions vont dans la poche de la star et producteur Harrison Ford, qui n'a tourné qu'une vingtaine de jours. 

 

Photo Liam Neeson

 

LE BOX-OFFICE

Gros échec. Avec un budget d'environ 100 millions, dont 25 pour le cachet de Harrison Ford, K-19 : le piège des profondeurs n'a même pas engrangé 66 millions dans le monde, dont environ 35 aux Etats-Unis.

A l'époque, c'est un coup très dur pour Kathryn Bigelow après les échecs de Strange Days, qui n'a pas 8 millions alors qu'il en a coûté une quarantaine en 1995, et Le Poids de l'eau, qui n'a coûté que 16 millions mais a engrangé environ 320 000 dollars en 2002.

Après K-19 : le piège des profondeurs, elle disparaîtra quelques années à la télévision et ailleurs, pour revenir avec Démineurs en 2009.

 

Photo Harrison Ford

 

LE MEILLEUR

Kathryn Bigelow a un talent indéniable pour filmer la tension. Enfermée dans un espace restreint avec un groupe exclusivement masculin, dans un décor anxiogène réaliste, la réalisatrice filme ces commandants, ces murs de métal sous pression et ces plafonds bas remplis de tuyaux avec une efficacité évidente. La manière dont elle met en scène la première fuite radioactive est particulièrement saisissante, permettant d'entrapercevoir le cauchemar de ces hommes piégés comme des rats.

C'est lorsque le film se résume à l'affrontement et l'horreur en huis clos que K-19 : le piège des profondeurs est le plus convaincant et fort. La rencontre entre Harrison Ford et Liam Neeson vaut à ce titre le détour, notamment parce que le second apporte une belle force à son personnage.

Durant une heure, et ce dès une introduction musclée et maligne, la réalisatrice maîtrise fermement son récit et la tension. Elle donne à cette histoire un sentiment d'urgence et de tragédie en construction.

 

Photo Harrison Ford

 

LE PIRE

Avec près de 2h20, K-19 : le piège des profondeurs est trop long pour son propre bien. D'où un rythme un peu mou, et une tension mal répartie au fil des actes. Passé le brillant cauchemar de la première fuite, le film patine.

Mais l'ensemble souffre surtout d'un académisme particulièrement niais, avec un scénario signé Christopher Kyle (il a co-écrit Le Poids de l'eau de la même réalisatrice et Alexandre d'Oliver Stone) qui manque cruellement de nuances. Le problème vient en grande partie du personnage de Harrison Ford, capitaine à la trajectoire dramatique bien hollywoodienne qui finit par se rapprocher de ses hommes et son prétendu ennemi. Que l'acteur soit producteur du film n'y est certainement pas pour rien. 

Beaucoup moins à l'aise dans ses moments à mesure que le film avance, Kathryn Bigelow use et abuse de la musique larmoyante et des dialogues plein d'emphase. La présence de deux visages cultes du cinéma américain pour incarner deux Russes, avec de vagues accents, n'arrange rien. Ce qui commence comme un huis clos féroce articulé autour de l'affrontement entre deux hommes de pouvoir que tout oppose, vire peu à peu au pseudo-drame hollywoodien.

 

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commentaires
Leon
02/04/2020 à 15:21

Je suis out, confiné j'apprends ces événements catastrophes à la Thernobyl prémonotoires. je n'avais jamais entendu parler, ni du film K 19 , ni de Katryn Bigelow d'ailleurs. C'est grave !

Constantine
09/11/2018 à 10:56

Strange Days chef d’œuvre !

corleone
23/10/2017 à 12:45

Encore merci Olivier, j'ai revu Point Break hier et me suis mis à chialer comme une madeleine. Kathryn, excuse moi de t'avoir dit toutes ces méchancetés, me focalisant rien que sur ce triste K19, l'ennuyeux Strange Days et le surestimé Demineurs. Quand je regarde le reste de ta carrière, je dirais que t'es juste géniale, ma lady.

Mx
23/10/2017 à 12:05

Beaucoup de gens oublient de citer blue steel, petit polar oublié des années 90, tendu, à la photo bleutée magnifique, et le meilleur rôle de jamie lee curtis!

Geoffrey Crété - Rédaction
22/10/2017 à 23:41

@bof

Strange Days qui avait eu son article Mal-aimé.
Et est bien supérieur à K-19 on a envie de dire oui...

https://www.ecranlarge.com/films/dossier/986904-le-mal-aime-strange-days-le-grand-film-de-sf-cyberpunk-imagine-par-james-cameron

bof
22/10/2017 à 22:23

@corleone.

Zero Dark Thirty. Drk City, c'est Proyas. ;-)

Perso, j'adore Strange Days, aussi, même si le film divise. Bref, difficile de nier qu'elle a du talent, la Bigelow. Par contre, je n'ai quasi aucun souvenir de ce K19.

corleone
22/10/2017 à 20:27

Mouai je d'accorises, même si le Point Break tient de véritable ovni dans sa piètre filmographie(tiens j'avais presque oublié que c'etait elle qui l'a fait, tant le film est culte). Zéro Dark city aussi sans parler de l'excellent Aux Frontières de l'aube, oui en fait une des meilleures réalisatrice, zut je deviens bipo là, où alors je devrais virer mon dealer:)

Olivier637
22/10/2017 à 19:43

@corleone

T es ouf mec.

Refais toi point break, pour voir si c est d un "ennui rare"

corleone
22/10/2017 à 14:30

100 millions investis pour un chiffre d'affaires de 66millions, soit une perte de plus de 100millions ttc et avec un tel bide quelqu'un a quand même eu le courage de financer son pitoyable mais très surestimé Demineurs. Si ça c'est pas une théorie du complot…

corleone
22/10/2017 à 14:20

Cette femme est nulle comme réalisatrice. Jamais compris son succès. Ses films sont d'un ennui rare et d'une ringardise interplanétaire.