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Blame! : Critique apocalyptique de l’adaptation du manga culte

Par Christophe Foltzer
22 mai 2017
MAJ : 20 décembre 2023
11 commentaires

Alors que la bataille fait encore rage pour savoir si Netflix est légitime au Festival de Cannes, il faut reconnaitre que le network multiplie les coups de poker et en offre pour tous les publics. Alors, au lieu de gueuler, les autres feraient mieux de suivre son exemple.

Photo Blame

Présent sur tous les fronts, Netflix a décidé qu’il lui fallait l’adaptation du manga Blame !, sans quoi le bonheur est impossible. Un titre de niche par excellence, qui ne parlera pas au plus grand nombre mais que les amateurs chérissent depuis sa publication il y a presque 20 ans. Blame ! nous transporte dans un futur post-apocalyptique où les humains ont perdu la capacité de se connecter aux villes. Chassés par un virus informatique, ils vivent reclus dans des coins reculés des cités, menacé par les Sauvegardes, ces robots soldats envoyés par la ville pour les tuer et ainsi continuer son expansion. Emerge alors Killy, un guerrier solitaire pas très loquace qui dit être à la recherche du terminal génétique, seul moyen pour les humains de rétablir la connexion et de reprendre le contrôle sur la ville. Il fait équipe avec une petite troupe pour mettre la main dessus.

 

Photo BLame

 

VERTIGES DE LA MORT

Si Blame ! a autant marqué lors de sa publication, c’est évidemment par son époustouflant parti-pris graphique. Ancien architecte, l’auteur Tsutomu Nihei nous avais en effet offert une succession de planches vertigineuses, présentant des villes tentaculaires et oppressantes dans un noir et blanc de toute beauté. Ajoutez à cela un découpage audacieux et des plans hyper travaillés qui suintent le spleen urbain et vous avez l’un des représentants du cyberpunk les plus étranges, hypnotisants et passionnants.

 

Photo BlameLe style graphique sublime et si particulier du manga orignal

 

Autant dire qu’une adaptation de l’oeuvre était l’occasion rêvée pour nous plonger dans un univers désanchanté au possible, dépressif et à couper le souffle. Pourtant, dès les premières secondes, Blame ! trahit son plus gros défaut, son parti-pris graphique. Comme pas mal de films d’animation japonais qui sortent depuis quelques années, Blame ! opte pour une 3D à base de cell-shading comme on a pu le voir dans Appleseed, Berserk (la nouvelle série) ou encore l’adaptation d’Ajin. Une charte qui dérange lorsqu’elle n’est pas maitrisé, ce qui est malheureusement le cas ici. Si le film s’en sort très bien durant ses scènes d’action très dynamiques, c’est une toute autre histoire lorsque le récit s’offre quelques respirations. Les personnages humain s’y montre rigides, animés de façon quelque peu erratiques et cela a pour conséquence de nous sortir du récit. Et c’est fort dommage parce qu’au dela de ça, les décors sont impressionnants en diable. Certains protagonistes, dont Killy évidemment, se révèlent ultra charismatiques mais le déséquilibre de la proposition esthétique du film le rend beaucoup trop fragile pour que l’on puisse s’y plonger totalement durant 1h45.

Autre problème, le format du film. Présenté en 2:35, Blame ! ne donne pas le vertige attendu. En effet, limitée dans sa verticale, la présentation de la ville tentaculaire se révèle un peu plate et ce n’est qu’à de rares moments que les personnages semblent avalés par le décor qui les entoure. Un choix contestable alors qu’il s’agit quand même de la raison d’être du récit et qui aurait davantage fonctionné si le film avait opté pour un bon vieux 1:85. On repense alors à Jurassic Park qui avait fait ce choix pour, justement jouer sur la différence de taille entre les dinosaures et les humains.

 

Blame! associe 3D et cell-shading comme beaucoup de productions animées récentes

 

URBAN JUNGLE

Autre souci : le scénario. En effet, compiler 10 volumes en 1h45 est chose impossible et, malheureusement, Blame !  ne fait une fois de plus pas les bons choix. Avec sa vocation d’ouverture au grand public, le film en laissera plus d’un sur le carreau et il nous semble nécessaire de se pencher d’abord sur le manga sous peine de ne pas comprendre toutes les règles inhérentes à ce monde chaotique. On nous parle d’Autorité, de Sauvegarde, de Résosphère et de terminal génétique, sans prendre le temps de nous dire vraiment de quoi il s’agit et cela nous demande un certain effort pour comprendre de quoi il retourne, ce qui nous coupe encore plus de ce que l’on veut nous raconter.

 

Photo Blame

 

Dans sa constrution dramaturgique, Blame ! est au final plutôt classique et prend malheureusement peu de risques. On se retrouve plus ou moins face à la partie réelle de Matrix Revolutions, avec Zion, l’attaque des machines et la résistance. Ajoutons à cela qu’aucun personnage n’est vraiment posé intelligemment ce qui nous coupe de toute empathie possible pour leur destin. Qu’il s’agisse de Zuru, l’héroïne principale, de ses amis, juste esquissés, de Cibo et même de Killy, aucune humanité ne transpire de leurs caractères, aucun attachement possible, d’autant plus qu’ils ne sortent jamais de gros clichés : la jeune femme intrépide, le héros ténébreux et mutique, le rebelle, le vieux sage, la pleureuse… On attendait un peu plus de profondeur, surtout dans un univers aussi riche.

 

Photo BlameLe personnage de Killy s’en sort mieux que la plupart des protagonistes 

 

Et c’est là que les défauts techniques et narratifs se rencontrent. Hormis deux ou trois personnages, nous n’avons jamais l’impression de vraiment connaitre personne dans cette communauté si bien qu’on se fiche pas mal de qui vit ou meurt.  Blame ! brouille encore plus les pistes avec une certaine fainéantise technique puisque certains plans de foules nous montrent des personnages doublons, photocopiés les uns par rapport aux autres à quelques centimètres d’écart, d’autant que le look dreadlocks les rend tous similaires. Pas très professionnel.

 

 

CIBO ET SI LONG

Que penser de ce Blame ! au final ? On en ressort mitigé. Contents que le manga accède à une nouvelle popularité car il le mérite amplement, mais déçus de la timidité avec laquelle le film a été fait. Handicapé par un manque de rythme évident dans sa progression dramatique, des scènes clichés au possible qui n’ont rien à faire là et un récit qui hésite trop à entrer dans le fond noir et dépressif de son concept, il faut néanmoins  reconnaitre au film un certain nombre de qualités. 

En effet, quand il décide de se bouger, le film est très efficace, dynamique et prenant. Mais cela arrive si rarement qu’on a souvent l’impression d’assister à une longue exposition. Dommage car sous ses allures de western cyberpunk, Blame ! avait tout pour être une date dans le genre et dans le monde de l’animation. 

Rédacteurs :
Résumé

Blame ! paye le prix de sa volonté de plaire au plus grand nombre tout en respectant son matériau d'origine. En résulte un film schizophrène, tiraillé entre son envie de payer son tribut au manga d'origine, son envie de communiquer sa passion à ceux qui ne la connaissent pas encore et une addition de défauts qui jouent contre lui. Mais Blame ! n'en est pas moins plaisants par moments et constitue une introduction intéressante à cet univers qu'il faut à tout prix connaitre si ce n'est pas encore le cas.

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Lektre

Quelle claque graphique, que le manga Blame ! Je suis très curieux de découvrir, son adaptation video, malgré cette première critique en demi teinte.
Merci, de l’avoir chroniqué, c’est toujours sympa de donner de la visibilité, à des mangas de niche, moins populaires, mais tout aussi riches (si ce n’est plus), que les sempiternels Naruto, One Piece ou Attaques des Titans.

À noter, qu’en sus de Blame, Netflix propose aussi Knight of Sidonia, toujours de Tsutomu Nihei, en 2 saisons de 12 épisodes (ça laisse le temps de poser et d’expliquer les bases de l’univers), dans un feeling toujours un peu nihiliste, comme Blame, mais sur une thématique post-apo, avec un exil spatial des derniers survivants de l’humanité, pourchassés par les entités protoplasmiques, appelés Gauna (c’est un peu un Galactica nippon avec de la viande^^).
Ici, le parti pris scénaristique est bien moins osé que Blame, on est plus dans de l’affrontement de mecha, face à des monstres, qui ne sont pas sans rappeler les horreurs Lovecraftiennes, saupoudrés (malheureusement ?) de rivalités amoureuses (pour les pilotes, pas les monstres^^)… Sans réellement gâcher i’intrigue, les déboires de ces trio amoureux, ont quand même tendance, à « niaiser » un peu l’ensemble, heureusement, que la violence de l’univers, vient rappeler que l’existence ne tient à pas grand chose, et que chaque sortie au combat, peut signer un arrêt de mort, sans préavis… Bref, je conseille, si vous être fan de Nihei et de mecha (comme moi) ! ^^

Wrack

@Lektre vous merci pour ces infos d’un passionné. Le tout, ajouté sur ma liste.

firebomber

Je suis d’accord avec la critique à propos des personnages trop clichés et peu intéressants.
Pour le reste, je suis en total désaccord. N’ayant jamais lu le manga, ce film me parait une bonne entrée dans l’univers de Blame! et m’a tout bonnement donné envie de lire le manga. Pas besoin de toujours tenir le public par la main en expliquant tous les termes utilisés (Autorité, Sauvegarde, Résosphère). On les comprend rapidement. Graphiquement, c’est beau. Peut-être pas aussi vertigineux que le manga mais, encore, pour celui qui ne connait pas ça ne pose pas de soucis.
Après, je comprends qu’un fan de la première heure du manga soit déçu.

Jaemoon

Bon que dire. Je ne comprends pas. 3D mal maîtrisé ? Personnage sans humanité ?…
Moi même grand fan du manga, je trouve que le film arrive à exploité l’univers de Blame a sa manière. (Puis Killy exprimer son humanité nan mais)
Certes l’histoire du film et le contexte ne sont pas du tout les mêmes, les différences sont si nombreuses (entre l’ajout de nouveaux personnages, la rencontre entre Cibo et Killy, et Killy qui sort tout droit du dernier tome…) qu’il serait inutile de les lister.
Peu de personnages principaux, une durée assez courte, un début en rythme, ect.
Le film ne surprend pas par l’originalité de son déroulement.
Par contre il prend le temps d’installer ces 3 personnages principaux.
Tout comme le début du film ce concentre principalement sur les regards des personnages, jusqu’as la rencontre avec Killy et Zuru, l’essentielle des interactions prennent leur sens au travers de l’animation et de l’attention portée aux jeux de regard.

Killy n’a pas l’aire très expressif ouep. Sauf à certains moments-clés ou les regard changent d’expression, les yeux se détournent, la musique (thématique associée à certaines situations ou personnages) souligne le tout pour faire comprendre les enjeux. (l’ost est ouf et joue pour beaucoup à l’ambiance du film).
En ce qui concerne l’esthétique du film, et bien le diable est dans les détailles (effet de lumière, les détailles sur les armures…). On sent une réelle passion pour l’univers de Blame (les plants sont aux travers des ruines, les différentes scènes de gigantisme…). Pour le reste, le film parle de lui même.

Lyndouche

Franchement je ne connaissais pas du tout le manga mais en voyant ce film ; ça m’as donné envie de le lire . Les graphismes plutot comment sont faits les personnages ne m’as pas vraiment plus et j’admets que je comptais arreter le film et passer a autre chose mais la deuxiéme partie du film et tout a fait interessante