Critique : Casque d'or

Jérémy Ponthieux | 18 février 2013
Jérémy Ponthieux | 18 février 2013

Rejeté par le public français à sa sortie puis accueilli chaleureusement une dizaine d'années plus tard, Casque d'Or est aujourd'hui de ces films du patrimoine indispensable à toute cinéphilie qui se respecte, et dont la force dramaturgique reste toujours intacte plus de 60 ans après sa sortie initiale. Inspiré de la vie d'Amélie Elie, prostituée de la Belle-époque ayant déclenchée une dispute entre bandes rivales, le long-métrage de Jacques Becker met en scène Marie, putain appartenant au respecté Félix Léca et qui tombe sous le charme de Manda, un charpentier qui a fuit son passé de criminel. Elle, c'est Simone Signoret, alors légende en devenir, qui incarne avec une délicatesse sans égale cette Casque d'Or à la recherche d'une liberté que les conventions de son univers lui prohibent. Lui, c'est Serge Reggiani, jeune premier dont le visage exprime déjà toute un passé meurtri, et qui fait preuve d'une retenue de jeu parfaitement appropriée au personnage.

Construit autour de cette Casque d'Or au franc-parler détonnant, le récit met en scène des rivalités permanentes mais parfois souterraines, dont les issues tragiques ne sont que les produits d'un univers violent et impitoyable. Il est construit sur un équilibre entre une insouciance criminelle et une fatalité redoutée, comme dans une tragédie traversée d'espoir, où l'on espère que l'amour des deux amants puisse devenir une réalité tangible. Pour cela, Becker reconstruit toute une époque avec un naturalisme d'une grande précision, où les décors et les costumes sont autant de moyens d'immerger son spectateur dans un temps pas si lointain que de diriger sa concentration sur tout le reste. Sa mise en scène impose une certaine distance avec l'émotion qui étreint les personnages, ce qui s'avère payant puisque le film ne souffre jamais du romanesque amoureux qu'il cinématographie. Il se montre même bouleversant dans son déchirant final, où le dernier plan achève d'asseoir la mélancolie qui le caractérise.

Mais c'est véritablement dans ses plus purs moments de rêverie cinématographique que le film trouve son émotion la plus vraie, voguant vers une salvatrice candeur teintée d'angoisse. On pense bien sûr à cette scène de bal en guinguette, captant le coup de foudre dans un panoramique étourdissant, où la beauté des deux vedettes éclot dans leur intense jeu de regards. Tout comme on s'émerveille de ce réveil illuminé par le regard en contre-plongée de Simone Signoret, baignée dans une lumière aveuglante qui est autant celle de Manda que celle du cinéma tout entier.

Film mythique, Casque d'Or s'affirme toujours comme un monument fabriqué avec une envie communicative (combien d'anecdotes sur la joie qui régnait sur le plateau...), qui vaut autant pour l'alchimie de son duo principal que pour la passion qui l'habite dans tout son entier.

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