Critique : Shadow dancer

Perrine Quennesson | 5 février 2013
Perrine Quennesson | 5 février 2013

Un peu plus d'un an après son étonnant et pertubant documentaire, Le Projet Nim, James Marsh revient à la fiction avec un thriller glacé situé dans le Belfast des années 90, en plein dans les Troubles. Les Troubles, c'est cette période des années 60 jusqu'aux années 2000 qui a vu s'opposer, en Irlande du Nord, les loyalistes (principalement protestants) et les républicains (principalement catholiques). Une guerre sanglante et latente qui a vu naître, notamment l'organisation paramilitaire, l'IRA provisoire.

C'est dans ce contexte que débute Shadow Dancer. Le film commence par un court prologue situé dans les 70's où la jeune Colette, fille d'une famille militante, est confrontée à un événement tragique qui va cristalliser son engagement auprès des républicains. Menée par un sentiment de vengeance et de culpabilité, on la retrouve, 20 ans plus tard, à Londres, prête à poser une bombe avant de se faire interpeller par le MI-5. Mac, l'agent des services secrets britanniques, lui propose alors de coopérer et de donner des informations. En échange, tous ceux qui ont vu des séries policières le savent, on lui promet « qu'il n'y aura pas de morts, pas de blessés ». Colette retourne alors dans sa famille, obligée de mener un double-jeu pour sa survie et celle de ses proches.

L'introduction très rapide (ce qui est décrit ci-dessus se passe en moins de 10 minutes de film) cède alors la place à un récit dilaté. Car ce thriller, centré sur la sphère familiale comme métonymie d'un combat plus large, prend le temps de distiller sa paranoïa, son angoisse et son suspens. Colette, interprétée par la très intense Andrea Riseborough, est une poupée au visage de porcelaine confrontée à une trahison morale qu'elle pense pourtant nécessaire. Mentir ou mourir. Entourée d'une famille célèbre dans le milieu républicain, elle lutte intérieurement entre son désir de survie ainsi que celle de sa famille et son devoir envers une cause à laquelle elle a adhéré un peu malgré elle, par filiation. Traitre dans tous les cas (politique ou familial), Colette navigue à vue, faisant face aux diverses situations en même temps que le spectateur.

Si formellement, par sa lenteur et sa froideur, le thriller de Marsh se rapproche de son segment, 1980, dans la trilogie Red Riding, Shadow Dancer a également tout d'un polar nordique dans la lignée de La Taupe. Les thèmes y sont particulièrement similaires. Le faux-semblant y est l'arme principale, la manipulation, un besoin et la menace, un bouclier. Les regards se croisent, les yeux se baissent et la tension monte. Les rapports humains sont faussés par les enjeux politiques, la chair est triste mais les sentiments sont à fleur de peau, incapables de sortir, sous peine de mort. Si le film a quelques faiblesses et perd parfois ce rythme ténu, il reste tout de même de magnifiques scènes comme l'enterrement d'un membre de l'IRA à la barbe des soldats anglais où finalement le malaise est plus palpable parmi les membres de la même communauté qu'entre les ennemis historiques.

En faisant le choix d'inscrire son récit dans un « camp » (les républicains) sans traiter l'autre, James Marsh, à l'aide de son scénariste, le journaliste Tom Bradby (qui adapte ici son propre livre), parviennent finalement à toucher à l'universel. La guerre, une histoire d'êtres humains avant d'être une affaire d'idées.

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