The Divide : critique
Excessivement conspué pour un film de commande dont la paternité lui avait échappé (Hitman), puis aux prises d'une série B furax ultra-référencée et honnête de bout en bout (Frontière(s)), Xavier Gens nous revient, libéré de l'emprise des studios, avec The Divide, estampillé thriller psycho-claustro à tendance SF.
De succès sacrifiés (pensons à la récente sortie scandaleusement clandestine de Livide) en essais timides, l'amoureux du bis, le pourfendeur de la péloche décriée, l'enragé du fantastique, ne peut que se désoler du peu de crédit accordé aux initiatives bien de chez nous. On ne s'étonnera dès lors plus de voir nos preux chevaliers de la création traverser l'Atlantique pour dénicher confiance et financement. En ces temps agités, laissons de côté un protectionnisme malvenu, et sachons nous réjouir des opportunités apportées par ces exils temporaires, qui pourraient bien clouer le bec de détracteurs passés. Car lorsqu'on lui confie les pinceaux adéquats, une séduisante palette d'interprètes, et le libre-arbitre nécessaire, c'est d'un huis-clos furieusement efficace et généreux dont Xavier Gens accouche.
Une explosion. L'apocalypse ? La panique. Des bousculades. Un sous-sol barricadé. Des survivants. Une communauté recomposée. L'enfer des autres. Au terme d'une introduction spectaculaire, le chaos cède la place au silence brutal d'anonymes hagards. Guère d'exposition traditionnelle ou de monologues interminables venant déployer maladroitement le passif de chacun ; les protagonistes de The Divide sont autant de personnalités fugaces, taillées par une expérience surgissant par à-coups, à l'occasion d'un mot de travers ou d'un tic réminiscent. Un parti pris qui contribue largement à l'immersion, dans un film qui, loin du post-apo qu'on veut bien nous vendre, n'est autre qu'un huis-clos pur et dur, soucieux de sonder les tréfonds d'une humanité en perdition. L'unité de lieu sera ainsi de mise de façon quasi-exclusive, tandis que l'Extérieur fera rapidement figure de prétexte à la mise en abime d'êtres isolés et soumis à leurs pulsions primales.
On pourra à ce titre compter sur les prestations d'acteurs habités, prompts à l'initiative (on ne compte plus les improvisations...) et au dévouement (...ni les kilos perdus). Loin de cachetonner, Michael Biehn écrase ainsi The Divide de sa (trop rare) gueule cassée, tandis qu'une Rosanna Arquette démente hante les sombres couloirs de sa carcasse épuisée et humiliée. Du côté de la relève, Michael Eklund et Milo Ventimiglia mènent la danse de la dégénérescence, au détriment d'une Lauren German aux commandes d'un personnage principal que l'on aurait souhaité plus consistant. Si la détérioration physique comme mentale des protagonistes est particulièrement soignée, l'empathie peinera toutefois à se manifester à l'égard de personnages souvent irritants. On pourrait toutefois arguer du réalisme de la chose, la pénurie de haricots Heinz ayant tendance à rendre le voisin un brin bougon.
Devant le tour de force que représente la capacité de maintenir intact l'intérêt du spectateur deux heures durant, grâce à une ambiance délétère savamment distillée et des instants d'une puissance déconcertante (la séquence finale étant à ce titre particulièrement efficace), on ne pourra que regretter davantage la faiblesse d'un scénario au goût de déjà-vu, The Divide n'apportant rien de nouveau à l'infatigable thème du retour à l'état de nature (on n'échappera donc pas au parallèle capillaire déjà vu dans l'Expérience).
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