Critique : 30 beats

Laure Beaudonnet | 19 mars 2012
Laure Beaudonnet | 19 mars 2012

New York City, 3 882 544 hommes et 4 292 589 femmes. Combien de possibilités ? C'est l'été et il fait chaud dans 30 Beats. L'opus prend la forme d'un film à sketchs avec dix personnages présentés sous le prisme du désir. Comme dans un relais, chaque rencontre ouvre un nouvel espace intime, menant la caméra d'une vie à une autre au gré de l'entrevue érotico-sentimentale. Une structure narrative qui a l'avantage de montrer la duplicité de chaque protagoniste. Coup sur coup, prédateur et proie, l'objet de fantasme se transforme en séducteur dans la scène suivante, perçant du même coup l'ambivalence du désir. Au fil des saynètes, le public s'immisce dans des bribes d'histoires, des réflexions amoureuses, des déboires ou des jeux. Sur le même principe que La Ronde d'Arthur Schnitzler - une pièce déjà adaptée par Max Ophüls et Roger Vadim pour le cinéma - où la problématique de l'amour est décortiquée de personnage en personnage, plongeant dans le concret l'analyse philosophique de De L'Amour de Stendhal.

Pour son premier film, Alexis Lloyd propose une version ultra urbaine d'une construction classique. Il indique d'ailleurs que son objectif était de réaliser un film sur New York, une histoire où la ville deviendrait un catalyseur. S'il s'inspire d'une pièce de théâtre écrite en 1897, il y intègre tous les ingrédients des relations homme/femme de l'époque contemporaine. Des vamps à la sexualité débridée qui s'offrent volontiers à l'objet de leurs fantasmes. Des hommes désemparés par la perte du pouvoir de séduction, parfois apeurés par l'agressivité de leur prédatrice. Si le sexe est l'enjeu du film, il n'est jamais montré. A peine esquissé. Alexis Lloyd décrit les éléments de rapprochement sans se préoccuper de la danse. Il conserve même une pudeur dans le segment sur la dominatrice sadomaso. La torture est seulement effleurée à l'aide d'une image où le client est saucissonné comme un animal sans défenses.

Avec ses allures de films "homemade" - car 30 Beats revêt parfois des aspects de sitcoms AB Productions, surtout dans le volet de Vahina Giocante où une voix-off grotesque surgit -, l'opus s'engouffre dans l'intimité du couple. Le singulier atteint l'universel, exhumant des réflexes de comportement d'une rare justesse. Si certaines saynètes sont plus faibles que d'autres, le film n'en demeure pas moins jouissif. 30 beats se boucle sur l'adolescente du début, le seul personnage encore bercé d'illusions. Alexis Lloyd semble tracer le destin du sentiment : du désir à la passion, en passant par la séduction et l'infidélité, avec un soupçon de nostalgie pour le concept d'amour absolu.

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