Critique : Love and bruises
Sur le papier comme à l'écran, le postulat de départ fonctionne bien. On observe naître cette idylle improbable soumise aux affres de la passion, un premier rapport sexuel à la lisière de la contrainte, une plongée dans la bestialité charnelle. Si le film peut paraître un poil trop sexué - le nombre de rapports explose tous les records - on louera la volonté d'ancrer cet amour dans le réel car, qui connaît la passion reconnaît son caractère fusionnel. Assez étonnamment, Lou Ye construit un personnage féminin très occidental dans ses comportements. Une femme sexuellement libérée et résolument indépendante pour ne pas dire insoumise, alors que les hommes suivent des modèles archaïques, proches de la figure masculine machiste et misogyne qui réduit la femme "libre" à une prostitué, tout juste bonne à être violée. Tahar Rahim est époustouflant dans ce rôle. Faible et brutal à la fois. Binaire et soumis à ses pulsions incontrôlées, il en devient aussi touchant que pathétique.
Lou Ye maîtrise son style, libérant le regard de son objectif comme celui d'un observateur à part entière qui témoignerait des troubles de Hua. Caméra à l'épaule agitée et instable lorsque cette chinoise en perdition arrive à Paris. Au contraire, le cadre est plus assuré, flottant à son retour en Chine, comme pour insister sur le confort de Hua dans son pays d'origine. La caméra devient l'indicateur de l'état émotionnel de l'héroïne. Et pourtant, cette dernière demeure jusqu'à la fin insaisissable et illisible, comme si toutes les manières de nous la dévoiler s'avéraient parfaitement vaines. Love and Bruises perd un spectateur - pourtant conquis à l'origine - sur la fin, essoufflant son propos et tirant son film en longueurs. Cela dit, Lou Ye dessine une passion sino-française si romanesque qu'elle parvient à laisser résonner une sensation d'enivrement.
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