Le Moine : Critique

Simon Riaux | 11 juillet 2011
Simon Riaux | 11 juillet 2011

Le Moine est un bref roman écrit par Matthew Gregory Lewis à l'orée du 19ème siècle, dont le parfum sulfureux choqua profondément la bonne société britannique, prise au dépourvu par ce qui allait devenir l'un des textes fondateurs du romantisme anglais. Ce texte, empreint d'influences gothiques et de la littérature de Goethe, demeure aujourd'hui un classique, où se mêlent avec délice symbolisme et noirceur. Si la chute des supposés hérauts du Bien est un thème récurrent du septième art, le cinéma contemporain est plus qu'avare en oeuvres de ce type, fantastiques et romantiques. C'est justement cette approche qui fait la force (et la faiblesse) du nouveau film de Dominik Moll.

Dès que Vincent Cassel apparaît, confessant un Sergi Lopez retors à souhait, il semble évident que cette adaptation, aussi délicate soit-elle, est tombée entre de bonnes mains. Le comédien est loin des rôles physiques et furieux qui ont fait son succès, et compose un moine orphelin à l'intériorité bouillonnante. Moll est parvenu à obtenir de son acteur un jeu qu'on ne lui connaissait pas, ou peu, au bord du précipice. La seconde réussite du metteur en scène, est de s'être approprié l'esthétique gothico-romantique que beaucoup d'autres auraient préféré esquiver. Apparitions transparentes, gargouilles menaçantes, songes éthérés, sortilèges mystérieux, Moll use de ces figures avec un premier degré qui confère à son oeuvre une belle cohérence, voire un certain charme. Les promenades nocturnes du frère Ambrosio à travers le cimetière du monastère nous renvoient à des émotions auxquelles littérature et cinéma ne nous avaient plus habitué depuis trop longtemps.

 

 

Mais ce dispositif semble avoir également empêché le réalisateur de construire un propos moderne, qui aille plus loin que la simple illustration. Piégé par une esthétique trop marquée, Dominik Moll finit par faire encore une fois le même film, s'attardant exactement sur les mêmes thèmes qu'il a déjà disséqués par le passé. Dès lors, le spectateur, séduit par l'ambiance funeste de l'ensemble, se demande quand toutes ces jolies images se mettront au service d'une histoire palpitante. Hélas, cela n'arrivera jamais, les dernières vingt minutes du film manquent cruellement de tension et de chair. L'auteur ne parvient pas à transcender le style qu'il convoque, et l'on est terriblement frustré par l'austérité et l'aridité qui empèsent le dernier acte.

 

Résumé

Porté par un comédien remarquable, ainsi qu'une ambiance unique, parfois sublimée par une mise en scène audacieuse et référentielle, Dominik Moll réalise une intéressante illustration du Moine. Malheureusement, il oublie au passage que les meilleurs livres se passent très bien d'images.

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