Critique : Play a song for me

Manon Provost | 10 mai 2011
Manon Provost | 10 mai 2011

Play a Song for Me, c'est le séduisant paradoxe d'une mise en scène solaire pour évoquer le deuil et la solitude. Parenthèse enchantée, mêlée d'affects complexes, le film d'Esmir Filho s'efforce de montrer, avec soin, une génération 2.0. en prise avec la solitude.

Un adolescent de 16 ans, incarné avec force et fragilité par Henrique Larré,  est muré dans une chambre isolée. Derrière son ordinateur, et un pseudonyme - Mr Tambourine Man (en hommage à Bob Dylan), il se crée son propre monde : une sphère où "être proche ce n'est pas physique". Reclus dans une réalité virtuelle où tout paraît possible - où les morts restent vivants, immortalisés par les images, les vidéos et les textes qu'ils publient - la réalité lui semble paradoxalement décharnée, fébrile, moins vibrante que la sphère du net.

Plutôt sombre et inattendu, Play a Song for Me est loin de ce qui est habituellement projeté dans les salles obscures. Bercée d'une lumière douce, plutôt clémente, l'image offre une jolie illusion : celle d'un premier instant rassurant, l'ultime respiration avant le questionnement violent d'une existence fragile. Et si au départ, on ignore dans quel sens de lecture chaque séquence nous mène, tant le schéma narratif est singulier, on se laisse vite porter par le style cinématographique si particulier d'Esmir Filho, qui se révèle auteur. Car cette incertitude et ce manque de repères, si déroutants, font la part belle au film. Véritable puzzle narratif, fait de pièces aux bords flous et complexes,Play a Song for Me ne se reconstitue pas en un claquement de doigts. Il faut d'abord dessiner le contour de la pensée trouble d'Esmir Filho, joliment inspirée du roman de Ismael Caneppele (alias l'incarnation de Bob Dylan dans le film), pour ensuite attaquer le cœur. Brumeux, psychédélique et expérimental, Play a Song for Me fait partie de ces films qui se regardent, s'écoutent et se ressentent. Avec une narration avare de mots mais enrichie par une image dialectiquement bavarde, Esmir Filho se met aux commandes d'une histoire qui avance en remontant progressivement le temps. Une façon de revenir au commencement d'un questionnement existentiel pris en cours de route. Esmir Filho surfe alors sur la réminiscence d'un passé si marquant qu'il reste présent pour l'adolescent Mr Tambourin Man. La mort est passée, perdure ensuite un questionnement menant vers une traversée du miroir, une traversée de l'écran, pour peut-être, à son tour, disparaître. 

Porté et transcendée par la musique incandescente et brûlante de Bob Dylan, Play a Song for Me réussit le pari de capter l'attention en proposant pourtant une approche et une narration expérimentales qui, d'ordinaire, sont synonymes de froideur et créent une sorte de distance. Avec sensibilité et rareté, Esmir Filho a fait de son film une expérience olfactive, loin d'être synonyme d'éloignement. Play a Song for Me, c'est viscéral, à l'image des mélodies de Dylan.

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