Critique : Mystères de Lisbonne

Fabien Hagege | 9 novembre 2010
Fabien Hagege | 9 novembre 2010

Rarement l'expression se plonger dans un film n'avait été aussi justifié que pour cet œuvre fleuve de 4h30 qu'est Mystères de Lisbonne. Raoul Ruiz, depuis quelques temps maintenant, émettait le souhait de réaliser une télénovela, considérant la quasi-totalité de ce qui se faisait comme médiocre alors même que le format laissait des perspectives cinématographiques novatrices. Il a donc fallu attendre que ce vieux briscard de Paulo Branco vienne le trouver avec en main l'adaptation de l'œuvre de Camilo Castelo Branco pour que le désir fou du cinéaste puisse enfin se réaliser tel qu'il l'avait espéré.

Tout commence à Lisbonne donc. Mais un Lisbonne clôt dont Ruiz ne filme quasiment que les intérieures. Une voix off nous immerge dans l'histoire, celle de João, jeune homme élevé par un prêtre qui refuse de lui avouer son passé. Jusqu'au fameux soir, où, l'enfant tombant malade reçoit lors d'une transe la visite d'une femme l'appelant fils. A partir de là une première mise en abîme va nous être conté par le père Dinis, qui elle-même va en connaître une autre et ainsi de suite. Mystères de Lisbonne joue sur les ramifications mises en parallèle d'histoires diverses créant un véritable regroupement de personne sur pas loin d'un siècle. Digne d'une comédie humaine cinématographique, le film de Ruiz n'a pas peur du vertigineux et encore moins de perdre son spectateur en route. Plus encore que le nombre de personnage, honnêtement tout à fait reconnaissable, se sont les personnalités multiples qu'ils ont empruntés au cours du siècle qui nous font vaciller. Ainsi un homme de main à la solde d'un comte se retrouvera t'il de la noblesse. Chaque personnage est autre et tout secret recèle des liaisons avec les précédents qui frôlent souvent l'improbable le plus total. Quelle est ainsi la ligne directrice de ce film ? On est tenté de croire que c'est le père Dinis, il est quasiment la synthèse du film, son fantôme aussi, comme le démontre cette scène supprimée de la version télé (en avril 2011 sur Arte) où João découvre sa cachette, ô combien symbolique, dans laquelle il conserve des éléments de ses vies antérieures...

Entre le baroque onirique et le récit naturaliste d'une époque, le film joue d'une ambivalence constante. Des hommes qui changent d'identité, des scènes de trahison, des relations multiples, des détours par Paris ou Venise, des retours en arrière qui nous mènent jusqu'aux guerres napoléoniennes,... Ruiz a ainsi tenu son pari, réaliser une bonne télénovela. Ses rajouts volontaires ne font qu'enrichir l'œuvre. D'un petit théâtre dont le jeune héros ne se sépare jamais, il use comme outils de transition. Mettant quelque peu de côté ses élans surréalistes parfois trop repoussants (malgré la présence d'un valet qui sautille et d'autre bizarrerie), il trouve ici un équilibre rare entre distanciation et émotion. Sa mise en scène composée de plan séquence parfois extrêmement virtuose (notamment lors des somptueuses scènes de bal) est évidemment rehaussée par un casting absolument parfait. Que dire alors de plus, si ce n'est que Mystères de Lisbonne est une expérience cinématographique absolument étonnante. 

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