Critique : Une Chinoise

La Rédaction | 11 septembre 2010
La Rédaction | 11 septembre 2010

Guo Xiaolu a beau avoir été influencée par « Vivre sa vie » de l'indomptable Jean-Luc, qui a finalement décidé de bouder l'Oscar que lui tendait Hollywood, Une chinoise ne laisse percevoir aucune once d'inspiration godarienne. Et si le titre du film fait sensiblement penser à celui de Godard, La chinoise, la différence ne se fait pas à un article déterminant près.

Triste tableau d'une campagne grisonnante et désertique. Au milieu du vide, Mei, une jeune femme chinoise, tente de s'extraire de sa vie morose. Rébellion, exil, quête identitaire, clandestinité, proxénétisme, love-story ensanglantée et mariage blanc, Une chinoise est un grand capharnaüm existentialiste, qui dissimule un grand vide à l'intérieur. Décousu et déstructuré, le film tente d'emprunter des sentiers sauvages pour s'affranchir des diktats cinématographiques classiques, mais s'y perd rapidement. Excluant la narration linéaire et la transparence des enjeux qui stimulent l'action, Guo Xiaolu nous laisse face aux images. Un parti pris qui aurait pu plaire, si elle avait su s'en extraire à un moment donné. Mais en s'aventurant de plus en plus loin dans les méandres d'une narration de l'imprévu basée sur l'accumulation d'accidents existentiels, l'incohérence prédomine, l'ennui se fait sentir et le vide grandit. A force de ne rien dévoiler sur les idées qui trottent dans la tête de cette jeune chinoise, on finit par perdre le peu de sympathie qu'on pouvait avoir pour elle.

Un brin rebelle et anarchique, le film qui se voulait sûrement novateur, devient le malheureux écho d'une série de clichés auxquels justement il voulait échapper. Portrait maladroit d'une jeunesse en perdition, fonçant tête baissée dans la mondialisation, Une chinoise ne convainc pas dans sa quête identitaire, devenue chaotique. Le film se consume de l'intérieur, rongé par les clichés dont il nous éclabousse. D'ambitions antimorale et antitotalitaire, Une chinoise est surtout un bel exemple d'anti-cinéma. Et si le but premier était d'aller à l'encontre de la morale confucianiste et de son idée maîtresse que tout a un sens et une utilité, Guo Xiaolu excelle dans la capacité à l'inutilité.

On peut malgré tout apprécier le style « bricolé » du film, d'une image tremblante parfois floue, non pour s'essayer à un Festen made in China, mais parce que Guo Xiaolu a « une caméra pourrie » et que la police chinoise n'est pas loin. Un état d'urgence qu'on aurait aimé plus incandescent dans l'image. Finalement, Une chinoise n'évoque de Godard qu'un profond Sauve qui peut la vie.

Manon Provost.

 

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