Critique : Les Mains libres

La Rédaction | 17 juin 2010
La Rédaction | 17 juin 2010

Chez Jacques Audiart, rien de plus masculin que l'univers carcéral, sa violence sournoise et son système hiérarchique. Ses petits meurtres entre amis et ses couteaux dans le dos. L'opposé de Brigitte Sy, en somme, actrice chez Philippe Garrel et mère de Louis, dont Les Mains libres est le premier long métrage. Si la violence y est en permanence présente, c'est en off, laissant les cris et les coups hors champ. Faisant de la prison un lieu abstrait où tout n'est que psychologique. Quoi de plus banal au cinéma qu'une histoire de couple. Un homme. Une femme. Un coup de coeur. Entre Barbara et Michel, tout semble d'une facilité déconcertante, donnant la douce sensation que les histoires les plus "simples" peuvent aussi être les plus belles. Sauf que Michel est un détenu (incarné par un Carlo Brandt imposant), Barbara une réalisatrice, venue entre les murs de la prison tourner un film écrit et interprété par les prisonniers.

De leur rencontre, nous ne verrons rien. C'est un fait, Barbara aime Michel et réciproquement. Peut importe les interdits, les barrières, les lois et les règles. Jouant continuellement de la condition de Michel, Brigitte Sy livre alors un film extrêmement sensuel et sensoriel. Si l'on ne peut se toucher, le moindre frôlement fait office de promesse, le moindre regard en coin d'une déclaration. Privé de contacts physiques, on s'écrit, se raconte, se livre dans des petits mots passés en douce, tout comme le font au même moment les détenus pour la création du film. Redonnant la parole à des hommes qui en sont privés. Un travail que Brigitte Sy a elle-même effectué, le film étant autobiographique. Se mettant elle-même en scène à travers le personnage de Barbara, qui elle-même se remet en scène au sein de la création de son film. Créant une mise en abîme troublante, permettant à ces personnages de vivre cette histoire "par procuration". Dis comme ça, Les Mains libres pourrait presque paraître une oeuvre au romantisme exacerbé. Il y a  un peu de ça, certes, Brigitte Sy livrant surtout un film d'une extrême pudeur, ne cherchant jamais l'émotion facile. Insérant, sans brusquer, un côté fleur bleue à un univers aussi peu accueillant.

Si le film ne se détache jamais de son héroïne, c'est pour mieux laisser briller Ronit Elkabetz, hallucinante dans sa capacité à passer de la douceur à la brutalité. Elle y incarne une femme de poigne, capable malgré les chutes et les épreuves de retomber amoureuse le plus simplement du monde. Ne s'enfermant pas au fond de son lit, pot de glace à la main.  Allant jusqu'au bout, tête baissée, quitte à frôler l'illégalité, faisant des Mains libres un portrait de femme délicat et bouleversant. Une magnifique surprise dans ce monde de brutes.

Mélissa Blanco

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